Transcription
Transcription : Série Café virtuel de l'EFPC : Expériences vécues par les Noirs canadiens
[Le logo blanc animé de l'École de la fonction publique du Canada se dessine sur un fond violet. Une page apparaît, puis elle se transforme en livre ouvert. Une feuille d'érable apparaît au milieu du livre, qui ressemble aussi à un drapeau en dessous duquel se trouvent des lignes courbes. Le texte suivant s'affiche à côté du logo.]
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[Le logo s'estompe, remplacé par une fenêtre vidéo Zoom. La modératrice, Nathalie Laviades‑Jodouin, sourit. Il s'agit d'une femme noire aux cheveux bruns légèrement ondulés et coupés aux épaules. Elle porte des lunettes noires ainsi qu'un veston gris sur un chemisier. Derrière Nathalie, un tableau bleu et vert est accroché à un mur blanc, et une plante luxuriante orne un manteau de cheminée.]
Nathalie Laviades-Jodouin : Bonjour! Je vous souhaite virtuellement la bienvenue à l'École de la fonction publique du Canada. Je m'appelle Nathalie Laviades-Jodouin. J'occupe le poste de directrice générale, Milieu de travail respectueux et inclusif, à l'École. C'est avec un grand plaisir que je suis avec vous aujourd'hui. Cet événement se déroule en anglais, mais l'interprétation simultanée est disponible si vous en avez besoin. Les instructions pour se connecter à l'interprétation simultanée se trouvent dans le courriel de confirmation de l'événement qui vous a été envoyé.
Avant de commencer, j'aimerais souligner que le territoire où se déroule l'événement auquel nous assistons est un territoire non cédé du peuple algonquin Anishnabeg. Certains d'entre vous suivent peut-être cette séance depuis différentes régions du pays; je vous encourage donc à prendre un moment pour prendre connaissance du territoire où vous vous trouvez. Avant de poursuivre, nous vous rappelons que pour optimiser votre visionnement, nous vous encourageons à vous déconnecter du RPV si possible, puis à vous reconnecter à l'événement.
Maintenant, sans plus attendre, j'ai le plaisir de vous accueillir à l'événement d'aujourd'hui, le nouvel épisode de la série de Café virtuel de l'EFPC intitulé « Expériences vécues par les Noirs canadiens », et de vous présenter nos invités d'aujourd'hui. Cet événement marque le début du Mois de l'histoire des Noirs et vise à reconnaître tout ce que les Noirs canadiens et leurs communautés ont apporté – et continuent d'apporter – à la croissance, au bien-être et à la prospérité de notre pays.
Tout d'abord, j'aimerais vous présenter Mme Dori Tunstall.
[Deux fenêtres vidéo apparaissent à côté de Nathalie. Dans l'une d'elles, on aperçoit Dori, qui fait un signe de la main. C'est une femme noire aux cheveux gris et noirs. Un bandana rouge recouvre presque tous ses cheveux. Elle porte des lunettes noires et un chemisier noir. Dori a choisi une image d'arrière‑plan personnalisé qui représente une explosion de couleurs sur fond noir. À gauche de cette explosion de couleurs se trouve le logo de l'Université de l'École d'art et de design de l'Ontario.]
Mme Tunstall est la doyenne de la faculté de design de l'Université de l'École d'art et de design de l'Ontario à Toronto, au Canada, et notablement la première doyenne noire d'une faculté de design au monde. Mme Tunstall, merci de vous joindre à nous aujourd'hui.
Dori Tunstall : Merci de m'avoir invitée. Je suis très contente de participer à cette conversation.
Nathalie Laviades-Jodouin : Merci. J'aimerais également souhaiter la bienvenue à M. Adrian Harewood, journaliste et coanimateur à la CBC News Ottawa, qui a vivement plaidé en faveur d'un changement systémique à la CBC, notamment en ce qui concerne le besoin d'une représentation égale au sein de la direction et les avantages que cela apporte au travail de la CBC dans son ensemble. M. Harewood, merci à vous aussi d'être avec nous.
[Dans la troisième fenêtre vidéo, Adrian sourit et fait un petit hochement de tête. C'est un homme noir au crâne rasé. Il porte un gilet rouge avec des motifs pointillés bleus, verts, noirs et blancs. Derrière lui, on aperçoit une bibliothèque bien garnie qui s'étend tout le long du mur arrière à côté d'une porte vitrée.]
Adrian Harewood : Merci beaucoup de l'invitation. J'ai vraiment hâte de participer à l'échange.
Nathalie Laviades-Jodouin : Commençons sans plus tarder! J'aimerais commencer par demander à chacun d'entre vous de prendre quelques minutes pour nous parler un peu plus de vous et, ce faisant, nous aider à comprendre ce qui vous a mené où vous êtes aujourd'hui et fait de vous ce que vous êtes maintenant, en termes d'actions décisives dans vos domaines respectifs lorsqu'il s'agit de défendre l'équité, la diversité et l'inclusion. Mme Tunstall, je vais commencer par vous.
Dori Tunstall : Excellent! Je vis à Toronto, sur les terres des Haudenosaunee, des Anishnabeg, des Wendat et des Mississaugas de New Credit. Je suis une Noire, Canadienne depuis quatre ans, car je suis originaire des États-Unis. Je vis au Canada depuis quatre ans, et j'en suis très heureuse. Je crois qu'en tant que première doyenne noire — et femme noire — d'une faculté de design au monde, je me rends compte que ma responsabilité est de m'assurer que ne sois pas la seule, même si je suis la première.
Mon véritable objectif est de contribuer à décoloniser le design pour que des catégories plus diversifiées de personnes ressentent un sentiment d'appartenance dans ce domaine. Le design est un milieu où l'on peut créer des mondes pour, et par, les PANDC, c'est-à-dire les personnes autochtones, noires et de couleur. Des mondes où elles pourront se reconnaître grâce au design. C'est un milieu qui peut vraiment inspirer les jeunes, et qui leur permet de concrétiser dans notre société leurs belles idées novatrices sur la façon dont le monde fonctionne. Si vous pouvez imaginer une tasse, vous pouvez imaginer une ville — vous pouvez imaginer toutes ces possibilités! Le design est un important moyen d'aider les jeunes à avoir confiance en leur capacité d'avoir une incidence sur le monde, pour le communiquer et pour le connecter à d'autres personnes. Je suis vraiment emballée par le travail que nous faisons à l'Université de l'École d'art et de design de l'Ontario pour diversifier notre corps professoral afin que nos étudiants aient des personnes qu'ils peuvent admirer, des efforts que nous faisons pour diversifier nos étudiants et pour créer une relation avec les communautés, afin que les conceptions faites à l'École d'art et de design de l'Ontario et les conceptions qu'ils font dans leur vie de tous les jours soient une seule et même chose. Il n'y a pas de différences.
Nathalie Laviades-Jodouin : Merci beaucoup, Mme Tunstall. M. Harewood, à vous.
Adrian Harewood : Merci de m'avoir invité. Je suis ici à Ottawa, en Ontario, au Canada, dans ma ville natale, qui est située bien sûr sur le territoire algonquin. Je suis un Canadien de première génération. Mes parents sont arrivés ici après avoir quitté les Caraïbes dans les années 1950 et 1960, en principe pour étudier. Je suis le premier de cinq enfants. J'ai quatre sœurs plus jeunes que moi. C'est révélateur que j'aie quatre petites sœurs. Je pense que je viens aussi de personnes qui ont toujours cherché à changer les choses.
Je pense à mes grands-parents; mon grand-père était un organisateur. Il a participé à des syndicats à Antigua au début du 20e siècle. Ma grand-mère aussi, elle était féministe avant qu'on lui donne cette étiquette, ce qualificatif. Elle était très impliquée dans les efforts visant à encourager les femmes, à leur fournir un soutien et des compétences.
J'ai toujours été inspiré par les paroles de Toni Morrison, le regretté lauréat du prix Nobel, qui disait que lorsque vous avez un peu de pouvoir et que vous êtes libre, votre travail consiste à essayer de libérer les autres. Je pense que mes parents et mes grands-parents ont agi en ce sens.
Mes parents étaient enseignants au postsecondaire, mais ils étaient aussi journalistes. Dans les années 1970, ils ont été chroniqueurs pour le principal journal noir de notre pays, un journal appelé « Contraste ». Ce journal a joué un rôle vraiment fondamental, en particulier dans la communauté noire, en donnant aux Noirs un espace où ils pouvaient raconter leurs histoires sans que celles-ci soient déformées. À l'époque, la plupart des articles que les médias grand public nous consacraient étaient inexacts et ne rendaient pas hommage à notre histoire. Mes parents ont donc participé activement à ce journal.
Lorsque je suis entré à l'université en 1989, Nelson Mandela était toujours en prison. Je me suis engagé dans le mouvement de lutte contre l'apartheid, qui était encore appliqué. Les médias étaient une manière d'éveiller les consciences, de raconter différents types d'histoires. C'était un moyen de participer plus intensément à la société. Notre groupe a utilisé les médias du campus, et j'y ai participé. J'ai toujours vu les médias comme étant une plateforme qui nous permettait de nous imposer face au monde, de prendre de la place, de manifester et de réaffirmer notre humanité — une humanité qui a souvent été remise en question dans cette société.
En vieillissant, j'ai l'impression de devenir de plus en plus loquace.
[Adrian et Dori laissent échapper un petit rire.]
Dori Tunstall : Vous avez encore de la sagesse à partager.
Nathalie Laviades-Jodouin : Ce n'est pas de la vieillesse, c'est de la sagesse. Merci à vous deux. Permettez-moi de poursuivre avec une autre question. En tenant compte du contexte sociétal et du mouvement « Black Lives Matter » (« La vie des Noirs compte ») — notamment à la suite du meurtre de George Floyd — et en examinant les leçons que nous pouvons en tirer; peut-être en commençant par vous, M. Harewood : quelles leçons en tirez-vous, qui influencent votre travail de journaliste dans ce contexte particulier? Ce sera la même question pour vous, Mme Tunstall, mais en termes d'influence sur votre travail à l'École d'art et de design de l'Ontario.
Adrian Harewood : « Black Lives Matter » est la plus récente manifestation de notre lutte. Il n'y a rien de nouveau, c'est la même chose qui dure depuis très, très longtemps. Toutes sortes de personnes, connues ou non, ont contribué à cette lutte au fil des siècles. Ce qui a changé, ce sont les acteurs. J'ai trouvé beaucoup d'inspiration en observant les nombreuses personnes qui se sont engagées dans le mouvement « Black Lives Matter ». Je trouve cela vraiment réconfortant et gratifiant, c'est merveilleux de voir des jeunes s'affirmer et faire de la place pour eux-mêmes, et alerter la société sur le fait qu'ils ont besoin d'être écoutés et que leur humanité a besoin d'être honorée, ou plutôt doit l'être.
[Adrian a un grand sourire et Nathalie laisse échapper un petit rire.]
J'ai déjà été plus jeune, je suis dans la fleur de l'âge maintenant. Mais c'est toujours formidable de regarder les jeunes et de constater à quel point ils sont brillants, travailleurs, résilients et pleins de ressources, et combien ils ont d'imagination et de courage. Ils nous donnent du courage et ils en donnent aux autres.
N'oublions pas, cependant, que les jeunes ont toujours été à l'avant-garde de nos luttes, n'est-ce pas? Ce n'est pas nouveau. L'année 2020 a marqué le 60e anniversaire de la naissance du Student Nonviolent Coordinating Committee (SNCC), qui est peut-être l'une des organisations sociales les plus importantes du XXe siècle aux États-Unis. Cette organisation a influencé le mouvement féministe. Elle a influencé le mouvement gai et lesbien. Elle a influencé l'American Indian Movement. Elle a influencé tous les mouvements qui ont suivi. Ce sont les jeunes qui ont mené cette lutte, c'est important de le souligner. Ce sont les jeunes qui ont mené cette lutte. Nous avons souligné l'anniversaire de Martin Luther King il y a quelques jours. Martin Luther King était un jeune homme. Il était jeune quand il a mené le mouvement, et de nombreuses personnes étaient impliquées. Beaucoup de gens ont succédé à Martin Luther King, et beaucoup l'ont précédé. Martin Luther King n'avait que 26 ans. Il était jeune. Nous avons toujours eu des jeunes qui ont ouvert la voie, qui nous ont poussés à aller de l'avant, qui nous ont incités à donner le meilleur de nous-mêmes et qui nous ont rappelé les possibilités de changement.
Donc encore une fois, le mouvement « Black Lives Matter » fait partie de cette longue histoire, et pas seulement aux États-Unis. Au sein des jeunes du monde entier, de toute la diaspora. Pensons, par exemple, aux luttes de l'Afrique du Sud dans les années 1970; ces jeunes gens se battaient contre l'éducation bantoue en Afrique du Sud, et beaucoup d'entre eux ont été massacrés dans les rues de Soweto. Il y a aussi eu le massacre de Sharpeville en 1960. Il y a soixante ans. Beaucoup de jeunes gens y ont été tués, eux aussi, dans leur lutte pour la liberté. Donc, je le répète, les jeunes ont toujours été là. Ils ont toujours été au front, ils nous ont toujours poussés à aller de l'avant. C'est tout simplement merveilleux de voir une autre génération assumer cette responsabilité.
Nathalie Laviades-Jodouin : Merci. Mme Tunstall, comment cela s'est-il traduit dans le travail des établissements d'enseignement comme l'École d'art et de design de l'Ontario?
Dori Tunstall : Je crois que l'un des aspects importants de la revitalisation du mouvement « Black Lives Matter » et de la pandémie, la raison pour laquelle George Floyd et son meurtre sont si présents dans l'imaginaire des gens, c'est parce que tout le monde a été obligé de s'arrêter à cause de la pandémie. Comme personne n'était occupé par les autres aspects de sa vie, on n'a pas eu d'autre choix que d'y prêter attention. On y a prêté attention d'une manière telle que tous ceux qui étaient capables d'ignorer les problèmes, tous ceux qui n'étaient pas conscients de ces problèmes, ont soudainement été forcés de s'y arrêter et d'en prendre conscience.
Donc pour moi, ce qui est vraiment important à propos de ce moment de l'été, de l'été 2020, c'est que le monde a réagi au meurtre de George Floyd d'une manière qui a donné lieu à des alliances et à une coalition. Même lorsque vous pensez au mouvement des droits civiques dans les années 1960, il y avait un mouvement national ou nord-américain. Toutes ces luttes sont interconnectées. Ce qui s'est passé cet été, c'est que l'on a vu des gens en Irlande dire que la vie des Noirs compte. On a vu des gens au Moyen-Orient dire que la vie des Noirs compte. Des gens du monde entier ont scandé que la vie des Noirs compte, d'une façon qui a ouvert de nombreuses possibilités de connaissance, d'apprentissage, de coalition et d'avancement.
Pour l'Université de l'École d'art et de design de l'Ontario, c'était un moment très intéressant, car nous avions annoncé notre projet d'embauche « Black Cluster Hire ». Nous avons réussi à recruter cinq nouveaux membres noirs au sein du corps professoral, afin de remédier à l'absence de représentation dans le domaine du design depuis 144 ans. C'est au cours de cette même semaine que nous en avons fait l'annonce. En ce qui nous concerne, la situation nous a aidés à comprendre quelle est notre histoire et quelle est notre place dans le mouvement. Nous avons parlé du fait que toutes ces institutions sont en train de constater à quel point elles ont ignoré l'importance de la vie des Noirs. Les structures n'ont pas été construites de façon à permettre aux Noirs et à la communauté noire de se sentir liés à ces institutions et d'être servis par elles. Notre discours est devenu « vous avez fait des erreurs pendant très longtemps, mais vous devez maintenant le reconnaître ». Dans notre énoncé, avons dit que nous nous attaquions à 144 années de non-représentation. Nous reconnaissions ainsi, en tant qu'institution, que nous n'avions pas accueilli la communauté noire et la vie des Noirs comme nous aurions dû le faire. C'est également ce qui a marqué le début du processus de réparation.
C'est comme ça qu'il faut écouter. C'est comme ça qu'il faut inciter à la participation à des enjeux liés aux besoins et aux attentes de la communauté. Et pas seulement aux compétences que l'institution souhaite égoïstement apporter, utiliser, exploiter, ou toutes ces choses que les institutions peuvent faire. Pour nous, le discours a tourné autour de toutes ces entreprises qui affichent des carrés noirs sur leurs comptes Instagram et font des déclarations sur la façon dont elles seront plus inclusives et s'occuperont de la vie des Noirs. Voici un moyen pour vous de commencer à reconnaître et à réparer le tort, l'ignorance et le manque d'écoute que vous avez causés depuis que votre institution existe. C'est cela que nous devions faire valoir.
J'ai élaboré un cours que nous donnons dans le cadre des études permanentes, sur l'embauche pour la décolonisation, la diversité et l'inclusion, afin de rappeler que c'est la voie à suivre et que ce sont des mesures que vous pouvez prendre. Nous l'avons mis en place en décembre et nous avons eu beaucoup de succès auprès des grandes organisations de haute technologie, mais aussi des petites entreprises, pour savoir comment construire des relations authentiques avec la communauté. Comment prendre en compte les demandes des Autochtones, et comment faire tout ce que vous faisiez avant l'été 2020, mais qui est devenu plus important à ce moment-là. C'est possible de le faire, laissez-nous vous montrer comment nous avons réussi. Vous devrez le faire à votre manière, car votre institution a sa propre histoire. Mais il est possible d'aller de l'avant et de faire ce qu'il faut pour et avec les communautés noires.
C'est ainsi que nous, en tant qu'institution, avons vécu ce moment et en prenant grand soin de nos étudiants. Nous avons dû organiser des forums où, pendant deux heures, nos étudiants noirs ont démontré que, malgré tous les efforts que nous déployions, nous les laissions tomber, que leur éducation les laissait tomber et que nos systèmes de soutien ne tenaient pas compte de la spécificité de leurs expériences vécues et de la manière dont cela influençait leur façon de travailler et de nouer des relations avec les autres membres de l'institution.
Notre institution est toujours dans ce processus d'apprentissage, de réaction et de croissance, car, encore une fois, en termes de décolonisation, personne ne sait comment s'y prendre. Nous devons être indulgents envers nous-mêmes et envers les autres pour les erreurs que nous commettons, mais nous devons aussi faire amende honorable. Nous devons reconnaître nos erreurs et les réparer. Pour nous, c'est là que réside le point important du mouvement « Black Lives Matter » et de la pandémie. Toutes ces institutions ont commis des erreurs. Vous avez fait du mal. Vous devez le reconnaître et commencer à réparer vos torts. Ne vous empêchez pas d'agir en raison de la susceptibilité des blancs. Ne vous laissez pas intimider par l'impossibilité de la tâche. Prenez des mesures concrètes pour vous racheter. Je dirais que la plupart des entreprises avec lesquelles je travaille font des efforts. Elles essaient.
Adrian Harewood : Est-ce que je peux juste reprendre ce que Mme Tunstall disait? Je pense que le mouvement « Black Lives Matter » a été un véritable catalyseur de changement. Je pense que ce changement se produit à plusieurs niveaux. Il s'opère à l'extérieur, en essayant de transformer les institutions, mais il faut aussi que nous changions nous-mêmes. Lorsque nous imaginons le genre de monde dans lequel nous voulons vivre, nous essayons bien sûr de transformer les espaces dans lesquels nous vivons et que nous occupons, mais nous devons aussi nous engager dans ce processus pour devenir de meilleures personnes. Pour devenir des êtres humains plus humains. La militante asiatique américaine Grace Lee Boggs, que j'ai eu l'immense plaisir de rencontrer à quelques reprises et d'interviewer longuement, avait l'habitude de parler de cela. Devenir des êtres plus humains. Élargir notre humanité.
Une chose que le mouvement « Black Lives Matter » a faite, je pense, c'est qu'il a donné du courage aux gens. Mme Tunstall a parlé de la prise de conscience qui s'est produite dans un endroit comme l'École d'art et de design de l'Ontario. Mais on assiste également à une prise de conscience dans les médias canadiens, notamment à la CBC. Il y a cinq ans, en 2016, nous étions quelques-uns à commencer à faire pression pour que des changements se produisent au sein de la CBC, et nous avons commencé à le faire publiquement. Nous n'allions pas être réduits au silence. En fait, nous avons rendu l'affaire publique sur les médias sociaux et au sein de l'organisation.
À l'époque, il y avait énormément de peur. Il y avait énormément de peur au sein de nos communautés, parmi, par exemple, beaucoup de journalistes noirs de la CBC qui craignaient d'être sanctionnés, d'être ostracisés. Ils craignaient de ne pas pouvoir progresser au sein de l'organisation parce qu'ils pouvaient être considérés comme des incapables, des traîtres ou des rebelles. Je peux vous dire qu'en 2016, nous avons essayé de faire signer une lettre dans laquelle nous décrivions les contradictions existant au sein de CBC/Radio Canada. C'était une lettre très détaillée. Très, très explicite. Nous l'avons envoyée à tous les cadres supérieurs. Nous l'avons envoyée au conseil d'administration. Je me souviens être allé voir certains des plus grands noms que vous connaissez à la CBC et leur avoir demandé de la signer. Très peu de personnes l'ont signée. Nous n'avons obtenu que 23 noms. Seulement 23 signatures, dans tout le pays. Et parmi ces signataires, beaucoup n'avaient pas énormément de pouvoir au sein de l'organisation. Ils n'étaient pas les gros bonnets. Ils n'étaient pas les hôtes de tous ces programmes. Pourtant, ils étaient prêts à prendre ce risque à ce moment-là. Il était dangereux à l'époque de s'exprimer de la manière dont ils le faisaient.
Aujourd'hui, cinq ans plus tard, grâce à des initiatives comme « Black Lives Matter », les gens s'expriment d'une manière qu'ils n'avaient pas auparavant, ils ont trouvé leur courage. Ils ont trouvé leur force. C'est révélateur, n'est-ce pas? Cela nous apprend quelque chose. Nous avons besoin des autres. Les autres nous aident à devenir le meilleur de nous-mêmes. Nous avons besoin de ce genre d'exemples, qui peuvent nous faire évoluer. Si une personne prend son courage à deux mains, peut-être qu'une autre peut aussi le faire. Si une personne prend un risque, une autre peut aussi le faire.
Cela a également démontré l'importance de développer des réseaux et des groupes de personnes avec qui travailler. Il ne s'agit pas seulement d'avoir des alliés. D'ailleurs, je me méfie toujours un peu du terme « alliés ». Je ne crois pas que ce soit totalement faux, mais je préfère le terme « camarades ». Ce sont des camarades que je cherche. Je veux des gens qui sont prêts à entrer dans la mêlée avec moi, et moi avec eux. Nous sommes ensemble. Nous avons tous quelque chose à gagner, et nous avons tous quelque chose à perdre. Nous sommes prêts à risquer quelque chose en nous impliquant, en nous engageant. Je pense que cela se produit de plus en plus souvent. C'est très gratifiant, très inspirant. Je pense que nous devons remercier le mouvement « Black Lives Matter » pour de nombreuses initiatives prises par les gens dans divers domaines.
Nathalie Laviades-Jodouin : Je crains que nous n'aurons pas assez de temps pour faire le tour de toutes les questions que je voudrais vous poser à la suite de ce que vous venez de dire, mais je vais faire de mon mieux pour aborder quelques points que vous avez soulevés et que j'aimerais approfondir. Je crois que l'on peut établir de nombreux liens entre vos univers, la CBC, l'Université de l'École d'art et de design de l'Ontario et la fonction publique fédérale. Dans une certaine mesure, nous sommes un véhicule d'échange d'information, un véhicule d'éducation. Nous sommes au service du public de la société canadienne.
M. Harewood, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet des jeunes. J'ai fait quelques recherches avant cette discussion. Je sais que vous êtes un fervent partisan de la mobilisation intergénérationnelle et que vous vous efforcez d'associer — et je vous cite — les compétences, l'esprit d'entreprise et les idées de nos jeunes à l'expérience de ceux qui sont passés avant eux. Je suis curieuse de savoir pourquoi vous trouvez que c'est si important, et quels bienfaits qu'apportent cette valeur à nos efforts, en tant que fonction publique fédérale, pour devenir plus équitable, plus diversifié et plus inclusif.
Adrian Harewood : Je suppose que je commencerais par ceci. L'avenir est tout simplement impossible sans les jeunes. Réfléchissez à vous, Mme Laviades-Jodouin, ou à vous, Mme Tunstall. Je réfléchis à moi, à la façon dont j'en suis arrivé là, à mon parcours pour en arriver là, et au fait que j'en suis arrivé là parce que des gens se sont sacrifiés pour moi. J'en suis arrivé là parce que des personnes ont accepté, à des moments clés de ma vie, de me prendre à part, d'intervenir et de m'aider. Je me souviens, par exemple, qu'à un moment donné, à la CBC, j'étais un peu découragé et je ne faisais pas autant d'efforts que je l'aurais dû. Je devenais un peu trop complaisant, un peu trop suffisant. Un collègue plus âgé m'a alors pris à part, m'a encouragé, m'a fait des critiques, m'a demandé de lui rendre des comptes et m'a poussé à poursuivre. Si cette personne n'était pas intervenue, si elle ne s'était pas souciée de moi, si elle ne m'avait pas aimé comme elle l'a fait, si elle n'avait pas fait ce pas, je ne serais peut-être pas ici aujourd'hui. Le mentorat est vraiment quelque chose d'essentiel dans toutes les organisations.
Nous avons tous besoin d'une vision à long terme. Nous ne sommes ici que pour un instant, pas vrai? Dans 15 ans, je serai censé être à la retraite. Mais le fait est que je serai toujours un citoyen. Je vivrai toujours ici. Je dépendrai des autres, nous dépendons des autres. Je veux que les jeunes qui viendront après moi aient les compétences nécessaires, et que certaines des choses que j'ai apprises leur soient transmises afin qu'ils puissent créer une société dans laquelle nous pourrons vivre dans la dignité. Nous méritons tous de vivre dans la dignité, mais nous devons apprendre à le faire. Il y a beaucoup de leçons à tirer des différentes générations.
[La vidéo d'Adrian disparaît. Sa fenêtre est remplacée par une photo de lui, tout sourire, vêtu d'un complet.]
Désolé, mon téléphone est...
[Le son d'Adrian est coupé.]
Désolé pour ça.
[La vidéo d'Adrian reprend. Il sourit.]
Je suis de retour. Désolé pour ça. Je pense que c'est vraiment, vraiment très important. Il est toujours important que les jeunes reconnaissent les limites et les possibilités des choses. Par exemple, le journalisme offre toutes sortes de possibilités, mais il a aussi ses limites. Le journalisme a largement contribué à libérer les gens, à créer un espace pour eux. Mais, comme Mme Tunstall le disait à propos du design, il a également nui aux gens. Il a causé beaucoup de tort. Nous devons trouver le moyen de revoir et de réformer le journalisme, le design ou la fonction publique d'une manière qui nous honore tous. Candis Callison, une universitaire autochtone, a écrit l'un des meilleurs livres sur le journalisme de l'année dernière. Il s'agit du livre Reckoning. Elle enseigne à l'Université de la Colombie-Britannique et parle de cette notion de bonnes relations. Le Student Nonviolent Coordinating Committee aurait parlé de cette communauté bien‑aimée. Nous essayons de créer ces espaces qui rendent hommage à notre humanité. Nous avons donc besoin de connaître l'histoire de ces institutions et peut-être de savoir ce que nous pouvons faire pour prendre une autre voie à l'avenir.
Nathalie Laviades-Jodouin : Excellent! Merci. Mme Tunstall, je vais approfondir un peu cette notion de design respectueux. Vous avez dit que l'éthique et les conceptions de l'École d'art et de design de l'Ontario reposent sur la notion de design respectueux, et que vous avez choisi le respect parce que, dans de nombreuses cultures autochtones, c'est l'un des principes clés de la vie sur Terre. Elle apporte l'humilité, l'ouverture et une réelle compréhension de notre relation aux autres et au monde naturel. Si l'on comprend comment cette philosophie a inspiré vos efforts pour décoloniser le design, quelles leçons pouvons-nous en tirer en tant que fonction publique dont le mandat est de concevoir des politiques et des programmes en vue de fournir des services? Quels enseignements pouvons-nous tirer de votre expérience en matière de design respectueux?
Dori Tunstall : C'est vraiment intéressant parce que nous avons une initiative que nous menons actuellement et qui s'appelle « It's My Future Toronto ». Nous collaborons avec des organisations communautaires pour recruter des jeunes de 8 à 12 ans parmi les PANDC, c'est-à-dire les personnes autochtones, noires et de couleur. Ces jeunes suivent un processus de création au cours duquel nous les aidons à imaginer les problèmes qu'ils rencontrent et les solutions qu'ils proposent pour les résoudre, puis à les relier de trois manières différentes, ce qui est ironique compte tenu de ce type de débat.
Un de ces liens concerne la politique. Nous avons notre prospective stratégique, un programme d'innovation. Il y a beaucoup de politique qui est faite dans ce programme. Nous avons recruté d'anciens élèves qui travaillent à la fois au sein du gouvernement fédéral et du gouvernement local. Nous avons recruté des députés et d'autres personnes pour parler de ce qu'est réellement la politique, et de la façon dont elle peut faire une différence pour la communauté. Nous avons fait de courtes vidéos de cinq minutes sur ce qu'est la politique, sur la façon de parler à diverses personnes pour déterminer ce que vous ferez, sur les moyens de faire en sorte que le gouvernement puisse vous entendre, sur ce qu'on peut faire pour participer.
Nous avons fait la même chose pour le journalisme. Nous avons collaboré avec le Globe and Mail pour réaliser une courte vidéo sur la façon dont le journalisme a nui aux communautés des PANDC. Par la suite, comment écrire un article? Comment faire un reportage vidéo? Comment prendre les photos? Comment réunir tout cela pendant le processus d'édition? Ce samedi, nous tenons cet atelier de conception où vous imaginez, fabriquez et établissez des liens pour trouver des idées. La semaine prochaine, nous organisons un atelier sur le journalisme avec le Globe and Mail. M. Harewood, je vais me joindre à vous dans un instant pour y participer.
[Dori rit]
Un autre lien est la publicité. Comment convaincre les gens de changer? Comment les amener à changer leurs idéaux? Comment les amener à changer leurs façons de faire? Comment les inciter à répondre à un appel à l'action? Nous organisons cet atelier avec les jeunes au mois de mars. Le but de l'appel à l'action est de recueillir des fonds pour financer les nouveaux projets que les jeunes proposent pour nous permettre de réagir, à Toronto, à l'héritage et aux pratiques actuelles de racisme ainsi qu'aux conditions de la pandémie de COVID-19. Pour nous, il s'agit de design respectueux.
Comment choisissons-nous ces jeunes? Nous visons les enfants de 8 à 12 ans parce que ce sont ceux qui sont ignorés. Ils ne sont pas des enfants, mais pas non plus des adolescents. Mais psychologiquement, ils sont les plus ouverts. Ils sont à l'âge où la notion de contrainte n'est pas encore tout à fait présente. Ils sont encore ouverts aux possibilités. Ils sont encore ouverts dans leur imagination. Nous pouvons renforcer cette confiance et leur capacité à imaginer, à créer et à se connecter aux institutions les plus puissantes qui affectent leur vie, à se connecter au gouvernement, à comprendre ce qu'est une politique, à comprendre qui sont vos politiciens et à obtenir leurs numéros de téléphone afin de pouvoir les appeler et de se sentir en confiance pour leur faire part de vos idées. Comment peut-on se connecter au monde du design, qui fabrique tout? Tout ce qui existe dans le monde a été conçu. Donc si vous le faites en réfléchissant à vos idéaux sur ce que sera le monde, alors vous pouvez changer le monde. Comment peut-on se connecter au monde du journalisme, qui rapporte des histoires de représentation? Quels sont les enjeux et qu'est-ce qui compte?
Si, à l'âge de 8 à 12 ans, vous sentez que vous pouvez accéder au pouvoir de ces institutions, que vous avez accès aux personnes qui y travaillent, et que ces personnes vous ressemblent. Ils sont noirs, autochtones et issus de minorités visibles. Nous avons veillé à ce que les vidéos présentent tous ces profils de personnes qui font déjà le travail. Alors, d'une certaine manière, vous développez très tôt le respect de la différence et de la culture, de votre point de vue et de celui des autres, et vous êtes capable de partager cela.
Encore une fois, il s'agit du point de vue autochtone de toutes mes relations. Vous ne devez pas seulement faire attention aux autres. Vous devez faire attention à la terre, aux bâtiments qui pourraient s'y trouver, aux infrastructures qui s'y trouvent ainsi qu'à votre relation avec l'eau et l'air et à toutes ces choses qui vous affectent au quotidien. Donner aux jeunes la confiance dont ils ont besoin pour faire une différence positive vis-à-vis d'eux-mêmes, de leurs familles, des communautés auxquelles ils tiennent et dont ils font partie, voilà ce qu'est pour nous le design respectueux.
À bien des égards, le travail du gouvernement consiste à amplifier cette voix et à fournir les ressources, les structures et les politiques nécessaires pour que les idées de ces jeunes en faveur d'un monde plus juste, d'un monde plus équitable et d'un monde plus durable soient réelles, tangibles et plus étendues en dehors de leurs communautés. Voilà la philosophie du design respectueux. Nous concevons tout dans le monde. Nous concevons les politiques. Nous concevons une histoire. Nous concevons un objet. Nous concevons un bâtiment. Si vous donnez aux jeunes la confiance en leurs capacités à le faire, alors ils seront respectueux. Ils auront le sentiment d'être connectés et ils auront le désir réel et la capacité de changer le monde, avec eux et pour eux. C'est ce que nous essayons de promouvoir à travers le travail que nous faisons avec ce projet, qui s'intitule « The Future of Toronto ». On est en plein dedans en ce moment. Si le projet est couronné de succès, nous espérons pouvoir l'étendre à tout le Canada.
Adrian Harewood : C'est si bien dit, Mme Tunstall. Vous l'avez probablement dit, mais la seule chose sur laquelle je veux insister, c'est qu'il est très important que les jeunes croient en la possibilité d'occuper un espace dans la société et en leur place dans ces institutions. Ils ont le droit d'être là. Il est essentiel qu'ils reconnaissent qu'en tant que citoyens, ils méritent d'être présents partout où se trouvent leurs pairs. Partout où vous êtes, je mérite d'y être aussi. Ce n'est pas parce que vous êtes de tel ou tel sexe, de telle ou telle race ou de telle ou telle ethnie. Quoi qu'il en soit, vous êtes un citoyen à part entière de cette société et vous méritez d'être là. Occupez cet espace.
Nathalie Laviades-Jodouin : Très bien dit. Merci à tous les deux. Au cours des derniers mois, les fonctionnaires ont pris part, à tous les niveaux, à ces conversations très importantes sur l'équité, la diversité et l'inclusion. J'ai participé à un grand nombre d'entre elles et j'ai remarqué que certaines questions reviennent sans cesse. Et j'aimerais profiter respectueusement du fait que vous êtes ici pour obtenir votre point de vue en tant que non-fonctionnaires sur l'un d'entre eux, si vous le permettez. Cela renvoie à cette notion de pouvoir et de dynamique du pouvoir Comme c'est le cas dans de nombreuses institutions, nous avons des structures à la fonction publique. Nous avons une hiérarchie. Nous avons tous un supérieur. Dans un souci d'altruisme, et lorsque vous voyez quelque chose, vous devez faire quelque chose : comment pouvez-vous vous exprimer ou interpeller quelqu'un sur ces questions lorsque cette personne a plus de pouvoir que vous?
Dori Tunstall : On me pose cette question tout le temps, sous une forme ou une autre, parce que tout le monde dit : « Mme Tunstall, c'est vous la doyenne. C'est vous la patronne. Vous pouvez faire bouger les choses. » Pour répondre au premier commentaire d'M. Harewood, c'est la raison pour laquelle il est vraiment important que des personnes appartenant aux communautés des PANDC se retrouvent au pouvoir. Je sais que j'ai du pouvoir, car si je dis non à quelque chose dans l'institution, ça ne se fera pas. Mais on me pose toujours cette question : Je ne suis pas le doyen d'une institution, comment puis-je avoir de l'influence? Comment puis-je faire bouger les choses?
Ce que je suggère toujours, c'est un livre qui me tient à cœur, Tempered Radicals de Debra Meyerson. Ce livre traite de la manière dont les gens font évoluer les institutions. Et cela de façon presque subtile, car si vous arrivez dans une institution en disant « Je vais vous transformer totalement » sans être en position de pouvoir, cette institution aura tendance à protéger le statu quo. L'inverse est pratiquement impossible. Mais si vous arrivez au sein d'une institution et que vous commencez à créer un réseau de relations à son interne, à avoir ces conversations et à rencontrer des gens pour savoir qui partage vos idées, c'est alors que vous pourrez, en groupe, commencer à soumettre ces idées aux personnes influentes et aux divers intervenants de l'institution qui ont du poids.
Ce qui se passe, c'est qu'en mettant progressivement en place les idées et les réseaux de personnes susceptibles de les adopter, lorsque vous êtes prêt pour le changement, il s'opérera dans l'institution. Tout le monde croira qu'il s'agit d'une révolution, que cela s'est produit du jour au lendemain, mais ils ignoreront que vous avez passé deux, trois ou quatre ans à préparer cette possibilité.
Je n'aurais jamais pu réussir à mettre en place le projet d'embauche « Black Cluster Hire » dès mon arrivée à l'Université de l'École d'art et de design de l'Ontario. Je leur ai dit que c'était ce que je voulais faire, mais qu'il m'a fallu quatre ans pour construire les relations, les réseaux, pour obtenir les données sur tous les différents aspects, afin d'élaborer la formation sur la lutte contre le racisme et l'oppression, pour que lorsque ces personnes se sentent comprises et accueillies comme il se doit lorsqu'elles entreront dans l'institution. Il a fallu que des changements s'opèrent progressivement pendant quatre ans pour que ce qui semblait être une révolution se produise.
Lorsque vous n'êtes pas en position de pouvoir, votre rôle consiste à vous demander, pour chaque décision que vous devez prendre : que puis-je faire pour décoloniser? Comment puis-je m'assurer que cette décision protégera les personnes les plus vulnérables? Comment puis-je utiliser cette décision pour contribuer à la lutte contre l'oppression et le racisme? L'institution vous donne le pouvoir de prendre de telles décisions.
J'ai dit à mes étudiants que si la seule chose qu'ils font est de pouvoir choisir une image sur un site Web, alors qu'ils choisissent celle qui contribue réellement à la décolonisation, à la lutte contre le racisme et l'oppression. Le changement se produit grâce à ces petites décisions que chacun prend au sein d'une institution pour faire les choses mieux et différemment. Vous devez construire des réseaux et établir des relations. Telle personne prend cette décision, et cette décision est liée à la mienne. Et grâce à toutes ces décisions, nous pouvons nous adresser aux personnes influentes et aux décideurs et leur dire : « Voici ce que nous avons fait, et voilà l'incidence que cela a eue. Nous aimerions pouvoir faire plus, alors aidez-nous à faire évoluer les structures de l'institution pour que nous puissions étendre partout ces possibilités. » Chaque personne a une responsabilité dans les petites sphères de décision et de pouvoir qu'elle détient au sein de son institution.
Nathalie Laviades-Jodouin : Merci. M. Harewood.
Adrian Harewood : Mme Tunstall a dit tant de choses. Il n'y a pratiquement rien que je puisse ajouter. La seule chose que je dirais est que j'ai toujours aimé l'idée que la révolution n'est pas un café instantané. J'ai toujours aimé cette idée. La révolution n'est pas un café instantané. Ce qui signifie qu'il faut du temps pour que les choses changent, comme le disait Mme Tunstall. Il faut de la constance. Il faut de la discipline. L'organisation est la clé. Les choses n'arrivent généralement pas par génération spontanée. Il faut se battre. Il faut suer sang et eau. Parfois on recule et parfois on avance. Mais le but, c'est de continuer à persévérer. C'est très important.
L'autre chose que je dirai rapidement est qu'il est également important pour nous de réaliser que nous devons parfois prendre des risques. Ça fait peur. Ça fait peur quand on ne sait pas ce qui va se passer. Vous devez décider vous-même jusqu'où vous êtes prêt à aller. Parfois, cela peut signifier que vous deviez quitter l'organisation. Il peut arriver qu'une organisation doive mourir et qu'il faille ensuite en lancer une nouvelle. Nous devons redéfinir un autre espace ou d'autres façons d'agir. Ça, c'est une possibilité.
[La vidéo d'Adrian est coupée et est remplacée par la photo d'affichage le montrant tout sourire.]
J'ai l'impression que ma technologie est sur le point de disparaître
[Adrian, Nathalie et Dori rient.]
Nathalie Laviades-Jodouin : Merci infiniment, M. Harewood. Je constate que le temps nous manque. Je pourrais continuer encore des heures. Il faudra que vous reveniez à un moment donné. Au nom de l'École, je tiens à vous remercier tous les deux, Mme Tunstall et M. Harewood, d'avoir passé ce temps avec nous et d'avoir partagé vos points de vue. Personnellement, je tiens à dire à quel point je suis reconnaissante et honorée d'être ici avec vous alors que nous parlons d'élargir notre humanité — je dirais que c'est l'un des éléments clés que je retiens de notre discussion d'aujourd'hui — et de souligner et reconnaître vos réalisations en tant que Noirs canadiens. Merci infiniment.
Je profite également de l'occasion pour remercier les participants virtuels qui se sont joints à nous pour l'événement d'aujourd'hui, et j'espère qu'ils l'ont trouvé intéressant et riche en enseignements. Je rappelle aux participants de nous faire part de leurs commentaires. Vous recevrez un formulaire d'évaluation. Nous aimerions que vous le remplissiez dès que vous le recevrez. Vos commentaires sont très importants pour nous. Je voudrais également inviter tout le monde à continuer à visiter l'École, à découvrir les autres événements que nous allons vous proposer tout au long du mois de février pour souligner le Mois de l'histoire des Noirs.
[Une boîte de texte violette apparaît au bas de l'écran et affiche l'URL canada.ca/ecole.]
Le prochain aura lieu le 10 février et sera organisé en partenariat avec le Caucus des employés fédéraux noirs. Consultez notre site Web, suivez-nous sur Twitter ou inscrivez-vous à notre bulletin pour être informé des nouveautés. Alors encore une fois, merci, M. Harewood, Mme Tunstall, et tout le monde. À la prochaine.
Adrian Harewood : Puis-je ajouter quelque chose très rapidement? Je serais négligent, Mme Laviades-Jodouin, si je ne vous remerciais pas, vous et votre équipe, pour le leadership dont vous faites preuve et pour avoir fourni un espace pour cette conversation. Il nous faut plus d'occasions de la sorte. Merci pour votre initiative et merci également de m'avoir permis de rencontrer Mme Tunstall.
[Dori rit et Nathalie fait un grand sourire.]
Ce fut un véritable plaisir. Je ne la connaissais que virtuellement. Je regardais ses présentations sur YouTube, alors c'est formidable de pouvoir la rencontrer. Merci. Merci de me donner cette occasion.
Dori Tunstall : Merci. C'est réciproque, et merci Mme Laviades-Jodouin. Encore une fois, votre travail de modératrice et vos questions ont été formidables. Je vous en remercie. M. Harewood, je vous envoie un courriel dès que nous avons terminé.
[Elle rit de bon cœur, et Adrian et Nathalie sourient.]
Nathalie Laviades-Jodouin : Merci à tous. Passez une belle fin de journée.
[Dori fait un signe de la main et l'appel Zoom s'estompe. Le logo blanc animé de l'École de la fonction publique du Canada se dessine sur un fond violet. Les pages tournent, et le logo se ferme comme un livre. Une feuille d'érable apparaît au milieu du livre, qui ressemble aussi à un drapeau en dessous duquel se trouvent des lignes courbes. Le mot‑symbole du gouvernement du Canada apparaît : le mot « Canada » avec un petit drapeau canadien flottant au-dessus du dernier « a ». L'écran devient noir.]