Explorer des approches itératives dans le cadre de la prestation de programmes et de services
L'amélioration continue est un processus ininterrompu qui consiste à peaufiner les solutions au moyen de mises à jour fréquentes qui s'appuient sur la rétroaction et l'exécution en conditions réelles. Ainsi, les produits et services évoluent continuellement pour mieux répondre aux besoins des utilisateurs et utilisatrices, ce qui se traduit par des résultats mieux adaptés et plus efficaces.
Dans les projets gouvernementaux, l'efficacité accrue des services et des politiques passe indéniablement par l'amélioration continue. En sondant régulièrement le milieu communautaire, les organismes locaux et les autres parties intéressées, les organisations peuvent adapter leurs programmes pour mieux répondre aux besoins variés, par exemple en modifiant la prestation des services, en actualisant les lignes directrices des politiques ou en offrant de nouvelles fonctions demandées par les utilisateurs et utilisatrices. L'accessibilité des services, la pertinence des politiques et l'incidence globale s'en trouvent alors amplifiées.
La conception itérative est une stratégie clé de mise en œuvre de l'amélioration continue. Dans cet article, nous définirons ce qu'elle est, décrirons ses avantages et ses approches courantes au sein du gouvernement, présenterons les enjeux concrets qu'elle pose et soulignerons les pratiques exemplaires du secteur public qui ont été éprouvées.
Qu'est-ce que la conception itérative?
La conception itérative est une méthode cyclique d'amélioration d'un produit, d'un service ou d'un système en le peaufinant et en l'enrichissant de façon répétitive au moyen d'itérations successives. Bien des organisations font évoluer leur offre au fil du temps en réponse à la rétroaction, à la réflexion ou à l'évaluation, mais on transpose de plus en plus souvent la conception itérative en processus reproductibles fondés sur des données probantes. Citons en exemple certains processus tels que l'approche Scrum, l'approche Lean Startup, la réflexion conceptuelle, l'approche Kanban, la gestion de produits, la conception centrée sur la personne et la pensée systémique.
Définitions de concepts
Scrum : Cadre associé au développement Agile, l'approche Scrum repose sur des cycles de construction de durée fixe appelés sprints, qui durent généralement deux à quatre semaines. Les équipes travaillent sur les tâches prioritaires et tiennent des réunions debout (généralement quotidiennes) pour discuter des progrès et des obstacles pour assurer l'amélioration continue et l'adaptation.
Lean Startup : Approche qui met l'accent sur la création d'un produit minimum viable et sur l'itération en fonction de la rétroaction des utilisateurs et utilisatrices. Elle repose sur l'apprentissage validé, où; les hypothèses concernant une idée commerciale sont mises à l'essai et peaufinées au moyen de cycles construction-mesure-apprentissage.
Réflexion conceptuelle: Approche de résolution de problèmes qui comporte des étapes comme l'empathie envers les utilisateurs et utilisatrices, la définition des problèmes, l'idéation, le prototypage et la mise à l'essai. Elle est répétée pour peaufiner les solutions en fonction de la rétroaction des utilisateurs et utilisatrices et des résultats d'essais.
Kanban : Cadre associé au développement Agile qui permet de visualiser le flux de travaux et met l'accent sur la prestation en continu. On utilise un tableau pour représenter les tâches et leur progression, ce qui permet aux équipes de gérer et d'améliorer progressivement les processus.
Gestion de produits : Approche qui consiste à peaufiner et à faire évoluer continuellement un produit en fonction des études de marché, de la rétroaction des utilisateurs et utilisatrices, ainsi que des indicateurs de rendement. Les gestionnaires de produits priorisent régulièrement les fonctionnalités, modifient les feuilles de route et contrôlent les cycles de développement pour faire concorder le produit avec les objectifs commerciaux et les besoins des utilisateurs et utilisatrices.
Pensée systémique : Approche qui cherche à comprendre et à améliorer des systèmes complexes en analysant l'interaction et I'influence réciproque de leurs différents composants. Elle mise sur la révision continue des modèles et des stratégies en fonction de la rétroaction et de nouveaux points de vue pour améliorer le rendement global et l'adaptabilité du système.
Conception centrée sur la personne : Approche axée sur la conception de solutions qui tiennent compte des utilisatrices et utilisateurs finaux. Elle comporte des étapes comme l'empathie envers les utilisateurs et utilisatrices, la détermination de leurs besoins, la formulation de solutions, le prototypage et la mise à l'essai. Elle est répétée pour veiller à ce que la conception satisfasse efficacement aux exigences des utilisateurs et utilisatrices et qu'elle améliore leur expérience.
Quels sont les champs d'application possibles de l'approche itérative?
L'approche itérative contraste souvent avec l'approche en cascade, qui suit un processus de conception et d'exécution linéaire et séquentiel. L'approche en cascade sous-tend une progression étape par étape jusqu'à la livraison finale, où; chaque phase de projet doit être terminée avant d'être confiée à l'équipe suivante. En général, cette approche comporte moins de boucles de rétroaction à chaque étape. Elle s'adapte donc moins facilement aux changements et à la rétroaction continue des utilisateurs et utilisatrices.
Approche en cascade
Conception itérative
Texte descriptif
Comparaison de l'approche en cascade et de la conception itérative. L'approche en cascade est linéaire. La conception itérative est cyclique et exige une certaine validation ou mise à l'essai de chaque phase avant de passer à la suivante.
Aucune des deux approches n'est supérieure à l'autre, chacune ayant des forces selon le contexte. L'approche itérative est particulièrement efficace lorsque l'incertitude est élevée ou que les exigences évoluent rapidement, car elle permet des rajustements fréquents et des améliorations continues. En revanche, l'approche en cascade convient souvent mieux lorsque les exigences sont bien définies et que les conditions sont stables. Le processus linéaire et séquentiel peut alors apporter clarté et structure.
Toutefois, cette différence ne signifie pas que les deux approches sont incompatibles. En effet, il est possible de les combiner pour obtenir un modèle hybride qui s'appuie sur les forces des deux approches, en adaptant les principes itératifs dans un cadre en cascade plus structuré afin d'obtenir plus de souplesse et de sensibilité.
Par exemple, dans le cas de projets gouvernementaux, le système global pourrait être divisé en modules qui sont élaborés, mis à l'essai et peaufinés de façon itérative dans le cadre des phases plus générales de l'approche en cascade. Le modèle hybride permet donc au projet de suivre une trajectoire séquentielle – collecte des exigences, conception, mise en œuvre, mise à l'essai et déploiement – et d'intégrer des mini-cycles d'itération à chaque phase. De plus, comme toutes les phases comportent de la rétroaction de la part des utilisateurs et utilisatrices et des parties intéressées, le projet peut être peaufiné et modifié en continu.
Texte descriptif
Modèle hybride : approche en cascade itérative. Pour obtenir une approche en cascade itérative et adaptative, il faut ajouter des boucles répétitives comme la recherche, la validation, l'examen, l'expérimentation et la mise à l'essai aux principales phases de l'approche en cascade.
Par ailleurs, de nombreuses équipes tentent d'ajouter des éléments de l'approche Agile (terminologie, exercices en équipe ou réunions debout quotidiennes) à des structures et à des processus restrictifs, ce qui peut créer des tensions internes et priver les équipes des avantages de l'approche. On parle alors de « Wagile » ou de « théâtre agile ».
Avantages de l'approche itérative
Le modèle hybride qui combine la progression structurée d'une approche en cascade à la souplesse de la conception itérative gagne en popularité dans le secteur public. Il n'est pas rare que les gestionnaires de produits du gouvernement du Canada affirment pouvoir intégrer l'agilité à des processus structurés bien définis. Par exemple, ces gestionnaires adoptent la souplesse en divisant les projets en éléments plus petits et faciles à gérer et en peaufinant continuellement chacun d'eux en fonction de la progression du travail. Ainsi, les résultats répondent bien aux besoins des utilisateurs et utilisatrices, et les dates de livraison sont plus flexibles.
De plus, la conception itérative contribue à l'atténuation des risques en permettant de cerner et de résoudre rapidement les problèmes potentiels, ce qui réduit au minimum la probabilité que des problèmes majeurs surviennent tard dans le projet. Elle favorise également une meilleure gestion des ressources en mettant l'accent sur les améliorations progressives et en priorisant d'abord les aspects essentiels. L'approche itérative soutient aussi l'apprentissage continu et l'innovation, puisqu'elle incite les équipes à explorer et à mettre en œuvre de nouvelles idées durant tout le cycle de vie du projet.
Étant donné ces avantages, il faut se demander s'il est possible d'appliquer efficacement l'approche itérative aux projets gouvernementaux, dont les processus structurés reposent habituellement sur une approche en cascade.
Enjeux
Le passage à l'état d'esprit requis par les approches Agile et de gestion des produits est un sujet d'actualité au sein du gouvernement, et de nombreux organismes cherchent à moderniser leur approche en matière de projets, de conception et de prestation. L'École de la fonction publique du Canada organise fréquemment des événements et des entretiens avec des gestionnaires de produits et des responsables de la conception de services de l'ensemble du gouvernement du Canada pour comprendre les enjeux à relever lors de l'application de l'approche itérative. Nous avons analysé ces enjeux et les avons regroupés selon les domaines thématiques suivants :
- structure organisationnelle horizontale : le passage vers l'état d'esprit requis pour la gestion de produits nécessite une structure organisationnelle où; la prise de décisions et les responsabilités sont mieux réparties entre les membres de l'équipe, soit une structure horizontale. Dans cette structure, l'autorité ne se trouve pas seulement au sommet, mais elle est répartie à divers niveaux, ce qui permet aux membres de l'équipe de collaborer plus efficacement pour exécuter les tâches plus rapidement. Cette transition vers une structure horizontale peut être difficile, car elle exige une collaboration qui transcende les frontières hiérarchiques classiques et nécessite de confier une partie de la prise de décisions à des niveaux avec lesquels les leaders ne sont pas à l'aise.
- gestion du temps : il n'est pas rare que les membres du personnel appartiennent à plusieurs équipes de produits et doivent effectuer des tâches supplémentaires, ce qui exige d'excellentes compétences en gestion du temps. Cette situation, les frictions et les inefficacités peuvent se multiplier si les rôles et les responsabilités ne sont pas clairement définis et s'il n'y a pas de compréhension ou de vision commune.
- recrutement et maintien en poste des talents : la formation d'équipes de produits performantes repose sur la diversification des compétences, notamment dans le domaine de la conception de l'expérience utilisateur, de la recherche, de l'orientation des produits, de la conception du contenu et de l'analyse de données. Il est difficile de recruter et de maintenir en poste des personnes possédant de telles compétences dans le secteur privé, et la partie est loin d'être gagnée pour le secteur public. Ce défi est d'autant plus grand lorsque les cultures, les classifications et les expériences de travail des membres de l'équipe diffèrent les unes des autres ou des attentes du secteur privé.
- collaboration entre le personnel opérationnel et les technologies de l'information : les technologies de l'information (TI) sont souvent perçues comme un obstacle à l'innovation, et les personnes interrogées ont souligné que cette perception découle du fait que la relation est davantage celle de client-fournisseur de services plutôt que celle de partenaires. Il n'est pas rare que les équipes des TI doivent mettre en œuvre des conceptions sans avoir été consultées suffisamment tôt au cours des séances de conception. Cette absence de consultation en amont peut entraîner un décalage, puisque les équipes des TI pourraient ne pas bien comprendre l'objectif des conceptions et découvrir plus tard que celles-ci ne sont pas réalisables.
- essais par les utilisateurs et utilisatrices et recherche sur les utilisateurs et utilisatrices : il est souvent difficile de réaliser des essais par les utilisateurs et utilisatrices et d'effectuer de la recherche sur les utilisateurs et utilisatrices dans la fonction publique, et les équipes disent devoir compter sur des entrepreneur·es, qui peuvent appliquer un ensemble différent de règles, pour effectuer de tels essais et de telles recherches. Cette situation présente des inconvénients, c'est-à-dire qu'elle crée un décalage entre les équipes et leurs utilisateurs et utilisatrices, et empêche l'intégration de boucles de rétroaction continue nécessaires à une culture d'équipe itérative et axée sur les utilisateurs et utilisatrices. Une compréhension complète de l'espace de problème et des utilisateurs et utilisatrices de nos produits et services offre une base solide, et la mise à l'essai ponctuelle des prototypes avant les lancements majeurs permet de prévenir les défaillances majeures.
Pratiques exemplaires
Malgré les nombreux enjeux, les fonctionnaires réussissent de plus en plus à surmonter les obstacles systémiques lorsqu'il s'agit de projets gouvernementaux, principalement en favorisant l'itération et l'amélioration dans les cadres hiérarchiques et bureaucratiques.
À force de constamment recommander l'approche itérative et d'en démontrer la valeur au moyen de petits gains graduels, bon nombre d'équipes de la fonction publique tendent progressivement vers son adoption. Pour bien appuyer cette transition, il faut miser sur la communication continue, la collaboration, le travail transparent, ainsi que le contact direct avec les utilisateurs et utilisatrices pour répondre à leurs besoins. Ces efforts contribuent à intégrer l'approche itérative au fonctionnement de l'État, ce qui se traduit par des résultats plus efficaces et axés sur les utilisateurs et utilisatrices.
Vous trouverez ci-dessous certaines pratiques exemplaires auxquelles ont recours les gestionnaires de produits de nombreux ministères.
- favoriser une culture de collaboration : encouragez les équipes interfonctionnelles à travailler en étroite collaboration pour éliminer le cloisonnement et assurer une communication ouverte. Cette collaboration permet de tenir compte de divers points de vue et d'expertises variées, entraînant ainsi des solutions novatrices et des processus itératifs fluides.
- miser sur la recherche sur les utilisateurs et utilisatrices : recherchez continuellement des données qualitatives et quantitatives sur les utilisateurs et utilisatrices. Divers outils comme le persona, la carte de parcours, le test d'utilisation, le test de concept, le sondage en ligne et le tri de fiches peuvent servir à maximiser la collecte de renseignements sur les utilisateurs et utilisatrices.
- établir la liste des priorités : priorisez les tâches en fonction de leur urgence et de leur importance pour atténuer les risques en utilisant des cadres. Une hiérarchisation efficace peut aider à réévaluer les priorités sans perturber la progression du travail.
- opter pour des versions progressives : la fragmentation des nouvelles fonctionnalités ou améliorations en plusieurs versions subséquentes facilite la gestion des tâches et accélère l'obtention de la rétroaction auprès des utilisateurs et utilisatrices, ce qui facilite la prise de décisions éclairées avant d'effectuer des investissements majeurs.
- prendre des décisions fondées sur les données probantes : tirez parti des données et des analyses pour orienter les décisions durant le processus itératif. Utilisez les indicateurs de rendement, la rétroaction des utilisateurs et utilisatrices, ainsi que d'autres données pertinentes pour apporter des modifications et des améliorations, en veillant à ce que ces dernières soient efficaces et fondées sur les données probantes.
- faire le suivi et l'évaluation : définissez des critères de réussite clairs et faites-en le suivi au moyen d'une analyse d'incidence de version pour ainsi assurer la réussite de la mise en œuvre et obtenir une base de référence pour les améliorations futures. De plus, jumelez les indicateurs de rendement clés et les objectifs opérationnels à l'aide de cadres comme HEART (bonheur, participation, adoption, conservation, réussite des tâches) pour évaluer la santé globale des produits ou des services.
- documenter les problèmes : documentez vos expériences ainsi que les résultats et les leçons apprises pour appuyer les améliorations itératives, le transfert des connaissances et l'intégration. Ces documents consolident le travail et contribuent à la gestion des risques en veillant à ce que les parties intéressées comprennent bien l'espace de problème et participent à la prise de conscience collective.
Conclusion
Pour appliquer une approche itérative à la prestation de programmes et de services, il faut surmonter des obstacles importants et adopter des pratiques exemplaires. En misant sur la collaboration, en accordant la priorité à la recherche sur les utilisateurs et utilisatrices puis en surveillant et en évaluant constamment les progrès réalisés, les organisations peuvent gérer efficacement les risques et soutenir l'amélioration continue. Il est essentiel de bien documenter les problèmes et de faire participer les parties intéressées à toutes les étapes du processus. Ainsi, les organisations seront mieux outillées pour prendre des décisions fondées sur des données probantes et offrir des services efficaces et conviviaux.
Appel à l'action
Les leaders et les gestionnaires doivent créer un environnement où; les équipes peuvent se tromper en toute sécurité, apprendre et s'adapter. En retour, ces dernières doivent aussi prendre des mesures proactives pour assurer la réussite.
Voici donc quelques conseils pratiques :
- Aidez votre équipe dans son apprentissage des approches itératives. Distribuez aux membres de l'équipe des ressources et des articles de base qui vous inspirent. Examinez les façons possibles de les appliquer au travail et communiquez les résultats.
- Priorisez la recherche sur les utilisateurs et utilisatrices. Mettez en place un système simple pour recueillir leur rétroaction au moyen de sondages ou d'entrevues. Utilisez cette rétroaction pour améliorer votre travail. Faites de nouveaux essais aussi souvent que nécessaire.
- Encouragez la collaboration interfonctionnelle. Travaillez avec des collègues de votre ministère et d'autres organismes gouvernementaux. Échangez des idées et tenez compte des divers points de vue.
Ressources