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Entre cadres : Être un leader - les répercussions en milieu de travail (TRN4-V12)

Description

Cet enregistrement d'événement présente André Latreille, ombudsman de la santé mentale, qui examine des situations du milieu de travail néfastes pour la santé mentale et explique comment les gens peuvent avoir une emprise sur celles-ci.

Durée : 00:31:46
Publié : 27 janvier 2020
Type : Vidéo

Événement : Entre cadres : Être un leader - les répercussions en milieu de travail


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Entre cadres : Être un leader - les répercussions en milieu de travail

Transcription

Transcription

Transcription : Entre cadres : Être un leader - les répercussions en milieu de travail

[Cet ENTRE cadres a été diffusé lundi le 27 janvier 2020]

[L'animateur, Danl Loewen, s'entretient André Latreille, l'ombudsman de la santé mentale à Services publics et Approvisionnement Canada.]

[Danl Loewen] Bonjour, Danl Loewen avec l'École de la fonction publique, avec Entre Cadres.  Entre cadres, une version express de 30 minutes sur une question importante pour les cadres de la fonction publique, par une personne qui non seulement a une certaine expertise, mais qui est aussi un pair. Un cadre qui a dirigé des personnes concernant des questions comme celle-ci et qui est conscient de la façon dont diverses questions pourraient affecter les activités, les politiques... Tout ce que nous faisons dans un ministère.

Nous avons avec nous aujourd'hui quelqu'un de Service publics et Approvisionnement Canada, SPA, SPA Canada, l'ancien « travaux publiques ».

André Latreille est l'ombudsman de la santé mentale à Services publics et Approvisionnement Canada. Il possède une vaste expérience sur la Colline du Parlement, ayant aussi travaillé au sein de la fonction publique, à la tête des relations de travail, de la rémunération, des ressources humaines, de la planification stratégique et des communications. Depuis trois ans, vous êtes l'ombudsman de la santé mentale à SPAC. Quel est l'élément le plus étonnant ou le problème le plus important qui vous vient à l'esprit lorsque vous pensez à la santé mentale sur le lieu de travail?

[André Latreille] Tout d'abord, merci de me recevoir aujourd'hui.  Je m'en remets encore, mais ça va bien — Je suis très heureux de te revoir, Danl.

[Danl Loewen] C'est un bon sujet pour nous.

[André Latreille] Ça va bien. Ce fut trois années incroyables. Cela fera trois ans en février. On rencontre tellement de gens intéressants dans notre ministère, assurément, avec 17 000 employés et 180 lieux de travail.

[Danl Loewen] Wow.

[André Latreille] N'est-ce pas? Juste là, vous voyez des cultures, des sous-cultures, des sous-sous-cultures, et je fais en sorte que, autant que possible, cela fasse partie de mon mandat d'aller rencontrer les employés et écouter ce qu'ils ont à dire. Une chose qui me frappe, c'est que nous avons de grands, grands leaders dans notre organisation et dans l'ensemble de la fonction publique, mais je vais me concentrer davantage sur notre ministère. Vous savez, pour moi, ces personnes sont celles que l'organisation a prises sous son aile, dans une certaine mesure, pour les former et les préparer à devenir de bons dirigeants.
Puis, c'est ce que vous voyez dans la pratique, mais je vois beaucoup de gens dans de nombreux domaines qui sont un peu désespérés, je dirais.

Des gens qui éprouvent beaucoup d'enjeux personnels dans leur milieu de travail.  Et c'est des gens qui ont besoin de parler, mais ne savent pas à qui parler. Alors ce qu'un ombudsman peut faire, c'est de leur offrir un espace sécuritaire.

Un endroit sûr... où pouvez aller de manière très informelle. Vous ne serez pas jugé, et vous savez, c'est confidentiel, évidemment. Je suis indépendant, donc je ne suis pas là pour défendre l'organisation. Je me rapporte au sous-ministre et il souhaite évidemment savoir ce qui se passe dans son organisation. Comme ça, nous devenons les premiers de classe, n'est-ce pas? Toutefois, lorsque les employés viennent dans cet endroit sûr, ils partagent tellement de choses et cela devient essentiellement le carburant que j'utilise pour essayer d'influencer l'organisation afin qu'elle soutienne mieux ses employés et qu'elle les aide à se développer et à vouloir venir travailler et contribuer à cette organisation. Alors, ce qui me frappe, c'est que les employés ont beaucoup à dire. Nous devons tendre l'oreille et écouter ce que disent ces employés.

[Danl Loewen] Ça veut dire que nous pouvons profiter et lire ce que vous avez écrit au sujet de vos contacts, de votre sondage au sujet de la santé mentale, de vos interventions, les évaluations et les conversations qu'on a eues et qu'on a entendues avec 500 personnes par année, comme ça.

Il semble donc que non seulement nous pouvons bénéficier de ce que vous avez relevé auprès d'une main-d'œuvre de 17 000 personnes, qui ne sera pas complètement unique par rapport à un autre ministère.

[André Latreille] Oui.

[Danl Loewen] Il va donc y avoir des similitudes. La deuxième chose, c'est que nous pouvons encourager les gens dans nos propres ministères à faire appel à l'ombudsman, tout comme nous les encourageons à faire appel au syndicat ou à la gestion informelle des conflits et ainsi de suite, pour que ce ne soit pas déloyal de le faire. Cependant, pour la troisième chose : c'est quoi qu'on peut faire, c'est quoi que chaque cadre supérieur peut faire dans leur propre lieu de travail pour donner l'espace sécuritaire?  Pour fournir un endroit sûr— 

[André Latreille] Oui.

[Danl Loewen] Pour leurs employés, afin qu'ils ne perdent pas tout ce que vous avez gagné. Tout ce que vous avez pu faire, tout ce dont le ministère a bénéficié grâce à votre création d'un endroit sûr pour écouter les gens.

[André Latreille] Oui. Je suppose que le test ultime, et c'est quelque chose que l'on peut se demander au bout du compte... Est-ce que les employés, si vous leur posez la question, travailleraient à nouveau pour ce gestionnaire, ce superviseur, ce chef, et si la réponse est « oui », alors vous êtes sur la bonne voie et vous faites les bonnes choses. Faire les bonnes choses, encore une fois... disons que vous êtes sur le terrain. Vous connaissez les gens, vous savez sur quoi ils travaillent, vous les écoutez. Ils ont les idées, ils traversent le quotidien et ils savent ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Vous êtes là en tant que leader, pour vous assurer qu'ils réussissent. S'ils réussissent, vous réussissez. C'est aussi simple que ça, non? Si vous ne prenez pas soin de votre monde, vous aurez des problèmes sur le terrain. Vous allez voir des gens qui partiront. Vous allez voir des congés de maladie, un certain absentéisme. Puis, n'oubliez pas que chaque fois que cela se produit, certaines personnes sont laissées derrière et ce sont les autres qui doivent prendre le relais.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] Comment allez-vous atteindre vos objectifs dans ce type d'environnement? C'est pourquoi je dis toujours que la priorité d'un bon leader est de prendre soin de ses employés, de planifier et de mobiliser ses employés dans ce que vous pensez être nécessaire pour l'organisation. Donnez-leur une voix. Si vous voulez faire du recrutement, soyez transparent quant à la façon dont vous voulez procéder, parce qu'il y a aussi des problèmes de reconnaissance. Les gens travaillent fort. Vous savez, ils aiment savoir qu'au moins, l'organisation est attentive et peut-être que quelqu'un va penser à eux quand arrivera une promotion, un poste intérimaire, des occasions de perfectionnement ou un programme de formation... n'est-ce pas? Parce que nous devons veiller à ce que les conditions soient propices à l'épanouissement des employés.

[André Latreille] Ça c'est la relève.  Regardez le nombre de personnes qui vont partir à la retraite au cours des prochaines années. Ce sont de gros chiffres!

[Danl Loewen] Oui.  Nous devons préparer nos équipes, nos gens pour être prêts à relever ces défis. Alors, soyez attentifs et connaissez vos employés. Oui.

[André Latreille] Puis, par rapport à la santé mentale, nous traversons différentes étapes dans nos vies, c'est vrai. Je ne vous apprends rien, mais c'est juste un rappel. Vous aurez des problèmes avec vos parents, vous aurez des problèmes avec vos enfants, vous aurez vos propres problèmes physiques ou de santé.

[Danl Loewen] Certainement. Lorsque ça se produit, j'appelle ça la « zone de turbulence ». Vous êtes dans l'avion, vous entrez dans votre zone de turbulence, puis, ensuite, tout va à merveille. Bien, les êtres humains traversent des zones de turbulence. Donc, lorsque vous passez par-là, ce que vous espérez, c'est que votre organisation soit attentive et qu'elle ait cette conversation avec vous. Comment pouvons-nous vous aider à traverser cette épreuve pour qu'en fin de compte, les choses reviennent à la normale et que vous puissiez continuer. Vous n'avez pas pénalisé l'employé parce qu'il vit un moment difficile dans sa vie.

[André Latreille] C'est la réalité. Il faut donc ramener le côté humain, si vous voulez. Donc, la deuxième chose que je dis, c'est « les gens d'abord ». Des gens heureux seront productifs. Si les gens sont malheureux, pas mobilisés, sans confiance dans les hauts dirigeants, vous aurez peut-être un peu plus de mal à vous rendre là où vous voulez aller.

[Danl Loewen] Margaret Wheatley dit : « nous faisons confiance aux personnes dont nous connaissons l'histoire ». Il est difficile de connaître l'histoire et les valeurs d'un leader sans ce que vous avez décrit : assurer la gestion en étant sur le terrain.

[Danl Loewen] L'idée que je dois connaître, un peu, l'histoire de mon patron pour que je puisse avoir ses valeurs, pour avoir la confiance de parler, de parler d'un sujet qui me touche.

[André Latreille] Oui, puis c'est être capable de reconnaître que je n'ai pas toutes les réponses à toutes les questions.

Si quelqu'un dans l'équipe arrive et croit que je dis quelque chose qui ne tient pas la route ou qu'il pense qu'on passe à côté d'une opportunité qu'il met sur la table, mais que je sois assez humble, assez intelligent pour dire « aie, ça peut-être de l'allure cette histoire-là, ». On va continuer la conversation.

Je n'ai pas la vérité absolue. Toi non plus, n'est-ce pas? Ces conversations nous permettent de déterminer la meilleure façon d'arriver à destination.

[Danl Loewen] En tant que jeune gestionnaire, je pensais que j'avais toutes les réponses ou que j'étais censé les avoir et ça, c'est lourd à porter.

C'est un stress pour les gestionnaires, parce que je croyais devoir avoir toutes ces réponses. En même temps, je m'empêche de voir toutes ces suggestions, tous les apports, toute l'expérience et toute la diversité qui m'entourent.

[André Latreille] Oui.

[Danl Loewen] Donc, vous parlez de– votre rapport parle précisément des défis, non seulement que les gens apportent au bureau de la maison, mais aussi de certaines turbulences que nous créons en raison des difficultés liées à la dotation en personnel, des changements technologiques, des changements organisationnels...

[André Latreille] On aime le changement, au fédéral. C'est comme dans toute organisation, on aime ça. On va avoir de nouveaux systèmes, de nouveaux logiciels... On va avoir de nouveaux espaces de travail, avoir de nouvelles politiques, de nouvelles lignes directrices...

[Danl Loewen] L'organisation...

[André Latreille] Je vais arrêter où je vais me faire mal aux doigts à force d'en dire, de dire ces changements-là. L'être humain est capable d'absorber un certain nombre de changements à la fois. Donc, donnons le temps aux gens de digérer ces changements-là, mais plus que ça. Quand tu fais des changements, pourquoi tu fais des changements? Es-tu capable d'expliquer à tes gens pourquoi ? Le « pourquoi ».

[André Latreille] Après, comment veux-tu aborder le changement? Quel espace vas-tu donner aux employés pour façonner ces changements-là? Les employés vont embarquer s'ils sentent qu'ils ont une voix, s'ils ont une influence sur l'organisation et sur les changements qui vont être amenés. Je l'ai vu dans notre ministère. On parle des espaces de travail. Je vais en parler de façon plus directe. À Montréal, on a fait un changement radical pour passer d'un mode où chacun avait son petit cubicule à, aujourd'hui, un seul espace ouvert. Personne n'a son bureau assigné. C'est tout ouvert. Tu t'assoies où tu veux le matin quand tu arrives. Les gens ont leur casier, où ils mettent leurs équipements le soir et les reprennent le matin.  Mais on a trouvé des façons pour faire en sorte que ça corresponde aux souhaits des employés; comment travailler et comment le milieu ce travail va embrasser ça. Si tu demandes aux gens à Montréal, aujourd'hui, s'ils veulent retourner en arrière, la majorité va dire « non ».

[Danl Loewen] Impressionnant.

[André Latreille] On aime ça et pourquoi, qu'est-ce qui a marché là? Du jour un avait une vision, mais la façon de faire pour le faire arriver ça n'appartenait pas à la haute direction. Ça appartenait aux employés et c'est eux qui ont fait arriver ce projet-là. Quand ça a été fini, tout le monde était assis dans son fauteuil, on garde la boucle ouverte. Donc les employés peuvent continuellement offrir de la rétroaction et la gestion est à l'écoute pour apporter ces changements-là. Alors, c'est quelque chose qui est vivant et c'est ça, la gestion. C'est quelque chose qui est vivant.

[Danl Loewen] Il est clair que l'on gagne à créer un espace où les gens se sentent en confiance pour partager leurs préoccupations et leurs problèmes personnels. Non pas que vous vouliez connaître tous les détails, mais qu'ils peuvent partager avec un gestionnaire, un superviseur, un cadre ou un sous-ministre. Ils peuvent communiquer au sujet de certaines choses dont ils auront besoin à l'avenir ou de certains obstacles auxquels ils sont confrontés. Ils traversent une période de turbulence.

[André Latreille] Oui.

[Danl Loewen] Donc, créer cet espace où les gens sentent qu'ils seront entendus en toute sécurité, c'est la clé.

[André Latreille] À ce sujet - désolé, je ne voulais pas vous interrompre. Je dois dire que c'est l'une des choses qui m'irritent le plus...

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille]  ... au travail, c'est quand les gens viennent me voir—encore une fois, j'ai droit à un côté de la médaille, en tant qu'ombudsman, n'est-ce pas? Toutefois, vous pouvez entendre de nombreuses histoires. Donc, à un moment donné, vous y accordez une crédibilité. C'est quand les employés abordent leur gestionnaire ou leur directeur, ou leur DG, et que ce dernier dit simplement « pfff ».

« Revirer comme une crêpe. »  Comme on dit en bon français.  Où les gens ne sont pas ouverts à accueillir ce que les employés disent.

[André Latreille] Quelle sera votre réaction, la prochaine fois que vous aurez une idée? Vous ne ferez rien, vous vous tairez. Donc, s'il existe un risque en lien avec ce qui se passe, vous ne le mentionnerez pas, parce que vous aurez peur de vous faire rabrouer.

[Danl Loewen] Exact.

[André Latreille] Puis, en partie, cela prend la forme de représailles à l'encontre de votre carrière. Vous êtes quelqu'un qui parle. Certaines personnes ne veulent pas que les employés prennent la parole. C'est un environnement qui, malheureusement, risque de vous poser des problèmes, parce que les vrais risques, les vraies choses auxquelles vous devez prêter attention ne sont pas prises en compte.

[Danl Loewen] Pourquoi engager tous ces gens intelligents si nous ne voulons pas entendre ce qu'ils pensent?

[André Latreille] C'est une bonne question.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] C'est une bonne question, mais je demanderais plutôt : « comment embauchons-nous ces personnes, en fait? Sur quoi mettons-nous l'accent? »

[André Latreille] Est-ce qu'on met l'emphase sur la compétence technique ou est-ce qu'on met l'emphase sur ce que tu amènes comme compétences? Qu'est-ce que tu as dans ton « gut », qui va faire en sorte que quand tu vas arriver dans un milieu de travail, peu importe tes connaissances... des connaissances, ça s'apprend.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] OK, mais la façon que tu vas aborder ton travail, la façon que tu vas gérer dans ton environnement, la façon que tu vas mobiliser ton monde, va faire toute une différence.

[André Latreille] Donc, je pense que vous avez demandé de partager quelques histoires très rapidement. Il y a quelques années, je suis entré dans cette fonction, dans ce nouveau rôle de DG des relations de travail, et la rémunération faisait également partie du portefeuille. C'était en 2007, et les gens ne s'en souviennent peut-être pas, mais...

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] la fonction publique —

[Danl Loewen] Aujourd'hui, ça fait 13 ans —

[André Latreille] En fait, à l'époque, SPAC avait de gros problèmes concernant la rémunération.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] N'est-ce pas? Environ un tiers des employés étaient partis, le sous-ministre a été convoqué devant une commission parlementaire pour expliquer pourquoi les employés de SPAC n'étaient pas payés. Il y a 13 ans. Voici donc où j'interviens, n'est-ce pas? Alors, quelle est la recette? Parlez à vos employés. Que se passe-t-il? Pourquoi cela arrive-t-il? Que devrions-nous faire? De quoi avons-nous besoin? N'est-ce pas? Donc, vous parlez aux employés, à quelques autres parties prenantes, puis vous commencez à reconstruire. Cependant, les employés ont été au cœur de cette reconstruction. Puis, le plus beau compliment que quelqu'un m'ait jamais fait dans la fonction publique, je pense, c'est quand quelqu'un m'a tout simplement tapé sur l'épaule — elle était au conseil en matière de rémunération — et m'a dit : « André, tu es l'un des nôtres. » Puis, en effet, je suis l'un d'entre nous. Je le suis. Nous sommes tous pareils. Nous avions seulement des rôles différents. Nous sommes des gens. Nous nous traitons comme des personnes.

Prenons soin de nous-mêmes et prenons soin des autres. Puis, on va arriver à atteindre nos objectifs dans la mesure où les gens sont heureux, ils ont une voix, ils sont reconnus et ils sont récompensés.

[André Latreille] Ce n'est pas difficile. Ce n'est pas difficile.

[Danl Loewen] Diriger en mobilisant les gens et en trouvant des solutions plutôt que de diriger en ne faisant que donner des directives comme si une seule personne disposait de toutes ces informations. Il y a une expression dans les forces armées : « N'avancez pas trop loin devant vos propres troupes, car on croira que vous êtes l'ennemi. » Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui verraient les choses de cette façon. Si un dirigeant ne se donne pas la peine de demander, d'écouter, ça pourrait se produire de nombreuses façons différentes.

[André Latreille] Oui, Danl, j'ai une question pour toi. Il y a des années, je t'ai engagé.

[Danl Loewen] Je m'en remets toujours.

[André Latreille] Oh oui, je peux comprendre. Je peux comprendre. Pas à cause de moi.

[Danl Loewen] Non, certainement pas.

[André Latreille] Je t'ai donc engagé parce que j'occupais un poste de SMA et qu'il y avait des défis à relever dans un domaine particulier, et je savais que tu n'avais pas beaucoup de connaissances techniques dans ce domaine.

[Danl Loewen] Je te remercie de le dire devant la caméra.

[André Latreille] Je crois toujours, en fait, que tu n'avais aucune connaissance technique.

[André Latreille] [Rires] Peut-être que j'exagère, mais ce que tu as apporté était différent. Alors, qu'est-ce que c'était? Tu t'en souviens?

[Danl Loewen] Oui, je pense que tu as été assez clair sur le fait que les gens là-bas devaient se sentir connectés à l'organisation. Ils avaient besoin de sentir qu'ils étaient en sécurité et qu'ils étaient entendus. Ils avaient besoin de sentir qu'ils avaient un certain impact pour faire avancer les choses, et, et que ça vaut la peine de contribuer, parce qu'on va les écouter.

Donc, pour moi, il y avait beaucoup de réunions avec les directeurs, les gestionnaires, les superviseurs, les employés de différents groupes... et j'ai décidé de prendre deux minutes pour me décrire et 20 minutes pour écouter leurs préoccupations. Puis, cette information détermine où je veux aller en tant que leader. Contrairement au très jeune gestionnaire que j'étais, il y a 150 ans, alors que je pensais que mon travail consistait à entrer et dire aux gens ce qui devait se passer.

[André Latreille] Oui. Puis, je me souviens que tu as défendu certains employés qui avaient fait des erreurs.

N'est-ce pas? Tu t'en souviens? Tu n'as pas sacrifié ces employés. Tu n'as même pas voulu me dire leurs noms.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] C'est vrai.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] Pour moi, c'est ce qui a fait de vous un leader et les gens étaient très heureux. En fait, je pense qu'ils ne voulaient pas que tu partes.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille]  Cependant, je m'occupais de toi. C'était donc une autre affaire.

[Danl Loewen] [Rires] C'est intéressant quand tu dis cela, parce que cela souligne pour moi l'idée qu'en tant que leader, je suis responsable de ce qui se passe. Si je cherche quelqu'un à blâmer, c'est l'antithèse du leadership. Mon travail est d'aller trouver non pas qui est à blâmer, mais ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses. Souvent, je n'ai pas cette réponse. Ce que j'ai, comme leader, c'est la capacité de développer une vision et une stratégie afin d'obtenir des résultats. Toutefois, nous ne pouvons pas le faire sans mobiliser les gens. Collaborer avec les partenaires et les parties prenantes, en demeurant à l'affût des occasions de promouvoir l'innovation et de guider le changement tout en étant fermement ancré dans l'intégrité et le respect. Cela ne signifie pas qu'il faut être le meilleur gestionnaire immobilier, le meilleur traducteur, le meilleur comptable, le meilleur, peu importe...

[André Latreille]  Oui. Je suppose qu'en fin de compte, ce n'est pas votre lieu de travail. C'est le lieu de travail de tout le monde.

[Danl Loewen] Oui, et notre rôle en tant que leaders est d'aider les gens à faire leur maximum. Sans adopter cette approche, la santé mentale sur le lieu de travail... et nous avons tous des problèmes de santé mentale. N'importe lequel d'entre nous pourrait avoir l'équivalent en termes de santé mentale d'une cheville foulée, d'une jambe cassée, d'une grossesse ou d'un diabète avec lequel il faut composer. La santé mentale a de nombreux parallèles avec la santé physique. Que faire? C'est difficile de faire tout ce que nous avons décrit, c'est difficile.

Si je suis moi-même stressé, qu'est-ce que je peux faire pour prendre soin de moi-même, comme cadre supérieur, avec toute la pression qui existe?

[André Latreille] Oui. S'il y avait une recette pour cela, ce serait un best-seller. Il n'y en a donc pas. Il faut examiner ces situations une par une, je pense. Je vais dire quelque chose que tout le monde entend et sait, mais —

[Danl Loewen] C'est d'ailleurs une question de nos participants. Les autres participants peuvent cliquer sur le bouton de participation pour envoyer une question. Je cherche des questions très difficiles pour André Latreille, parce que c'est le sort qu'il m'a fait subir dans une entrevue, il y a 150 ans.

[André Latreille] J'ai droit de véto n'est-ce pas? Je vais donc revenir sur quelque chose que vous avez déjà entendu, et moi aussi, mais qui touche un point. Disons que vous êtes dans un avion. Ainsi, les premières instructions que vous recevez lorsque vous êtes assis dans cet avion sont les suivantes : si, pour une raison quelconque, vous êtes en vol et que vous perdez de l'oxygène ou de la pression dans la cabine, un masque va tomber et on vous dit de le mettre en premier si vous voulez aider les autres.

[Danl Loewen] Exact.

[André Latreille]C'est donc la même chose pour un leader. Prenez soin de vous. Soyez dans une bonne disposition afin de pouvoir aider les autres. Si vous êtes vous-même en situation de stress, vous aurez beaucoup de difficulté à le faire. Cela aura de lourdes conséquences sur le plan individuel.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] N'est-ce pas?

[Danl Loewen] Un garçon de quatre ans ne pourra pas m'aider après que je lui aie mis son masque.  Cela signifie donc que je dois être capable de m'occuper de moi-même avant de pouvoir être utile à ces gens.

[André Latreille] Absolument. Absolument, parce que vous avez beaucoup d'influence dans cette organisation.

[Danl Loewen] L'une des choses dans la description de cette séance Entre cadres, l'une des choses soulignées était que notre santé mentale, notre santé émotionnelle et notre santé physique ont des répercussions sur la façon dont nous interagissons avec les autres. Nous sommes évidemment sous un microscope, en tant que leaders. Nous donnons le ton à une organisation.

[André Latreille] Oui.

[Danl Loewen] Cela signifie donc que si nous fonctionnons d'une manière qui nie nos propres défis ou les turbulences que les gens traversent, si nous fonctionnons d'une manière qu'on pense qu'il y a « nous et eux » et que nous devrons les orienter, qu'ils devraient simplement faire ce qu'on leur dit... Bien sûr, ce n'est pas du leadership. Ils sont plutôt des détenus.

[André Latreille]  Oui, je suppose que votre message, c'est que les dirigeants doivent être transparents sur la situation qu'ils vivent. Ils peuvent ressentir de la pression sans nécessairement la transmettre à tout le monde, mais en cherchant ensemble des moyens, il est possible de relever ces défis. Encore une fois, les réponses peuvent se trouver au sein de votre propre organisation, dans votre équipe. Plus les gens auront confiance en leur leader, plus ils seront mobilisés et plus ils voudront faire partie de cette solution. Si les gens perdent la confiance en les hauts dirigeants, le niveau de mobilisation baisse très vite, puis le cynisme s'installe.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille]  Dans certains cas, c'est du sabotage, ou appelez ça comme vous voulez.

[Danl Loewen] Puis, nous commençons à nous retirer.

[André Latreille]  Oui.

[Danl Loewen] Et la mobilisation, bien sûr, c'est-à-dire que nous comprenons que l'énergie, l'enthousiasme, l'intention, l'action et la discrétion des gens jouent un rôle dans notre production au cours d'une journée.

[André Latreille]  Oui.

[Danl Loewen] Donc, un lieu de travail plus créatif, plus productif, plus collaboratif, des résultats davantage axés sur le client... Cela va venir des employés qui se sentiront mobilisés. Je ne peux pas être mobilisé dans une organisation où je ne me sens pas aussi bien, lorsque l'organisation ne m'aide pas à me sentir bien chez elle.

[André Latreille]  Oui. Je parlais à l'ombudsman d'Hydro-Québec la semaine dernière et c'est drôle, n'est-ce pas? Je l'ai dans mon dernier rapport. Alors, elle souligne que...

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] ... et le message c'est, on voit, dans nos environnements respectifs, pas seulement un employé, deux employés, mais des groupes d'employés qui lèvent la main. C'est un appel à l'aide, parce qu'ils vivent dans un environnement qui est créé par leur leadership et qui est toxique, et ça a des conséquences critiques. Des conséquences critiques; ce sont des gens qui vont partir en dépression. Ce sont des gens qui vont partir en congé de maladie.

Ce sont des gens qui vont s'absenter de façon régulière. Ce sont des gens qui mettront pas les heures pour réussir parce qu'ils ne croient pas à ce que le leadership leur dit. Quand le leadership est là pour le leadership, selon ma façon de voir...

[André Latreille] ... et je l'ai dit pendant toutes ces années, au long de ma courte carrière : soyez là pour l'organisation, et l'organisation sera là pour vous. Si votre intention est de bâtir votre égo et de bâtir votre personne pour gagner en popularité, ou autre...

[Danl Loewen] Oui. Oui.

[André Latreille]  ... vous n'êtes pas au bon endroit dans la fonction publique. Ce n'est pas le mot d'ordre. Nous sommes ici pour servir les Canadiens. Donc, comment y parvenir? Nous le faisons en collaborant.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] Puis, il existe des moyens d'y parvenir.

[Danl Loewen] La meilleure façon d'impressionner, c'est de se rendre utile, et non d'essayer d'impressionner.

[André Latreille] Exact.

[Danl Loewen] Dans, le rapport qu'on vient de publier pour l'année 2010 – 2019, pardon, 2018 à 2019, on a mentionné, encore, l'idée de former nos gestionnaires, nos leaders. On y parle de coaching, de mentorat et d'un programme de « on-boarding », d'orientation pour les nouveaux gestionnaires. Est-ce qu'on peut parler de la raison pour laquelle ça vaut la peine pour tout le monde de le faire, pas juste comme ministère, mais comme un cadre supérieur qui a son propre groupe ? Qu'est-ce qu'on peut faire là-dessus?

[André Latreille] Oui, « on-boarding », c'est assez standard. Si tu joins l'organisation, voici ce à quoi tu peux t'attendre. Idéalement, tu le sais avant, mais une fois que tu entres, on te prend en main, puis on va t'accompagner. Puis, tu vas savoir vers qui te tourner pour aller chercher tes informations, tes outils, ton lieu de travail, etc. Puis, j'entends souvent des histoires de gens qui sont arrivés au ministère 8,10, 15, 20 jours pas d'ordinateur, personne qui les accompagne, laissés à eux-mêmes. Ce n'est pas comme ça que tu vas avoir une bonne expérience en tant qu'employé dans l'organisation. Au niveau des superviseurs, gestionnaires, cadres, une des choses qu'on remarque, encore une fois : tu es bon techniquement, tu es un bon traducteur, tu es un bon ingénieur, tu es un bon comptable... peu importe la profession que tu peux avoir, parce que tu es bon dans ce que tu fais, la progression normale va t'amener dans un poste de gestion. Est-ce que ça veut dire que tu es familier avec toutes les règles qui entourent la gestion des personnes, les relations de travail, la gestion d'invalidité, la gestion informelle des conflits. En fait toutes les différentes facettes qui viennent faire en sorte qu'un gestionnaire est bien équipé pour supporter son employé. Ça, malheureusement, il y a souvent des raccourcis, parce qu'une nouvelle personne, ou une personne qui entre dans un poste de supervision de gestion, tout de suite est confrontée à devoir livrer des choses, n'est-ce pas? Sans nécessairement passer autant de temps qu'elle le souhaiterait à travailler avec son équipe, travailler avec ses gens. Les échéanciers sont souvent serrés. Les charges de travail peuvent être lourdes et il y a quelque chose qui doit céder, et c'est un peu ça. Ce que je remarque, c'est que dans ces cas-là, souvent, quand une situation se produit entre un gestionnaire et un employé, on va prendre le téléphone, puis on va appeler les relations de travail pour voir ce qu'on doit faire pour redresser l'employé.

[Danl Loewen] Oui.

[André Latreille] À la place de prendre le temps et d'avoir la conversation pour connaître l'employé et savoir « qu'est-ce qui se passe? », « comment je peux être partie de la solution, si c'est possible ? ». Des fois, ce l'est, des fois ça l'est pas, mais c'est prendre ces petits moments-là...

[Danl Loewen] Oui, oui.

[André Latreille]  ... qui rapportent, qui disent à l'individu « je compte dans cette organisation-là, je ne suis pas juste un numéro. » Je suis pas dans une machine à saucisse là.

[Danl Loewen] Bon nombre des questions qui ont été soulevées; la dotation en personnel, les changements technologiques, la restructuration, les changements environnementaux, les pressions politiques... beaucoup de ces choses... la charge de travail...

[Danl Loewen] ... la charge de travail... sont des problèmes dont nous sommes conscients dans la fonction publique. Je pense que ce que vous faites aujourd'hui, c'est vraiment établir des liens entre ces questions et notre responsabilité en tant que leader d'être conscient de ces questions et de la façon dont elles affectent la santé, le bien-être, la stabilité émotionnelle, la créativité intellectuelle et la productivité physique des personnes qui étaient là pour diriger afin d'atteindre ces objectifs.

[André Latreille] Oui.

[Danl Loewen] Nous avons une occasion pour les participants. S'ils vont sur Slido, il y a le mot-clic M795. Ils peuvent l'utiliser rapidement dans les trois minutes qui suivent ou plus tard. M795. Ils peuvent s'en servir pour aborder des questions précises qui sont ressorties de ce dont nous avons parlé aujourd'hui et qui leur seraient utiles en tant que futurs sujets pour Entre cadres ou pour tout ce qui les frappe et qui leur serait utile en tant que cadres, en tant que dirigeants, en tant que gestionnaires dans leurs rôles combinés. Le fait de pouvoir entendre quelqu'un qui a eu une expérience directe, comme vous, à la fois sur le terrain, dans un domaine particulier, mais aussi en tant que leader dans la fonction publique, dirigeant les opérations, la politique, les communications et toutes sortes d'autres choses.

[André Latreille] D'accord. Merci. Une chose que je laisserais comme message : si vous avez du temps et que vous pouvez en faire une priorité, planifiez, planifiez. Planifiez où vous allez; pas la semaine prochaine, ni le mois prochain, pas dans trois mois ou six mois. Où allez-vous? Que voulez-vous accomplir? Ensuite, ouvrez la conversation sur la façon dont vous allez réellement procéder. Je vais donc citer un de mes anciens sous-ministres, François Guimont, qui a parlé lors de la conférence sur le leadership, il y a quelques années. L'une des choses qui m'ont marqué, c'est que plus vous avez de temps, plus vous avez de choix et d'options.

N'est-ce pas? Vous devez donc livrer quelque chose en six mois. Bien, vous avez six mois : vous pouvez imaginer différentes manières d'arriver au résultat final. Tic-tac, tic-tac, tic-tac, attendre, attendre, attendre. Si vous en êtes à un mois de la date de livraison et que vous n'avez pas encore commencé à travailler, vous n'avez plus les mêmes options. N'est-ce pas? Puis, votre niveau de stress commence à augmenter de façon significative. N'est-ce pas? Planifiez. Vous pouvez le faire de manière à ne pas être confronté à une crise et le faire pour les différents projets sur lesquels vous travaillez. Étonnamment, vous allez arriver à un point où vous vous sentirez zen dans votre organisation. Ce n'est pas partout.

[Danl Loewen] Exact.

[André Latreille] Je reconnais qu'il existe de nombreux secteurs d'activité qui nous rendent la tâche difficile. Cependant, plus vous planifiez, plus je pense que c'est facile. Plus vous impliquez vos employés et leur posez des questions ou leur expliquez pourquoi vous voulez faire certaines choses, comment vous allez y arriver, plus ils vont faire partie de la véritable réalisation, de la conception et de l'influence.
Puis, peut-être qu'en fait, vous allez reconnaître ce qu'ils font. Je pense que c'est quelque chose que les gens apprécient.

[Danl Loewen] Les outils qui sont là. Merci. Les outils sont là si nous savons que nous pouvons les utiliser. Le rapport de l'ombudsman sur la santé mentale pour SPAC est disponible en ligne. Slido est disponible pour que les gens puissent relever précisément des points qui pourraient leur être utiles. Je vais terminer par une citation de Margaret Wheatley, sur l'idée que nous faisons confiance aux personnes dont nous connaissons l'histoire. La raison pour laquelle c'est si important, c'est que, quel que soit votre défi, le moyen de le relever est de bâtir une communauté, pour passer à travers. Vous parlez de construire une communauté qui soit à la fois verticale et horizontale. Le fait d'être conscient de la façon dont votre santé mentale, celle de votre personnel qui s'occupe de vos clients et celle de tous ceux avec qui vous travaillez joue un rôle très important dans l'accomplissement de notre mandat.

Merci beaucoup, André Latreille.

[André Latreille] Puis, demandez-vous si les gens retourneront travailler pour vous si on leur en donne l'occasion.

[Danl Loewen] Bonne question.

[André Latreille] À toi, je dirais oui.

[Danl Loewen] [Rires] Je pense que nous sommes à égalité!  Inspirant, comme d'habitude. André Latreille, Ombudsman pour la santé mentale, pour Services publics et Approvisionnement Canada.

Bien apprécié.

[André Latreille]  Merci Danl. À bientôt.

[Danl Loewen] À bientôt.

[André Latreille] Et merci!

[Danl Loewen] Oui.

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