Transcription
Transcription : Margaret Bloodworth
[00:00:00 La vidéo s'ouvre sur un montage des vues de l'édifice de l'EFPC, du bureau de la sous-ministre et de l'équipement de l'équipe pour l'entrevue. Margaret Bloodworth prend place dans une salle historique. Texte à l'écran : Série Réflexions sur le leadership des sous-ministres, avec Margaret Bloodworth. Une musique inspirante est diffusée pendant que les questions sont posées.]
[00:00:22 Texte superposé à l'écran : Margaret Bloodworth a terminé sa brillante carrière dans la fonction publique en tant que conseillère nationale pour la sécurité auprès du premier ministre et secrétaire associée du Cabinet. Elle a également occupé plusieurs postes de direction clés au sein du gouvernement fédéral.]
[00:00:33 Texte superposé à l'écran : Elle siège actuellement aux conseils d'administration de Hospice at May Court, de la Fondation communautaire d'Ottawa, de Cornerstone Shelter and Housing for Women, d'Entraide universitaire mondiale du Canada et de la Fondation Ditchley (section canadienne).]
[00:00:46 Margaret Bloodworth apparaît en plein écran. Texte superposé à l'écran : Où; êtes-vous né?]
Margaret Bloodworth : Je suis née à Winnipeg, au Manitoba, et j'y ai grandi, mais j'ai déménagé à Ottawa quand à l'âge de 22 ans.
[00:00:56 Texte superposé à l'écran : À quoi ressemblait Winnipeg pendant votre enfance?]
Margaret Bloodworth : Winnipeg était un bel endroit où; grandir pour un enfant.
[00:01:02 Image superposée de Winnipeg.]
Margaret Bloodworth : C'était une ville différente – c'est toujours une grande ville, mais c'était une ville différente.
À l'époque, c'était la quatrième plus grande ville du pays, ce qui signifiait que nous étions sur le circuit principal pour la plupart des grands spectacles en Amérique du Nord, ce qui n'est plus le cas, je suppose. Mais nous nous considérions comme une grande ville. Il n'y avait rien de plus grand à côté de Minneapolis. C'était une époque – j'ai grandi dans les années 1950 et 1960 – où; il y avait beaucoup d'enfants à chaque coin de rue et beaucoup de mères à la maison, ce qui n'était pas très bien pour les mères, mais formidable pour les enfants. À l'époque, nous étions très libres et nous pouvions faire beaucoup de choses, en partie parce qu'il y avait beaucoup de monde.
[00:01:38 Texte superposé à l'écran : Comment perceviez-vous le Canada pendant votre enfance?]
Margaret Bloodworth : Je me souviens de l'arrivée du drapeau, par exemple. En tant qu'adolescente, j'aurais été très favorable au nouveau drapeau, contrairement à ma grand-mère, qui aurait été très contre et qui aurait voulu l'étendard rouge.
[00:01:55 Image superposée de René Levesque, parlant depuis un pupitre.]
Margaret Bloodworth : Je me souviens que René Levesque a visité l'Université de Winnipeg, où; j'étudiais, et il s'est adressé à ce qui n'aurait pas été un public très sympathique à l'époque. Mais c'était un excellent conférencier, et il a fait un travail formidable.
En fait, quand j'y repense, je me dis que c'est l'un des avantages du Canada de l'époque, et j'espère que c'est le cas encore aujourd'hui. C'était quelqu'un qui était un peu à l'opposé de ce que la plupart d'entre nous au Manitoba souhaitaient pour le pays, mais nous avons quand même eu un conférencier et une discussion incroyables. Il y a peut-être eu quelques protestations, mais il n'a pas été interrompu. C'était une discussion tout à fait civile. Pour moi, cela représente un peu ce qu'était le Canada dans lequel j'ai grandi.
[00:02:38 Texte superposé à l'écran : Où; êtes-vous allée à l'université?]
Margaret Bloodworth : J'ai étudié à l'Université de Winnipeg,
[00:02:43 Image superposée de l'Université de Winnipeg. Texte superposé à l'écran : Mme Bloodworth a obtenu un baccalauréat ès arts de l'Université de Winnipeg en 1970.]
Margaret Bloodworth : qui venait de se séparer de l'Université du Manitoba pour devenir une université distincte.
[00:02:47 Image superposée de l'Université du Manitoba. Texte superposé à l'écran : Elle a également obtenu un baccalauréat en droit de l'Université d'Ottawa en 1977. Elle a été admise au barreau en 1979.]
Margaret Bloodworth : J'ai suivi des cours d'éducation à l'Université du Manitoba, mais seulement pendant un an. J'ai obtenu mon diplôme à Winnipeg.
[00:02:54 Texte superposé à l'écran : Qu'est-ce qui vous a amené à Ottawa?]
Margaret Bloodworth : Mon conjoint y a trouvé un emploi dans le gouvernement. Nous étions jeunes. Nous n'étions mariés que depuis un an. Je ne pense pas y avoir beaucoup réfléchi. Déménager était une aventure.
[00:03:09 Texte superposé à l'écran : Quel a été votre premier poste à Ottawa?]
Margaret Bloodworth : J'ai travaillé pour une banque pendant la première année que j'ai passée à Ottawa. Ensuite, j'ai trouvé un emploi au bureau de poste au service de la rémunération. À l'époque, le bureau de poste faisait encore partie du gouvernement du Canada. Puis j'ai pris un congé pour faire des études de droit en 1974 si ma mémoire est bonne.
[00:03:31 Texte superposé à l'écran : Qu'avez-vous fait ensuite?]
Margaret Bloodworth : J'ai dit que j'avais passé 10 ans à l'organisme de réglementation,
[00:03:37 Texte superposé à l'écran : Mme Bloodworth a commencé sa carrière professionnelle en 1979 au sein de l'ancienne Commission canadienne des transports, qui s'appelle désormais l'Office des transports du Canada.]
Margaret Bloodworth : mais j'ai occupé au moins quatre postes différents pendant que j'étais là-bas. J'étais avocate et j'ai fini par devenir avocate générale.
[00:03:46 Texte superposé à l'écran : Au cours de cette période, elle a occupé les postes d'avocate générale et de directrice générale de la Direction générale du règlement des différends.]
Margaret Bloodworth : J'ai passé quelques années au bureau du ministre des Transports Mazankowski, où; nous avons élaboré un nouveau système de réglementation économique pour les chemins de fer. C'était la première fois que j'avais entendu parler du BCP, parce qu'ils m'ont appelé à un moment donné pour parler du nouveau régime de nomination pour la nouvelle commission qui allait être créée par leur organisme.
Quand cette loi a été adoptée, j'ai pris un poste non juridique de DG au sein de l'organisme. Ward Elcock, qui était à l'époque greffier adjoint au BCP, m'a appelé pour me demander si je voulais aller au BCP.
[00:04:26 Texte superposé à l'écran : En 1989, Mme Bloodworth a été nommée secrétaire adjointe du Cabinet de la législation et de la planification parlementaire, et conseillère au Bureau du Conseil privé.]
Margaret Bloodworth : Je pense que je devais faire des recherches pour savoir ce qu'était le BCP. Je suis vraiment passée de la périphérie du gouvernement au centre. Et quand j'y repense, c'était un énorme acte de foi. Je ne savais pas vraiment ce qu'ils voulaient que je fasse. J'ai passé environ une heure à parler à Ward. Je savais qu'ils voulaient une avocate. Il s'agissait de la législation et de la planification parlementaire. J'avais déjà fait passer un projet de loi à la Chambre des communes, et j'en savais donc un peu plus à ce sujet. Mais en réalité, j'ai sauté dans l'inconnu.
Quand je suis arrivée, j'ai eu un choc énorme la première année, car j'étais passée d'une organisation relativement petite, selon les normes gouvernementales, où; je faisais partie des deux ou trois personnes les plus importantes, où; j'étais considérée comme une sorte de vedette et où; tout le monde savait qui j'étais, à un endroit où; tout le monde était une vedette et où; ils savaient ce qu'ils faisaient, contrairement à moi quand j'ai commencé à travailler. Je me souviens donc de cette première année comme une véritable leçon d'humilité. Mais je le recommande souvent aux personnes qui se lancent, car la première chose à faire quand on se lance est de se rendre compte de tout ce que l'on ne sait pas. Je l'ai certainement appris à mes dépens cette année-là. Mais j'aimais ce travail, car je n'avais pas peur des défis à surmonter.
Il y avait des gens très intéressants, des gens dont j'ai beaucoup appris et des gens dont j'ai appris à la fois de bonnes et de mauvaises choses. Vous obtenez une vue d'ensemble du gouvernement d'une manière qu'il est très difficile d'obtenir dans de nombreux autres ministères. Ce fut donc une expérience merveilleuse.
[00:05:59 Texte superposé à l'écran : Quel était votre point de vue sur l'examen des programmes dans les années 1990?]
Margaret Bloodworth : J'ai été un peu privilégiée en ce qui concerne l'examen des programmes, dans la mesure où; j'ai eu l'occasion de le suivre de près parce que j'étais la greffière adjointe depuis 1994.
[00:06:13 Texte superposé à l'écran : En 1994, elle a été promue greffière adjointe de la sécurité et du renseignement, et conseillère au Bureau du Conseil privé.]
Margaret Bloodworth : Je faisais partie de l'équipe de direction du BCP. La question était donc souvent débattue à la table des cadres supérieurs. Mais je n'ai pas joué de rôle direct.
[00:06:22 Texte superposé à l'écran : En janvier 1997, elle a été nommée sous-ministre des Transports, puis sous-ministre de la Défense nationale en mai 2002.]
Margaret Bloodworth : Ce sont des économistes, en grande partie, ainsi que les gens des finances et les ministères qui ont joué le rôle le plus important. Mais j'ai eu l'occasion d'y assister, et ce fut une expérience fascinante, et j'espère qu'elle a été pleinement documentée, car il y a eu des réussites et des échecs. Et je dirais que les ministères qui s'en sont sortis avec succès sont ceux qui ont réellement repensé leur façon de faire, et le ministère des Transports était l'un d'entre eux. Je pense qu'ils étaient heureusement prêts parce que Jocelyne Bourgon était là et avait commencé à réfléchir avant même qu'ils ne sachent que l'examen des programmes allait avoir lieu. Ensuite, Doug Young est devenu ministre et Nick Mulder, un spécialiste de longue date au ministère des Transports et sous-ministre, était prêt à faire de grandes choses et avait l'intention de le faire.
Je dirais qu'ils ont donc réussi – et cela n'a rien à voir avec moi, car je suis arrivée à la fin – à transformer le ministère d'une manière qui ne l'a pas nui à. En revanche, d'autres ministères n'ont pas procédé à ce type de réflexion et ont subi des réductions si importantes qu'il leur a fallu des années pour s'en remettre.
La leçon que j'en ai tirée est la suivante : si cela se produit – et cela se produira périodiquement, comme il y a des réductions dans tout gouvernement – il faut profiter de l'occasion pour réfléchir à la manière de faire les choses différemment, car dire que l'on va faire plus avec moins ne fonctionne pas vraiment.
[00:07:47 Texte superposé à l'écran : Qu'est-ce qui vous frappe dans le processus de transition entre les gouvernements?]
Margaret Bloodworth : C'est un moment extrêmement spécial, et c'est aussi un moment exceptionnel du point de vue de la démocratie, car si nous tenons pour acquis que le pouvoir se transmet sans heurts et que les gens s'entraident dans notre pays, ce n'est pas le cas dans la plupart des pays du monde. Dans la plupart des pays du monde, il n'y a même pas de transitions. C'est donc un moment très spécial, et nous devrions nous en souvenir.
[00:08:17 Image superposée à l'écran de l'ancienne première ministre, Kim Campbell.]
Margaret Bloodworth : Ma première expérience a été au gouvernement de 1993, qui était issu du gouvernement Campbell – bien que Campbell n'ait pas été au pouvoir depuis très longtemps,
[00:08:26 Image superposée à l'écran de l'ancien premier ministre Brian Mulroney.]
Margaret Bloodworth : M. Mulroney n'était parti que quelques mois auparavant –
[00:08:29 Image superposée à l'écran de l'ancien premier ministre Jean Chrétien.]
Margaret Bloodworth : au gouvernement de Chrétien. Je me souviens encore d'avoir travaillé avec l'équipe de transition, ce qui est le cas de tous les gouvernements. Tout d'abord, elle n'appréciera pas certaines des choses que vous avez faites au cours de l'année écoulée, des choses dont vous pouvez être fiers en ce qui concerne l'adoption de lois ou d'autres dispositifs législatifs, mais qui ne lui plairont pas nécessairement. En fait, elle voudra défaire certaines choses. Et elle voulait défaire certaines choses en 1993.
Par exemple, à l'aéroport Pearson, le gouvernement précédent voulait privatiser l'un des terminaux. En fait, le terminal a été construit, si je me souviens bien, et il voulait le défaire. C'est une chose difficile à faire. Et notre travail consiste à trouver comment le faire. Parce que j'étais au BCP, je n'étais pas chargée de régler tous les détails, c'était au ministère des Transports de le faire, mais je devais m'assurer que ce ministère réfléchissait et posait les bonnes questions pour ne pas engager la responsabilité du gouvernement plus qu'il n'était absolument nécessaire.
Ce n'est qu'un petit exemple. Il voulait aussi avoir un programme législatif. Tout cela doit se faire assez rapidement, car même s'il s'écoule généralement un mois ou deux avant que le parlement ne se réunisse, ce n'est pas très long. C'est donc une période très spéciale – et j'ai vécu plusieurs transitions depuis. Et je pense que tout fonctionnaire qui a l'occasion d'être impliqué dans ce processus est privilégié.
[00:09:58 Texte superposé à l'écran : Quelles sont les stratégies clés que vous avez utilisées pour gérer les transitions gouvernementales en tant que sous-ministre?]
Margaret Bloodworth : En tant que sous-ministre, il est de notre responsabilité de nous assurer que nous comprenons les promesses du gouvernement qui arrive – qui peut être soit le gouvernement existant, qui fait généralement une autre série de promesses [INAUDIBLE] – soit un nouveau gouvernement. Et souvent, on ne le sait pas avant la toute fin ou avant d'être tout près de la fin. Il faut donc en quelque sorte avoir deux pistes. Mais il est important de prendre au sérieux toutes les promesses faites par les politiciens. Même ceux dont on pourrait dire, oh, c'est impossible. Il y a une raison pour laquelle ils ont dit cela, et vous devez être en mesure de dire, dès le premier jour, d'accord, si vous voulez faire ceci, voici ce que vous devrez faire, mais voici certains des inconvénients, etc. Et cela demande beaucoup de travail.
Je pense que la plupart de tous les ministères font de même. Ils s'organisent très bien pour la transition. Heureusement, nous disposons d'une période de campagne électorale pour le faire. Et pour le sous-ministre, il y aura beaucoup de gens qui feront tout cela. Mais il faut d'abord s'assurer que c'est compréhensible pour les personnes qui ne sont pas immergées dans le ministère. Deuxièmement, il faut essayer d'identifier, pour le ministère auquel on appartient, ce qui est susceptible d'être essentiel pour le gouvernement dans son ensemble et pour le ministre, et être en mesure de dire : « Voici ce que nous pouvons faire, comment nous pouvons le faire, et si vous ne pouvez pas le faire, pourquoi ». Mais il faut faire très attention à ce qui est « impossible », car la plupart des choses sont faisables, il s'agit juste de savoir comment les faire, dans quel ordre, etc.
[00:11:32 Texte superposé à l'écran : Comment êtes-vous devenu sous-ministre adjointe?]
Margaret Bloodworth : Il était évident que je deviendrais la prochaine sous-ministre.
[00:11:41 Texte superposé à l'écran : Mme Bloodworth a quitté le Bureau du Conseil privé en octobre 1996 pour accepter une nomination par décret en tant que sous-ministre déléguée des Transports.]
Margaret Bloodworth : pNick Mulder allait prendre sa retraite. Je pense que Jocelyne Bourgon, qui m'a nommée à ce poste, pensait que Nick resterait plus longtemps que prévu. Après mon arrivée, il est devenu évident qu'il ne resterait pas là aussi longtemps. Je suis arrivée en octobre, si je me souviens bien, et il est parti en janvier. En fait, c'était une excellente occasion de découvrir le ministère, car je n'avais jamais travaillé au ministère des Transports. J'avais fait du travail réglementaire dans le domaine du transport au sein de l'organisme, mais je n'avais jamais été dans le ministère. J'ai travaillé avec le ministère pendant la législation, mais pas toujours avec plaisir. Comme vous pouvez l'imaginer, le ministère n'était pas unanimement ravi que ce groupe de personnes de l'organisme de réglementation vienne, en association avec le cabinet du ministre, pour élaborer une législation. Je ne pense pas que j'aurais été ravie non plus si j'y étais. Mais à l'époque, je ne savais pas qu'il y avait quelque chose d'inhabituel à ce sujet.
J'y suis donc allée. Lorsque j'ai rejoint le ministère, j'ai eu le grand privilège de disposer de trois ou quatre mois pour apprendre à connaître le ministère, qui était déjà très vaste à l'époque. Ils se considéraient comme beaucoup plus petits, mais le ministère était tout de même réparti dans tout le pays. Il était présent dans cinq régions. Je crois qu'il y avait encore environ 12 000 membres du personnel quand je suis arrivée. Mais entre-temps, Nav Canada est devenu un organisme distinct, deux ou trois autres aéroports ne relevaient plus du ministère, et lorsque j'étais sous-ministre, il n'y avait que six ou sept mille personnes. Je considère cela comme une immense bénédiction, car je n'avais aucune idée de ce en quoi consistait le rôle de sous-ministre. Et si nous sommes tous honnêtes, aucun d'entre nous ne sait grand-chose sur ce poste avant de l'occuper.
C'est ainsi que j'ai eu l'occasion de regarder et de m'impliquer pendant quelques mois, et Nick m'a aidé. Je le connaissais. J'avais déjà travaillé avec lui. Je pense qu'il était heureux de m'avoir à ses côtés et qu'il a senti qu'il pouvait partir heureux, maintenant que j'étais là. C'était un énorme cadeau.
[00:13:34 Texte superposé à l'écran : Quels ont été les principaux défis auxquels vous avez été confrontée quand vous deviez diriger un ministère qui avait récemment fait l'objet de changements structurels importants?]
Margaret Bloodworth : Cela a été une expérience d'apprentissage énorme pour moi et, heureusement, j'ai beaucoup appris du ministère. Le personnel a été très patient avec moi à l'époque. Mais je dirais que le ministère était assez démoralisé. Les gens parlaient ouvertement d'eux-mêmes comme « les autres ».
Par exemple, en ce qui concerne les aéroports. Dans l'ensemble, toutes les personnes qui étaient aux aéroports y sont restées. Elles ne sont pas restées au ministère des Transports. Nav Canada, qui faisait partie intégrante du ministère des Transports, est devenue une organisation à part entière. Air Canada était partie quelques années auparavant, tout comme CN. C'était des sociétés d'État distinctes, donc un peu différentes. Les ports faisaient également partie d'une société d'État, ce qui rendait les choses un peu différentes. Mais certainement, les parties les plus importantes, les aéroports – qui constituent un ensemble d'organisations énorme, un SMA était chargé des aéroports – et Nav Canada sont partis l'un après l'autre. Je pense que Vancouver et Montréal ont été les premières expériences parce qu'elles avaient une entente un peu différente par rapport aux autres. Je pense que cela s'est fait sous le gouvernement précédent, mais la plupart des choses se sont produites pendant l'examen des programmes.
Je dirais que le personnel qui était parti était dans une nouvelle aventure excitante et qu'il se disait : nous allons devenir quelque chose de différent. Mais les personnes qui sont restées ne savaient pas qui elles étaient. Elles savaient ce qu'était le ministère des Transports, puisqu'il avait toujours existé depuis une centaine d'années et qu'elles en faisaient partie. C'était l'un des plus anciens ministères du gouvernement, peut-être même le plus ancien. Avec le recul, je dirais qu'il m'a fallu quelques mois pour réaliser qu'une grande partie de mon travail consisterait à créer un nouveau ministère, ce que je n'avais pas réalisé au départ, pas parce que j'ai dû créer de nouvelles structures, mais parce que les gens ont dû se percevoir comme quelque chose de différent, et se reconnaître dans ce qu'ils étaient. Et cela demande beaucoup de travail et d'efforts définis pour y parvenir.
[00:15:35 Texte superposé à l'écran : Quels sont vos souvenirs de la matinée du 11 septembre 2001?]
Margaret Bloodworth : Je me souviens très bien de ce matin-là. Je pense qu'aucun d'entre nous n'oubliera jamais ce matin-là. Le ministre s'adressait aux responsables de tous les aéroports d'Amérique du Nord, à Montréal à l'époque. Il a dit qu'il savait qu'il avait perdu son public quand tout le monde a commencé à regarder son téléphone à un moment ou à un autre. J'étais en réunion à Industrie Canada. J'avais commencé à 8 h et une femme est entrée vers 9 h. Elle est entrée tranquillement et m'a dit : « Je pense que vous devriez voir quelque chose.
Elle m'a emmené devant une télévision. Je me tenais là, essayant de comprendre ce que je regardais, et j'ai vu le deuxième avion frapper la deuxième tour ».
[00:16:19 Image superposée à l'écran des tours du World Trade Center englouties dans la fumée et les flammes.]
Margaret Bloodworth : Tous ceux qui ont vu ce qui s'est passé savaient que ce n'était pas un accident. On a tout de suite compris que c'était délibéré. Un avion de grande taille s'est dirigé à grande vitesse vers la tour.
J'ai ramassé mes affaires et je suis retournée au ministère des Transports. Sur le chemin du retour, j'avais déjà appelé le DG de la sécurité, car le SMA de la sécurité était à l'étranger. Il était responsable de la sûreté et de la sécurité et il était en Chine. Louis Ranger, qui était le sous-ministre délégué à l'époque, était à Montréal. J'ai donc appelé le DG de Sécurité et je lui ai demandé de venir au bureau. J'étais au bureau vers 9 h 10. Lors de cette première réunion, il m'a déjà dit : « Je pense que nous allons devoir envisager de fermer l'espace aérien ». Et j'ai dit : « Whoa, juste une minute ». Faisons le point sur notre situation, celle des Américains, etc. Mais c'est lorsque l'avion a percuté la tour et le Pentagone que nous avons décidé de fermer l'espace aérien. Et les Américains ont fait la même chose presque en même temps.
L'une des premières leçons a été l'importance des relations. J'ai appelé John Crichton, qui dirigeait Nav Canada, et je lui ai dit qu'il allait falloir faire atterrir tous les avions et tout ce qui se trouvait au-dessus de l'Atlantique, ce qui allait être très difficile à cette heure de la journée, et je le savais – il y a environ 500 avions au-dessus du Nord de l'Atlantique le matin – et je lui ai dit de renvoyer tous ceux qui pouvaient retourner, les autres devaient atterrir sur la côte Est.
Il faut lui reconnaître qu'il ne m'a même pas posé de questions. Il a répondu par l'affirmative. Il n'avait pas reçu d'ordre. Je pense que j'avais déjà parlé au ministre et je lui avais dit : « Je pense que nous allons devoir réfléchir pour faire cela ». Mais il s'agissait de relations. C'est aussi parce que les événements étaient si importants. Les gens savaient qu'il fallait faire quelque chose. Mais c'était un événement assez important qui était géré par des personnes qui parlaient au téléphone.
[00:18:08 Texte superposé à l'écran : En quoi la prise de décision lors d'une crise comme celle du 11 septembre diffère-t-elle aujourd'hui avec la communication en temps réel?]
Margaret Bloodworth : Je ne suis pas sûre qu'il soit possible de répondre à cette question. Je pense que le premier ministre était l'un des rares ministres à être présent en ville. Je pense que Paul Martin était quelque part dans les Cantons de l'Est; John Manley était en Europe; mon ministre était à Montréal.
Alors, aurions-nous pu prendre le temps d'attendre? Peut-être, mais il n'y avait aucun avantage à attendre. Et nous ne savions pas non plus ce que nous ne savions pas. Quand le troisième avion a percuté le Pentagone, la première question que nous sommes posés était : qui serait le prochain. Aucun d'entre nous ne croyait que c'était le seul – et il s'est avéré qu'il y en avait un autre qui s'est écrasé en Pennsylvanie parce que les passagers avaient appris le plan des pirates. Il ne leur a pas fallu longtemps pour comprendre que l'avion allait s'écraser sur quelque chose. Ils ont donc décidé de prendre les commandes de l'avion. Ils sont tous morts en fin de compte, mais ils ont sauvé des vies parce qu'ils ne se sont pas dirigés vers le Pentagone, l'Assemblée législative ou la Maison-Blanche ou l'un des deux Congrès [inaudible].
Je ne sais donc pas si les choses auraient été différentes. Je pense que cela aurait été différent pour les personnes à bord de ces avions parce que les avions qui ont atterri ne savaient pas avant l'atterrissage pourquoi ils atterrissaient, ce qui a probablement facilité la tâche des pilotes. Aujourd'hui, ils sauraient tous ce qui se passe, et ils se regarderaient tous les uns les autres, donc je pense que ce serait beaucoup plus difficile pour les pilotes et l'équipage de nos jours. Je ne sais pas si ce serait différent pour nous.
[00:19:50 Texte superposé à l'écran : Comment faites-vous pour prendre des décisions importantes quand vous ne disposez pas d'informations suffisantes?]
Margaret Bloodworth : Tout d'abord, on n'a jamais toutes les informations au départ. Deuxièmement, il est rare que vous preniez la décision vous-même. Il y a souvent des gens autour de vous : Vous conseillez un ministre qui doit être d'accord avec vous; vous avez autour de vous des SMA qui ont des points de vue différents et qui en débattent. Pour moi, le test de la prise de décision pour tout dirigeant est de savoir quand on dispose de suffisamment d'informations pour prendre une décision, et quand attendre plus longtemps va coûter plus cher que de faire quelque chose maintenant. Et c'est un art. Ce n'est pas une science. Et parviendrez-vous un jour à l'obtenir à 100 %? Non. Mais parfois, ne pas prendre de décision revient à prendre une décision, et pas nécessairement la meilleure.
Alors, est-ce toujours confortable? Mais si vous n'êtes pas à l'aise de prendre des décisions à des moments où; vous n'êtes pas sûr de tout, ce n'est probablement pas le bon travail pour vous. Et il y a beaucoup d'emplois qui n'exigent pas cela. Mais nous avons besoin de personnes pour faire ce travail. Je ne dis pas que l'une est meilleure que l'autre, mais c'est une question de leadership de savoir quand vous avez suffisamment d'informations pour prendre une décision et quand attendre plus longtemps va vous coûter plus qu'il ne vaut si on ne fait pas quelque chose maintenant.
[00:21:20 Texte superposé à l'écran : Qu'est-ce que le leadership pour vous?]
Margaret Bloodworth : Pour moi, diriger signifie avant tout créer un environnement dans lequel les personnes qui travaillent pour vous peuvent faire plus que si vous n'étiez pas là. En fin de compte, si vous êtes le dirigeant d'une grande organisation, non seulement vous ne pouvez pas faire tout le travail, mais vous n'êtes pas compétent pour faire beaucoup de tâches. Et certainement au ministère des Transports, personne ne s'est soucié de savoir si je pensais qu'un avion devait voler. Mais nous nous préoccupions de savoir si l'aviation civile [inaudible] et nous devrions nous en préoccuper. Il faut donc s'assurer que cette personne et les autres peuvent faire le meilleur travail possible.
Maintenant, pouvons-nous tout faire? Non. Mais nous avons un rôle à jouer en tant que dirigeants : veiller à ce que l'organisation facilite la prise de bonnes décisions et les mesures de toutes les personnes qui occupent des postes clés et qui relèvent de vous, ce qui est le cas de la plupart des gens.
[00:22:13 Texte superposé à l'écran : Quel est, selon vous, le rôle d'un sous-ministre?]
Margaret Bloodworth : Selon moi, la fonction de sous-ministre comporte trois facettes.
[00:22:21 Texte superposé à l'écran : Quand Sécurité publique et Protection civile Canada a été créé le 12 décembre 2003, Mme Bloodworth est devenue la première sous-ministre du ministère.]
Margaret Bloodworth : La première est d'être la conseillère ou le conseiller du ministre. La deuxième est la gestion de l'organisation dont on est responsable. Et troisièmement, on a une responsabilité envers la fonction publique dans son ensemble.
[00:22:31 Texte superposé à l'écran : Le premier ministre annonce des changements aux échelons supérieurs de la fonction publique; communiqué de presse, 3 octobre 2006, Ottawa, Ontario : Le premier ministre Stephen Harper a annoncé aujourd'hui les changements suivants aux échelons supérieurs de la fonction publique :
Margaret Bloodworth, actuellement secrétaire associée au Cabinet, Bureau du Conseil privé, assumera des responsabilités supplémentaires en tant que conseillère nationale pour la sécurité auprès du premier ministre.
Yvan Roy, actuellement conseiller juridique du greffier du Conseil privé et secrétaire adjoint du Cabinet (sécurité et renseignement), devient secrétaire adjoint du Cabinet (législation, planification parlementaire et Appareil gouvernemental) et conseiller juridique du Bureau du Conseil privé.]
[00:22:31 Texte superposé à l'écran : En mai 2006, Mme Bloodworth a été nommée secrétaire adjointe du Cabinet au Bureau du Conseil privé. Le 10 octobre 2006, elle a été nommée conseillère nationale pour la sécurité auprès du premier ministre.]
Margaret Bloodworth : Permettez-moi donc de laisser ce troisième point de côté pour l'instant et de revenir aux conseils que j'ai donnés au ministre. La seule chose qui est probablement différente du secteur privé, c'est qu'il y a d'autres personnes à qui on doit répondre régulièrement. Je pense que ce qui est unique, c'est que la personne que nous conseillons a été élue et que nous ne l'avons pas été. Les meilleurs ministres, et j'ai travaillé pour de merveilleux ministres au fil du temps, apportent quelque chose que vous ne pouvez jamais apporter. Ils connaissent le public et entretiennent avec lui des relations qui sont impossibles pour les fonctionnaires. Cela ne veut pas dire que nous ne nous entendons pas avec les gens à l'extérieur et que nous n'avons pas de liens avec eux. Mais ils ne nous ont pas élus. Et je pense que c'est probablement ce qui fait la particularité du sous-ministre et des autres hauts fonctionnaires qui collaborent beaucoup avec les élus.
C'est l'une des raisons pour lesquelles je n'ai jamais aimé l'expression « dire la vérité au pouvoir ». Je comprends d'où; elle vient, mais elle suggère que la vérité est de notre côté. Ce n'est pas ce que j'ai constaté. Je préfère donner des conseils sans crainte, et j'y crois. Il faut réfléchir à ce que l'on dit, ne pas avoir peur de le dire et le dire de manière à être sûr d'avoir été entendu et de savoir ce que cela signifie si l'on n'est pas d'accord avec vous.
Mais il arrive qu'on se trompe. Et parfois, le niveau politique aura la bonne réponse. Et même s'il n'a pas ce que vous pensez être la bonne réponse, il est important de se demander pourquoi il dit cela et ce que nous pouvons faire pour nous adapter, parce qu'il ne le dit pas pour la folie. Je sais que nous parlons de corruption, mais il n'y a pas beaucoup de corruption dans la fonction publique. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, mais nous ne sommes pas comme certains pays qui en sont truffés. Je dirais donc que dans l'ensemble, les ministres pour lesquels j'ai travaillé voulaient faire ce qui était le mieux pour le public de leur point de vue. Il est donc important de réfléchir à ce qu'il dit et d'essayer de mettre en mots et en pensées ce que vous proposez de faire. Et pourquoi hésite-t-il à le faire? Parce qu'il a probablement raison d'être hésitant et de se rendre compte de la situation.
[00:24:39 Texte superposé à l'écran : Le travail dans le domaine de la sécurité est-il plus difficile que dans d'autres secteurs du gouvernement?]
Margaret Bloodworth : Non, honnêtement, je ne peux pas dire que c'était le cas. Je n'étais pas une agente de sécurité de première ligne. Je n'étais ni soldate, ni même générale. Je n'étais pas une agente de la GRC, etc. Je ne parle donc pas de leur travail. J'étais plutôt du côté de la politique et des relations internationales. En effet, pour de nombreuses personnes, les décisions économiques qui sont prises ont un effet tout aussi important sur elles que la sécurité, et parfois plus.
Les personnes réagissent-elles différemment sur le plan émotionnel? Oui, absolument. Sinon, pourquoi les gens réagissent-ils différemment quand 100 personnes meurent dans un avion que lorsque 100 personnes meurent sur la route? Mais c'est le cas. Et pourtant, les compagnies aériennes, quelle que soit leur définition, sont le secteur le plus réglementé qui soit. Il est donc évident que l'émotion a une influence. Et je ne suis pas sûre s'il ne devrait pas en être ainsi. En fin de compte, il y a une certaine sagesse du peuple que nous ne pouvons pas négliger.
Ce qui peut être frustrant dans le domaine de la sécurité, c'est que, comme quelqu'un l'a dit, « le terroriste ne peut réussir qu'une seule fois ». Les responsables de la sécurité doivent toujours faire ce qu'il faut, car il y a toujours des gens qui essaient de nous mettre en danger. Cela peut donc être frustrant.
Mais d'un autre côté, je ne me souviens pas avoir trouvé que c'était un fardeau plus lourd que le fardeau économique parce que la réglementation économique est fondamentale pour le pays et son bien-être.
[00:26:14 Texte superposé à l'écran : Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels les fonctionnaires sont confrontés aujourd'hui par rapport aux décennies précédentes?]
Margaret Bloodworth : Je pense que le principal défi pour les fonctionnaires est de relever les défis du jour où; ils se trouvent, et ils sont tous différents. Je suis entrée dans la fonction publique dans les années 1970 et c'était une époque très différente de la fonction publique. Ceux qui étaient les plus anciens quand je suis arrivée sont arrivés après la Seconde Guerre mondiale, avec tous les défis que cela implique. Avant cela, ils ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et relevé les défis qu'elle a posés au niveau de la fonction publique. Aujourd'hui, les défis sont différents. Je pense qu'être un bon fonctionnaire, c'est pouvoir fonctionner dans la région où; on est et répondre à ses besoins.
J'ai également mis en garde les gens : oui, on peut tirer des leçons du passé, mais il ne faut pas suivre à la lettre les conseils des gens du passé. Les personnes qui, comme moi, ont quitté le gouvernement depuis longtemps, ne savent pas vraiment à quoi ressemble l'environnement actuel. Nous savons ce que c'était lorsque nous étions là-bas, mais nous ne connaissons pas vraiment l'environnement. Donc, peu importe les conseils que nous donnons, il faut en quelque sorte les filtrer, dire d'accord, mais cela ne fonctionnerait pas vraiment de nos jours, parce que chaque domaine est différent.
[00:27:19 Texte superposé à l'écran : Quels conseils donneriez-vous à un jeune fonctionnaire en début de carrière?]
Margaret Bloodworth : Je fais une mise en garde en vous disant de faire attention aux mots de sagesse que vous entendez de la part de gens comme moi. Mais je dirais que je ne pense pas que cela ait changé. Il y a encore une vaste gamme de tâches intéressantes et stimulantes à accomplir. Et si la première que vous recevez n'est pas aussi intéressante et stimulante que vous le souhaitez, regardez autour de vous, vous en trouverez probablement d'autres.
L'autre chose que je dirais, c'est qu'il faut être prêt à prendre des risques. Fiez-vous un peu à votre instinct, mais n'ayez pas peur de faire quelques bonds de foi parce qu'il y a des choses intéressantes que vous ne connaissez peut-être pas et auxquelles vous n'avez peut-être pas pensé avant de les essayer.
[00:28:06 La vidéo se termine sur l'équipe en train de ranger son matériel après l'entrevue.]
[00:28:11 Le logo animé de l'EFPC apparaît à l'écran. Texte à l'écran : canada.ca/school]
[00:28:18 Le mot-symbole du gouvernement du Canada apparaît et disparaît dans un fondu au noir.]