Transcription
Transcription : L'histoire des personnes d'ascendance africaine au Canada
Narrateur : Vous écoutez un extrait de l'événement « Comprendre le racisme envers les Noirs et comment devenir un allié ». Ce balado fait partie d'une microsérie d'apprentissage en lien avec cet événement, qui était le premier d'une série organisée en collaboration avec le Caucus des employés fédéraux noirs. Nous vous remercions de vous joindre à nous dans cet espace pour tenter de comprendre la signification du racisme envers les Noirs ainsi que la notion d'allié au Canada. C'est ce que nous ferons tout au long de la microsérie d'apprentissage.
Le balado suivant présente le Dr. Isaac Saney, directeur du programme d'année de transition de l'Université Dalhousie. Dr. Saney possède un Ph.D. en histoire du Département des études orientales et africaines de l'Université de Londres, et un doctorat en droit de l'École de droit de l'Université Dalhousie.
Jalon musical
Dr. Isaac Saney : En tant qu'historien, j'aimerais commencer par de brèves remarques pour mettre en relief l'histoire des personnes d'origine africaine au Canada. Je crois qu'il est important de comprendre que les deux principales victimes du colonialisme au Canada ou dans les « Canada » ont été, bien évidemment, les peuples autochtones de diverses nations et les personnes d'ascendance africaine.
La présence de personnes d'ascendance africaine remonte loin dans notre histoire, mais elle est aussi accompagnée d'une longue lutte pour la liberté et l'autodétermination. Nous avons ici une longue histoire d'esclavage qui est rarement reconnue. Nous associons souvent l'esclavage à une situation qui a pris naissance aux États-Unis. Cela fait partie du concept canadien selon lequel le Canada a été en quelque sorte le terminus du chemin de fer clandestin et que l'esclavage, les brutalités et la ségrégation imposée par les lois Jim Crow font partie des événements de l'histoire des États Unis. Donc, l'explosion de manifestations à la suite du meurtre de George Floyd découle non seulement du fait que ce crime s'inscrit dans une longue série de crimes contre des personnes d'ascendance africaine, mais aussi parce qu'au Canada et partout dans le monde, nous avons tenu des manifestations de solidarité, précisément parce que des crimes similaires ont eu lieu ici, au Canada, tout comme dans d'autres pays.
Je pense qu'un des éléments qui a choqué les gens, c'est que nous avons pu révéler l'histoire de l'esclavage au Canada. Nous pouvons parler de l'histoire d'Africains qui ont été vendus. Nous pouvons parler de la brutalité imposée aux Africains et les histoires que j'ai recueillies illustrent cette brutalité. Donc, l'esclavage au Canada n'a peut-être pas permis d'atteindre des sommets statistiques ou d'avoir une incidence économique comme aux États-Unis, mais il a permis d'instaurer une pléiade de dynamiques, de valeurs et de pratiques qui ont continué de forger profondément la trajectoire des personnes d'ascendance africaine. Donc, quand nous parlons de cette histoire, de l'histoire des personnes d'ascendance africaine, nous ne parlons pas simplement d'un accident ou d'une conjecture d'apparence fortuite dans l'historiographie canadienne, nous parlons de la négation de leurs droits à la citoyenneté et de l'idée même qu'ils pouvaient avoir des droits. Je pense que cela a profondément marqué l'expérience des Noirs au Canada. Le racisme institutionnel et systémique s'est profondément ancré dans la structure de l'État et les pratiques qui continuent d'avoir cette incidence délétère sur les personnes d'ascendance africaine.
Parmi les points fondamentaux qui illustrent cela, il faut souligner que des débuts de l'esclavage à la création d'organisations noires pour faire face aux conditions auxquelles les Noirs étaient confrontés, jusqu'aux luttes des années 60 et même au-delà, l'oppression des Noirs, la marginalisation des Noirs, l'exploitation des Noirs et la privation de leurs droits sont au cœur de la fondation de l'État canadien, l'État colonisateur canadien. Devant ce déferlement ou cette protestation dont nous avons été témoins, dirons-nous, les demandes très profondes de justice, les demandes très profondes de changement social fondamental, ce que les gens réclament, ce qui est évident, va au-delà de la simple rhétorique, au-delà de la simple reconnaissance de la présence noire au Canada. Il faut un déploiement concret de ressources et de changements dans les politiques et la structure de l'État pour pallier cette marginalisation des personnes d'ascendance africaine.
Nous avons donc une tâche ardue devant nous et il nous faut régler ce problème fondamental de racisme anti-noir et comprendre son caractère distinct, car si nous ne comprenons pas qu'il est au cœur de la fondation de l'État canadien, les problèmes et les manifestations contre ces injustices continueront. Comme l'a déjà dit Mumia Abu-Jamal, c'est seulement en luttant que nous pouvons transformer la triste réalité dans laquelle nous vivons. Quand je regarde les diverses manifestations qui ont eu lieu, quand je discute avec des étudiants qui ont suivi mes cours, quand je vois des personnes parler haut et fort et quand je vois des gens reconnaître cette longue histoire d'oppression et de souffrance, je suis optimiste, mais mon optimisme est tempéré par le fait que nous devons aller au-delà des belles paroles. Nous devons aller au-delà de l'action afin de pallier et corriger ces injustices historiques et ce modèle d'histoire de privation des droits et de marginalisation.
Jalon musical
Narrateur : Vous venez d'entendre le Dr. Isaac Saney, directeur du programme d'année de transition de l'Université Dalhousie. Le Dr. Saney est un activiste communautaire de longue date. Il participe aussi au mouvement antiguerre et à la lutte antiraciste. Ses racines sont imprégnées dans la communauté noire néo écossaise et les Caraïbes. Il est l'auteur de Cuba: A Revolution in Motion, et il termine actuellement l'écriture de son prochain livre, Africa's Children Return: Cuba and the Global Black Liberation Struggle.