Transcription
Transcription : Conférence avec le chercheur invité dans le cadre de l'Initiative Jocelyne Bourgon : Intendance et renforcement des capacités pour des pratiques efficaces en matière de politique canadienne
CSPS Descriptive: HAP-072- Visiting Scholar – Stewardship and Capacity Building for Effective Canadian Policy Practice / Descriptif de l'EFPC : HAP-072- Chercheur invité – Intendance et renforcement des capacités pour une pratique politique canadienne efficace
[00:00:00 Le logo animé de l'École de la fonction publique du Canada [EFPC] s'affiche à l'écran.]
[00:00:06 Image aérienne de la Colline du Parlement. On entend une musique tendue. Texte superposé à l'écran : We would like to begin by acknowledging that this event is filmed on the traditional and unceded territory of the Algonquin Anishinaabeg people. We encourage you to take a moment to reflect on the traditional Indigenous territory you occupy. / Nous tenons tout d'abord à souligner que cet événement est filmé sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin Anishinaabeg. Nous vous encourageons à prendre un moment pour réfléchir au territoire autochtone traditionnel que vous occupez.]
[00:00:19 Vue extérieure du bâtiment de l'EFPC. Texte à l'écran : Jocelyne Bourgon Visiting Scholar Lecture 2024 / Conférence avec le chercheur invité dans le cadre de l'Initiative Jocelyne Bourgon 2024.]
[00:00:27 Image des drapeaux provinciaux et territoriaux. Texte à l'écran : Stewardship and Capacity Building for Effective Canadian Policy Practice. / Intendance et renforcement des capacités pour des pratiques efficaces en matière de politique canadienne.]
[00:00:35 On attache un microphone à la cravate de Jonathan Craft, Ph. D. Texte à l'écran : Visiting Scholar/Chercheur invité/Jonathan Craft, Ph. D.]
[00:00:46 Taki Sarantakis et Jonathan Craft sont assis et discutent. Texte à l'écran : Discussion with/ Discussion avec/ Taki Sarantakis.]
[00:00:56 Texte à l'écran : Welcome / Bienvenue.]
[00:01:00 Taki Sarantakis apparaît en plein écran. Texte à l'écran : President, Canada School of Public Service. / Président, École de la fonction publique du Canada.]
Taki Sarantakis : Je m'appelle Taki Sarantakis. C'est pour moi un grand honneur de vous accueillir à la Conférence avec le chercheur invité dans le cadre de l'Initiative de chercheurs invités Jocelyne Bourgon 2024 à l'École de la fonction publique du Canada. Cette année, c'est le professeur Jonathan Craft de l'Université de Toronto qui donne la conférence.
Le professeur Craft est l'une des lumières qui éclairent le monde des politiques publiques et de l'administration publique au Canada. Ces derniers temps, il s'est consacré à l'examen de ce que nous appelons la communauté des politiques au sein du gouvernement du Canada.
Les politiques sont primordiales dans nos vies à toutes et à tous, car elles déterminent ce que nous pouvons faire; ce que nous ne pouvons pas faire; quelles lois sont adoptées; quels règlements sont adoptés; et il est indispensable que la fonction politique au sein du gouvernement fédéral, et au sein des autres gouvernements, ait une formidable capacité à traiter les problèmes de la société.
La conférence du professeur Craft sera suivie d'une petite table ronde pour discuter de certains des principaux points qu'il aura soulevés. Professeur Craft, c'est à vous.
[00:02:08 Jonathan Craft, Ph. D. apparaît en plein écran. Texte à l'écran : Associate Professor, Department of Political Science, University of Toronto / Professeur adjoint, Départment de science politique, Université de Toronto.]
Jonathan Craft, Ph. D. : Bonjour. Je m'appelle Jonathan Craft et je suis professeur agrégé en politiques publiques comparées à l'Université de Toronto.
Je suis également honoré de servir comme chercheur invité Jocelyne Bourgon à l'École de la fonction publique du gouvernement du Canada pour l'année 2023-2024. J'aimerais commencer tout d'abord par remercier le leadership de l'École et l'équipe qui m'a appuyé. Ils ont démontré les meilleures qualités et compétences de la fonction publique.
Je suis souvent frappé par le peu de temps que nous consacrons – en tant que pays et en tant que communauté scientifique – à discuter de notre fonction publique et de l'état de l'administration publique canadienne. Je dirais que c'est parce que, dans l'ensemble, cela fonctionne. Bien sûr, je reconnais, comme chacun et chacune d'entre nous, qu'il y a des moments où; ce n'est pas le cas, et c'est souvent dans de tels cas que nous parlons de la fonction publique. Mais pour beaucoup d'entre nous, nous avons là une institution que nous considérons comme acquise.
Le gouvernement du Canada est le premier employeur du pays. Il dispose d'un budget annuel de plusieurs centaines de milliards de dollars. Surtout, c'est l'institution qui, de concert avec nos personnes qui nous représentent démocratiquement élues, crée et administre les programmes et les soutiens clés qui garantissent l'épanouissement de la population canadienne. Elle vaut la peine d'être étudiée avec minutie et analysée, mais elle a aussi besoin de soutien pour garantir son efficacité.
Mon exposé d'aujourd'hui se concentrera donc sur les questions de capacité à élaborer des politiques publiques efficaces et sur la nécessité de moderniser les pratiques d'élaboration des politiques. Je soulignerai les principales difficultés du renforcement de la capacité politique du Canada. Ces difficultés sont, selon moi, liées à la manière dont la fonction publique est organisée, à la façon dont la fonction publique a cherché à générer et à maintenir sa capacité politique et, bien sûr, à la nature changeante de l'élaboration des politiques en tant que telle.
Le discours d'aujourd'hui reflète mes propres opinions, mais il est également éclairé par une décennie de recherches portant sur des questions de conseils, de conceptions, de politiques, de la capacité politique ainsi que des questions de réformes du secteur public. Je conclurais en fournissant cinq recommandations qui sont des options pratiques et réalisables.
Au Canada comme ailleurs, des équipes de recherche étudient divers défis liés à l'élaboration de politiques publiques efficaces. Pour n'en citer que quelques-uns : l'accent croissant mis sur la vision à court terme ou la gestion des problèmes dans l'élaboration des politiques. L'écart pernicieux entre la conception et la mise en œuvre des politiques. Ou encore le décalage entre l'intention politique et ce qui est réellement produit et réalisé. Il est évident que ces défis majeurs, et d'autres encore, se retrouvent dans les services publics du monde entier.
Cependant, comparée à l'échelle internationale, la fonction publique canadienne et nos gouvernements de divers bords sont beaucoup moins actifs en matière de réforme de la fonction publique, particulièrement [quand] nous nous comparons à nos cousins qui utilisent le modèle de Westminster de conduite des affaires publiques, comme l'Australie, la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande, où; les réformes et les tentatives de modernisation de l'élaboration des politiques sont plus claires et se font plus en continu. Il existe indéniablement d'excellents exemples d'îlots de modernisation et de renouveau dans la fonction publique fédérale. J'en parlerai dans un instant.
L'approche du Canada a toutefois mis l'accent sur ce que les universitaires appelleraient la dimension individuelle de la capacité politique, en recrutant des gens talentueux dans la réflexion et dans l'action en matière de politique. Même s'il s'agit sans aucun doute d'un ingrédient clé dans un gouvernement efficace, le défi du Canada est d'ordre structurel; il est lié aux formes organisationnelles de la capacité politique. C'est-à-dire qu'il réside dans la capacité de la fonction publique à coordonner et déployer efficacement ses ressources politiques et à garantir des mécanismes adéquats pour l'apprentissage organisationnel et la gestion des ressources humaines. Selon moi, la meilleure manière de relever ces défis consiste à adopter une approche de l'intendance plus rigoureuse au Canada.
L'intendance est le devoir de veiller de façon proactive sur une ressource, qui peut être une personne, une information, des processus ou des institutions. Bien entendu, on interprète et on applique l'intendance de différentes manières selon les pays. Au Canada, elle est déjà l'une des cinq valeurs fondamentales du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. D'ailleurs, l'actuel greffier du Conseil privé a lancé une conversation importante sur ces valeurs fondamentales de la fonction publique. Il s'agit d'une excellente occasion de revenir sur cette valeur qu'est l'intendance, d'avoir une discussion sur ce que l'intendance signifie pour la fonction publique du Canada aujourd'hui et de chercher des occasions de renforcer et de moderniser cette valeur aux fins de l'élaboration des politiques. Bien sûr, il faut plus que des mots ou des déclarations d'éthique pour adapter une approche plus robuste de l'intendance.
Dans cet exposé, je formule cinq recommandations clés pour les changements et les réformes dans l'organisation. Il s'agit d'abord de créer, au sein du Bureau du Conseil privé, une unité autonome de modernisation de la fonction publique, dirigée au niveau du sous-secrétariat, ayant pour but de piloter et de mieux coordonner le renouvellement de la fonction publique et la capacité politique. Deuxièmement, rendre obligatoire, tous les deux ans, un examen de la capacité politique existante au sein de la fonction publique. Troisièmement, élargir et approfondir le rapport du greffier sur l'état de la fonction publique.
Quatrièmement, la fonction publique doit, grâce à l'initiative de la communauté des politiques du Canada, élaborer des pratiques et des principes politiques plus clairs et mieux les communiquer. À quoi ressemble une élaboration de politique moderne et comment devrait-on la mettre en œuvre? Il faut en outre lier ces pratiques à des réformes pour assurer les processus clés qui permettent ces pratiques autant qu'ils les exigent dans les expériences concrètes des fonctionnaires. Cinquièmement, la fonction publique doit mettre au point une approche à l'échelle de l'organisation ou pangouvernementale pour perfectionner la formation et les compétences du personnel politique existant.
Il s'agit de réformes concrètes et des opportunités qui, comme je le montrais, sont fondées sur ce qui a fonctionné dans la pratique canadienne et internationale. Cependant et surtout, ces opportunités doivent être ancrées dans un changement plus large, dans une approche d'intendance. Une approche qui reconnaît les obligations et les responsabilités uniques de la fonction publique, à garantir de manière proactive qu'elle dispose de la capacité de politiques nécessaires pour bien servir le gouvernement et les Canadiens.
Alors, qu'est-ce que la capacité politique? Pourquoi en avons-nous besoin et pourquoi est-elle menacée? La capacité politique est un élément essentiel pour gouverner efficacement. Elle désigne l'ensemble des aptitudes, des compétences et des ressources présentes dans les organismes gouvernementaux qui permettent de concevoir et de poursuivre des objectifs politiques. Pour les chercheuses et les chercheurs, la capacité politique comprend les dimensions individuelles, organisationnelles et systémiques. Cela se rapporte aux aptitudes et aux compétences des membres du personnel pris individuellement, à la manière dont l'organisation de la fonction publique peut, dans son ensemble, gérer et coordonner sa capacité politique et accomplir le travail d'élaboration des politiques, ainsi qu'à des considérations plus larges et systémiques liées aux relations entre l'État et la société et au contexte mondial.
Le consensus, au Canada comme ailleurs, est que la capacité politique de la fonction publique a reculé ou qu'elle est devenue moins efficace que par le passé. Plus précisément, il y a des préoccupations qui portent sur les compétences de recherche, d'analyse et de conseil, et les capacités de la fonction publique; sur la pénurie de talents en matière de politiques dans la fonction publique, notamment le roulement du personnel; sur la dépendance excessive vis-à-vis des spécialistes-conseils externes; sur le sous-investissement dans la formation de la fonction publique ou encore sur la faiblesse des systèmes de priorisation, de collaboration et de cohérence politique due aux cloisonnements au sein de la fonction publique.
Depuis longtemps, certains insistent sur le fait que les lacunes en matière de capacités se manifestent par l'incapacité de la fonction publique à réussir la mise en œuvre; que les services publics manquent de capacité politique pour mettre en œuvre et atteindre les résultats souhaités; que la ligne de crête entre la formulation des politiques et leur mise en œuvre est de plus en plus obscure; et que la capacité de la fonction publique à se mobiliser et à se coordonner autour des priorités et des enjeux pangouvernementaux est désormais remise en question.
Encore une fois, ce sont des questions qui sont régulièrement discutées par les universitaires du monde entier et par les cercles gouvernementaux, pas seulement ici à Ottawa, mais aussi à Canberra, en Australie, à Wellington, en Nouvelle-Zélande, et à Londres, en Angleterre. Ces défis ne sont pas nouveaux, pas plus que les tentatives des gouvernements pour les relever. Le gouvernement du Canada s'intéresse depuis longtemps aux questions de capacité politique. Au milieu des années 1990, sous l'impulsion de la greffière de l'époque, Jocelyne Bourgon, on a reconnu la nécessité de faire le point sur la capacité existante et de s'assurer que la fonction publique disposait des bons types de capacités dans les bons secteurs du gouvernement.
Sous la direction du statisticien en chef du Canada de l'époque, à la tête d'un groupe de travail de niveau sous-ministériel et en collaboration avec des chercheurs universitaires, ils ont identifié les principaux défis de la capacité de politiques de la fonction publique et les moyens d'y remédier. Leur rapport a mis l'emphase sur cinq thèmes : Premièrement, le besoin continu de services, d'élaboration des politiques de qualité, afin de relever les grands défis lancés au gouvernement. Deuxièmement, le besoin d'accorder plus d'attention à la gestion et aux méthodes de travail sur les politiques, tant au niveau ministériel qu'interministériel. Le besoin de se pencher davantage sur les questions stratégiques et à plus long terme, y compris les grands enjeux fonctionnels communs à plusieurs ministères et l'amélioration des tribunes interministérielles où; sont traitées ces questions. Le besoin de tenir compte des ressources et des contributions externes en matière de politique comme complément aux services internes du gouvernement. Dernièrement l'importance du leadership que doivent assumer les plus hauts fonctionnaires en vue de répondre à ces besoins.
Ce qui est frappant, c'est à quel point ces thèmes restent aussi pertinents. Le besoin de capacité pour répondre aux défis politiques urgents; la reconnaissance de la diversité des techniques et des pratiques politiques; la nécessité d'une réflexion politique stratégique à long terme, de coordination et d'une élaboration de politiques horizontales; et l'optimisation des capacités internes et externes et de la haute direction. Ces thèmes perdurent parce qu'ils reflètent l'essence même de l'élaboration des politiques et les plus grands défis qu'elle pose. Éviter de se laisser emprisonner dans l'urgence et de négliger ce qui est important; être incapable de penser et d'agir de manière stratégique ou de mettre en place des moyens de coordination efficaces dans un système d'administration publique qui est à la fois complexe et fondé sur des règles.
Le défi réside aussi en partie dans le fait que la nature même du travail d'élaboration des politiques a évolué depuis que le groupe de travail s'est penché sur ces questions il y a une trentaine d'années. On a conçu les institutions de la fonction publique et les principaux processus d'élaboration des politiques à une autre époque et pour une autre époque. En effet, ils luttent sous le poids du rythme, des exigences et de la complexité de l'élaboration actuelle des politiques et de ses enjeux. Depuis 15 ans, les recherches universitaires, y compris les miennes, nous fournissent une excellente compréhension de la manière dont les politiques sont aujourd'hui élaborées et des domaines dans lesquels la capacité est la plus forte et la plus faible au Canada.
Nous savons que les tendances sont à la lutte contre les incendies et à la vision à court terme dans le travail d'élaboration des politiques. Il est également évident qu'il y a, dans la fonction publique fédérale canadienne, une évolution vers des formes de généralisme avec des processus lourds.
Il s'agit là d'une déviation par rapport à une capacité plus substantielle et fondée sur l'expérience élaborée par un personnel chargé des politiques restant dans les mêmes ministères pendant des périodes prolongées. Nous savons qu'il existe une tendance à l'internalisme, qu'une bonne partie des activités de consultation et de mobilisation se fait entre fonctionnaires du gouvernement du Canada et d'autres ordres de gouvernement. Cela s'ajoute à la mobilisation effectuée avec la population canadienne et avec des groupes clés des secteurs privé, à but non lucratif et international.
Au fil des ans, la fonction publique canadienne a cherché à relever ces défis. Le recrutement de leaders en matière de politiques et les initiatives avancées relatives aux analystes des politiques ont été couronnés de succès et importants. Ces mesures étaient en fait suggérées dans les principes qui sous-tendaient les recommandations du rapport sur la capacité politique de 1996.
Aujourd'hui plusieurs dans les rangs moyens à supérieurs dans la fonction publique sont des recrûs du programme RLP. C'est un atout. Le programme PAAP a démontré l'efficacité des approches rotationnelles pour faire passer les nouvelles recrues, titulaires de diplômes avancés, par les ministères sectoriels et les agences centrales, afin d'acquérir l'expérience en matière de politique. Cependant, ces programmes, par leur conception, ne recrutent qu'un nombre limité de professionnels de haut calibre en matière de politique.
Au cours des cinq dernières années, seulement quelque 180 nouvelles embauches ont intégré la fonction publique grâce à ces deux volets. En comparaison, la catégorie EC – le personnel du groupe économique et des sciences sociales, qui est la catégorie traditionnelle du personnel chargé des politiques ici à Ottawa – est passée d'à peine 12 000 personnes en 2009 à 23 000 en 2023. Même s'il ne s'agit pas d'une mesure parfaite de la capacité politique de la fonction publique, compte tenu du travail effectué par les cadres, le personnel des programmes et d'autres types de fonctionnaires, nous n'avons pas de certitude quant au fait que la planification ou la réflexion stratégique à l'échelle pangouvernementale ait eu une influence sur les modalités d'intégration de cette capacité de la catégorie EC, ou sur la façon dont elle peut être déployée au mieux au sein du gouvernement. Pour tout vous dire, lorsque j'ai entrepris mes recherches, j'ai dû demander des données brutes sur la répartition du personnel EC par ministère et sur son ancienneté au fil du temps, pour ensuite achever l'analyse avec un étudiant diplômé. Le gouvernement ne disposait pas de ces données, alors qu'il devrait; tout comme il devrait avoir des analyses sur les catégories de personnel apparentées et sur une série d'autres questions.
À l'analyse de cette seule catégorie EC, il était clair que de gros changements avaient eu lieu. Ces changements concernaient la croissance globale, mais aussi la répartition du personnel EC au sein du gouvernement, une forte hausse de l'ancienneté dans l'ensemble de la catégorie de personnel EC et un nombre accru de membres du personnel EC effectuant un travail d'élaboration des politiques de type gestionnaire. Quelles sont les incidences de ces changements? Comment le gouvernement gère-t-il ces tendances majeures au sein de son personnel clé chargé des politiques?
De même, les différents ministères ont souvent des initiatives de gestion et de développement des talents. Cependant, ces initiatives sont ad hoc et sont dépendantes des ressources et de l'intérêt des gestionnaires et des dirigeants. Nous ne le savons pas vraiment, car le gouvernement ne dispose pas d'une coordination à l'échelle de l'entreprise et les recherches sont limitées.
Ceci n'est qu'une illustration d'une question plus vaste. La fonction publique doit sérieusement comprendre sa propre capacité politique et adopter une approche plus active de l'intendance pour nourrir et déployer cette capacité.
Passant du niveau individuel à la dimension de capacité organisationnelle, est de regarder à l'initiative de la communauté des politiques. Lancée par le Bureau du Conseil privé en 2017, elle a cherché à rassembler les professionnels des politiques à Ottawa et à développer des ressources pour ceux qui s'identifient comme professionnels des politiques. Moi, j'ai assisté à ces événements dans le passé et je sais qu'ils sont de haute qualité. Cependant, mes recherches ont été claires et critiques; comparée aux références internationales elle est sous-développée.
Bien qu'on mette l'accent sur l'organisation d'une conférence annuelle et la gestion d'un petit groupe fonctionnel de mobilité croisée au sein du gouvernement, ces deux activités ont une ampleur assez limitée. Je veux être clair. À mon avis, leur sous-performance, comparée à celle d'autres pays, est liée à un manque d'ambition dans leur mandat et à un manque d'intendance garantissant que la communauté des politiques dispose de ressources et d'un soutien adéquats.
Les ressources actuelles d'environ 1 million de dollars par an et une douzaine d'équivalents temps plein indiquent que ce sujet n'est pas pris autant au sérieux qu'il le faudrait. Au Royaume-Uni par exemple, les spécialistes des politiques disposent d'un financement d'un peu plus de 3 millions de livres sterling correspondant à 40 membres du personnel. Cet effectif fait bien plus, mais avec les ressources pour le faire.
J'ai été heureux d'apprendre, au cours des nombreuses conversations que j'ai eues à Ottawa, qu'il y a une envie de faire plus. Les signaux sont positifs. Cependant, il reste difficile de savoir si le mandat de la communauté des politiques a une portée et une ampleur suffisantes pour servir de catalyseur à l'échelle du système, si ses liens avec les tables décisionnelles de la haute direction suffisent à fournir l'impulsion nécessaire pour mobiliser les réformes et le renforcement des capacités au niveau des systèmes.
En observant d'autres pays, nous voyons d'autres approches et occasions dont le Canada pourrait s'inspirer. Le Royaume-Uni dispose depuis longtemps d'une unité des spécialistes des politiques, avec des normes et un programme d'apprentissage qui lui sont propres. L'Australie dispose d'un programme de politiques formidablement efficace. Relancé depuis peu et situé au sein du Département du Premier ministre et du Cabinet, il s'appuie sur les initiatives antérieures. Mais c'est sans doute la Nouvelle-Zélande qui a adopté l'approche la plus complète avec son projet en matière de politiques, porté par le Département du Premier ministre et du Cabinet. L'un des principaux résultats de la plupart de ces initiatives est les cadres d'amélioration des politiques qui servent de base à leur travail. Citons par exemple les cadres de compétences en matière de politiques, de qualité des politiques et de capacités politiques en Nouvelle-Zélande ou encore le modèle australien de mise en œuvre d'excellentes politiques et les normes applicables aux spécialistes des politiques au Royaume-Uni.
Voilà ce qui manque aujourd'hui au Canada. Nous ne disposons tout simplement pas d'outils comparables. Je sais que l'École vient de lancer plusieurs ressources d'apprentissage pour les analystes des politiques, tout comme la communauté des politiques vient de dévoiler un cadre des politiques adaptable. C'est un excellent début.
Mais en comparaison, la Nouvelle-Zélande a réalisé le plus grand investissement compte tenu de la taille de sa fonction publique et le nombre relativement plus petit du personnel spécifiquement dédié aux politiques. Alors qu'au Canada il y a un investissement beaucoup plus faible et un champ d'activités plus limité. Par contre, le Canada dispose néanmoins d'une fonction publique comparativement plus grande et d'un plus grand nombre de personnel formellement spécialisé dans les politiques.
Les initiatives néo-zélandaises et britanniques sont par ailleurs soumises à des examens plus réguliers et officiels, qui aident à cerner ce qui fonctionne et les domaines dans lesquels de nouvelles stratégies ou plus d'investissements pourraient s'avérer utiles. Ces pays examinent en continu l'état général de la capacité d'élaboration des politiques au sein de la fonction publique ainsi que les efforts de modernisation des politiques. C'est quelque chose que le Canada ne fait tout simplement pas assez non plus.
Que votre préférence aille à une Commission royale aussi longue que complète sur l'état de la fonction publique, ou à un groupe de travail ou de spécialistes de plus courte durée, le Canada ne fait pas grand-chose dans un cas comme dans l'autre. Comme avec un bon médecin de famille, réaliser des examens de santé réguliers et des bilans médicaux complets aux intervalles appropriés est utile pour repérer les problèmes et faire le point sur sa santé. En effet, le groupe de travail sur la capacité politique dans les années 1990 avait tiré le signal d'alarme qui avait conduit à des initiatives et des réformes majeures en matière de politiques.
Alors, comment y arriver? Comment pouvons-nous favoriser une approche plus robuste de l'intendance pour la pratique en matière de politiques? La bonne nouvelle, c'est que l'intendance constitue déjà une valeur dans la fonction publique canadienne. Au Canada, cette valeur signifie, je cite : « Les fonctionnaires fédéraux se voient confier la responsabilité d'utiliser et de gérer judicieusement les ressources publiques, tant à court qu'à long terme ». En effet, le Code précise en outre les comportements liés, notamment, je cite, les fonctionnaires « veillent à l'utilisation efficace et efficiente des fonds, des biens et des ressources publics […]; tiennent compte des répercussions à court et à long terme de leurs actions sur les personnes et sur l'environnement; acquièrent, conservent et mettent en commun les connaissances et l'information de la façon indiquée ». Ces comportements sont excellents, mais ils ne disent rien sur la nécessité d'une prise en charge proactive de l'institution de la fonction publique ni sur ce qui constitue un renouvellement suffisant de la capacité politique.
Dans la fonction publique néo-zélandaise, l'intendance a une signification différente. Selon le gouvernement, et je cite : « L'intendance nécessite de prendre des mesures actives plutôt que d'adopter une approche réactive ou passive. Les fonctionnaires respectent le principe de l'intendance en contribuant au sein de leurs ministères respectifs aux processus qui garantissent que les personnes, l'information, les processus et les biens de la fonction publique sont élaborés et entretenus de manière appropriée, et que les ministres reçoivent des conseils qui les aident à assurer une bonne intendance. » Il s'agit d'une approche plus globale qui détermine la nécessité de se comporter de façon proactive et d'alimenter la capacité de la fonction publique à soutenir les ministres et le Cabinet et, en fin de compte, à servir les citoyennes et les citoyens.
Le grand défi pour le Canada est le manque d'un centre clairement responsable et doté de ressources suffisantes pour conduire et gérer le renouvellement des politiques et le renforcement des capacités afin de promouvoir une approche de l'intendance. Il existe actuellement un comité au niveau des sous-ministres, le Conseil de gestion et de renouvellement, présidé par le greffier, dont le mandat est de faire progresser le programme de gestion et le renouvellement de la fonction publique. Il existe un Comité consultatif sur la gestion de la fonction publique du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, dont le mandat est de fournir un forum de consultation, de collaboration et de discussion sur les enjeux de gestion de la fonction publique.
Il s'agit là d'instances utiles de discussion de ces enjeux pour la haute direction, mais elles se réunissent de manière irrégulière et n'ont favorisé ni un renforcement cohérent ou ambitieux de la capacité politique ni une expérience de modernisation des politiques pour la fonction publique. Le greffier du Conseil privé du Canada – je parle de l'institution, et non de la personne occupant ce poste – croule littéralement sous la demande. Il est tout à la fois secrétaire du Cabinet, sous-ministre auprès du premier ministre, mais aussi le chef de la fonction publique en vertu de la loi. Cela ne devrait surprendre personne que, la plupart du temps, les deux premiers rôles éclipsent le troisième.
Soutenir un gouvernement dans la gestion quotidienne de la fonction publique ne laisse clairement que peu de place à la réflexion et au positionnement à long terme qui permettraient de renforcer la capacité politique et de garantir que les pratiques en matière de politiques sont adaptées à leurs objectifs. En effet, dans d'autres pays fondés sur le système de Westminster, la fonction de chef de la fonction publique, en charge du renouvellement, est souvent assurée par une institution distincte. Elle incombe à un ou une commissaire à la fonction publique ou à une commission de la fonction publique, ou bien elle est clairement dirigée par un deuxième haut fonctionnaire ou haute fonctionnaire travaillant au sein du gouvernement.
Le Canada a un besoin évident de réforme. Ma première recommandation est donc de créer un poste de sous-greffier autonome ainsi qu'une unité de modernisation au sein du Bureau du Conseil privé. Cette dernière devrait conduire et coordonner la réforme de la fonction publique, notamment le renforcement de la capacité politique et la modernisation. Sur le plan organisationnel, le modèle actuel combine les nominations de membres de la haute direction et le renouvellement de la fonction publique sous l'égide du Bureau du Conseil privé. Je soutiens que cela nuit au programme de renouvellement de la fonction publique au Canada, qui est pourtant crucial. Un sous-greffier ou une sous-greffière et une unité de modernisation des politiques devraient avoir un mandat clair pour diriger les travaux de renouvellement, lesquels devraient comprendre la surveillance et l'habilitation de l'initiative de la communauté des politiques.
Originellement lancée à partir du Conseil privé, la communauté des politiques est depuis passée par plusieurs ministères, mais elle reste placée sous la responsabilité du greffier. À mon avis, pour qu'elle soit efficace, elle a besoin d'une vision à l'échelle de l'entreprise et d'un soutien institutionnel plus fort de la part des différents comités centraux et de la haute direction. Cela vient du fait que nous sommes au Bureau du Conseil privé, et avec le soutien d'une nouvelle sous-greffière ou d'un nouveau sous-greffier dédié au renouvellement de la fonction publique.
Je comprends les avantages qu'il y a à faire tourner l'initiative de la communauté des politiques entre différents ministères. On pourrait conserver ces avantages en faisant une rotation des champions et championnes des sous-ministres ou des sous-ministres adjoints ou adjointes des ministères. Cependant, parce qu'il est le gardien des processus décisionnels du Cabinet, notamment des mémoires au Cabinet, et compte tenu de son horizon pangouvernemental et de son pouvoir sur l'appareil gouvernemental, il est plus logique que ce soit du Bureau du Conseil privé que relève la communauté des politiques, d'autant qu'elle doit être liée aux efforts plus vastes de modernisation et de réforme au sein du gouvernement.
En effet, la plupart des initiatives similaires dans d'autres juridictions sont encore gérées par le Centre du gouvernement ou fortement soutenues par celui-ci. Le nouveau rôle du sous-secrétaire du Bureau du Conseil privé et la communauté des politiques devraient faire l'objet de revues formelles régulières, non seulement pour s'assurer qu'ils atteignent leur mandat, mais aussi pour identifier les opportunités pour les renforcer et les soutenir davantage. Ceci est lié à ma deuxième recommandation clé.
Comme nous l'avons déjà mentionné, les examens réguliers et sérieux de la capacité politique sont une pratique courante dans d'autres pays. À l'heure actuelle, il n'existe aucune base de référence pour la fonction publique, et très peu de données, pour comprendre véritablement qui fait partie de la communauté des politiques du Canada; où; se trouve la capacité et où; elle manque; et comment cibler au mieux les efforts de modernisation. L'unité de réforme et la nouvelle sous-greffière ou le nouveau sous-greffier que je propose devraient avoir pour mandat de coordonner des examens réguliers de la capacité politique. Ces examens devraient être organisés par la communauté des politiques, mais également par le Comité sur la réforme de la gestion du Secrétariat du Conseil du Trésor. Il s'agit d'un autre comité de gestion qui pourrait jouer un rôle plus actif dans la modernisation des politiques et des capacités. Le Secrétariat du Conseil du Trésor soutient l'employeur officiel au sein du gouvernement du Canada et est en outre propriétaire des principaux ensembles internes de politiques pangouvernementales qui ont des conséquences sur les modalités de réalisation du travail d'élaboration des politiques.
Personne ne veut effectuer des examens pour le plaisir, et ce n'est certainement pas ce que je préconise. Ces bilans devraient être fondés sur des données et des éléments probants, et constituer des occasions conçues clairement pour améliorer la conscience de là où; se trouvent les capacités politiques et les lacunes qui persistent. Ils devraient jouer un rôle de catalyseur pour harmoniser activement les règles avec les politiques internes afin d'institutionnaliser les pratiques modernes d'élaboration des politiques.
Il est également nécessaire de mieux maîtriser les programmes internes de gestion et de perfectionnement des talents. Le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait, en collaboration avec le Bureau du Conseil privé et l'initiative de la communauté des politiques, étudier et travailler sur l'élaboration d'une initiative pangouvernementale de gestion des talents et d'élaboration des politiques. Quels sont les ensembles de politiques internes applicables? Comment fonctionnent les différentes initiatives ministérielles existantes? Où; peut-on explorer la cohérence et la mise à l'échelle?
Cette démarche pourrait, bien sûr, utiliser l'un des nombreux modèles existants, mais le point ci-dessus sur le volume de personnel EC, par rapport aux recrues issues du programme de Recrutement de leaders en politiques et du programme PAAP, suggère un besoin puissant de travailler sur la gestion et le perfectionnement des talents déjà présents dans le système, de manière coordonnée dans l'ensemble de la fonction publique. Ceci est particulièrement important, au vu de la mobilité accrue du personnel chargé des politiques entre les ministères, et parce que les types de postes occupés par ce personnel sont apparemment plus élevés dans la hiérarchie dans la catégorie EC.
Ma quatrième recommandation nous ramène à l'établissement de rapports et au greffier. L'article 126 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique dispose en une phrase que le greffier est le chef de la fonction publique. L'article suivant exige qu'il présente au premier ministre un rapport annuel qui est déposé devant les deux chambres du Parlement.
Les rapports ont pris de nombreuses formes et formats. Ils sont utilisés de manière assez efficace pour communiquer le travail formidable accompli par la fonction publique. Ceci est important, mais il existe des opportunités claires pour que ce rapport mette également en lumière les domaines qui nécessitent plus d'attention. Un rapport similaire de la Commission de la fonction publique australienne, qui détient cette obligation statutaire en Australie, comptait environ 220 pages en 2023.
Il existe clairement un couloir pour rendre plus ambitieux le rapport du greffier. Dans un monde idéal, on modifierait la loi que je viens de citer pour préciser clairement les attentes et les obligations du chef de la fonction publique du Canada afin d'imposer par voie législative un rôle d'intendance. Par ailleurs, je soutiens d'autres personnes qui réclament que la présentation devant le Parlement des rapports sur la fonction publique soit plus active par le truchement du greffier ou de la personne qu'il aura désignée à cet effet. Le moment est venu pour que nous ayons aussi cette conversation, sur le rôle du Parlement de garant d'une fonction publique efficace et dotée de ressources suffisantes.
Ma dernière recommandation nous ramène à la politique en tant que pratique. Avec l'initiative de la communauté des politiques et ma proposition de nomination d'un nouveau greffier adjoint au Bureau du Conseil privé, la fonction publique devrait élaborer des manuels et des pratiques d'élaboration des politiques à la fois clairs et étayés par une bonne communication. Ces manuels et pratiques sont monnaie courante dans d'autres pays et constituent des outils importants pour aider à définir les attentes et guider les fonctionnaires vers la modernisation des pratiques en matière de politiques.
Les échecs du processus politique traditionnel en cascade sont largement reconnus. Il s'agit d'un processus long et fastidieux au cours duquel les politiques sont élaborées sans lien avec les contextes opérationnels, les données et les expériences. On observe une progression de la mise à l'essai et de l'apprentissage c.-à-d. l'émergence d'approches plus itératives dans d'autres pays, mais aussi dans certaines poches de la fonction publique canadienne.
Les recherches que je présente dans mon nouveau livre sur la modernisation des politiques et le gouvernement numérique révèlent, au fil des entretiens menés avec des responsables de ces gouvernements appliquant le modèle de Westminster, que le Canada a énormément de retard dans l'adoption de ces approches par la mise à l'essai et l'apprentissage. Les tentatives visant à institutionnaliser ces pratiques, par exemple au moyen des normes numériques, se font sur la base du volontariat, elles ne sont pas obligatoires. « Ce serait bien de le faire », et non « c'est comme ça que ça doit fonctionner ». Mes propositions de centre de réforme au sein du Bureau du Conseil privé et d'une greffière adjointe ou greffier adjoint travaillant avec la communauté des politiques et le Comité sur la réforme de la gestion du Secrétariat du Conseil du Trésor nous mettraient toutes les cartes en main pour nous attaquer à ce problème. Les spécialistes des politiques au Royaume-Uni et le projet en matière de politiques en Nouvelle-Zélande ont élaboré des instruments comparables. Sont-ils parfaits? Non. Cependant, les graines de la modernisation des politiques ont été semées et les approches adoptées en matière d'intendance garantissent qu'elles sont entretenues.
Toutefois, pour que cela se concrétise, il faut que la communauté des politiques – habilitée par une greffière adjointe ou un greffier adjoint du Bureau du Conseil privé dirigeant un centre de réforme – examine de très près les processus politiques aux niveaux ministériel et pangouvernemental. Les notes d'information, les processus d'élaboration de politiques et la relation entre les mémoires au Cabinet, les présentations au Conseil du Trésor, le budget, on peut examiner et moderniser tout cela. Cela devrait passer par un travail de collaboration avec les ministères et les unités de la fonction publique, ainsi qu'avec les organismes centraux. C'est ainsi que nous garantirons l'application des pratiques exemplaires qui sont essentielles à la production de politiques à la fois efficaces sur le terrain et qui répondent à leurs intentions politiques. L'élaboration de politiques fondée sur les données et éclairée d'un point de vue opérationnel grâce à l'utilisation d'une approche par la mise à l'essai et l'apprentissage devient alors la norme, et non plus quelque chose qu'il « serait bien de faire ». L'intégration de l'Analyse comparative entre les sexes plus et l'adoption de la perspective des changements climatiques sont des exemples que ce type de changement est faisable et peut conduire à une élaboration de politiques plus solide.
Sans vouloir être trop alarmiste, ou trop optimiste, je pense qu'il existe des options pratiques pour évoluer vers une approche de l'intendance plus robuste au Canada. Pour finir, je voudrais ouvrir sur quelques thèmes. Le premier thème, et sans doute le thème principal, est l'importance des institutions. La fonction publique canadienne doit intégrer la modernisation et la capacité politique au sein de ses institutions, notamment dans la direction centrale de la fonction publique, mais il faut aussi l'encourager dans les ministères.
Le Canada a une bonne fondation et dispose d'excellents programmes de recrutement, d'une initiative de communauté de politiques et je pense qu'il y a une bonne volonté au sein du système pour la réforme. Cependant, une plus grande cohérence systématique est nécessaire pour coordonner et intégrer les différentes initiatives de réforme et d'amélioration des politiques.
Les réformes que je suggère ici sont d'ordre pratique et s'appuient sur une approche pangouvernementale, tout en faisant le lien entre la modernisation de la capacité politique et des pratiques en matière de politiques d'une part, et les principales instances décisionnelles et structures de responsabilisation d'autre part. Il est indispensable de réformer les principaux processus et pratiques d'élaboration des politiques, non seulement pour garantir la mise en place de styles de politiques informés sur le plan opérationnel, riches en données, centrés sur l'utilisatrice et l'utilisateur et axés sur la mise à l'essai et l'apprentissage, mais également pour s'assurer que la fonction publique aura la capacité de les mettre en œuvre.
Malgré toute cette incertitude et les défis du monde d'aujourd'hui, la fonction publique demeure une institution cruciale. Il est temps d'adopter un modèle d'intendance plus robuste pour garantir que la fonction publique du Canada reste adaptée à ses objectifs.
Thank you, merci.
[00:35:58 Image of the Provincial and Territorial flags. Text on screen: Discussion.]
[00:36:04 Taki Sarantakis and Jonathan Craft sit together in conversation. Text on screen: Taki Sarantakis, President, Canada School of Public Service. / Taki Sarantakis, Président, École de la fonction publique du Canada.]
Taki Sarantakis : Jonathan, merci d'avoir donné la conférence de 2024. Maintenant, en tant que chercheur invité, vous êtes en quelque sorte un zoologiste. Vous arrivez quelque part, vous marchez parmi nous, vous observez, puis vous établissez un rapport. Je vais vous confier un petit secret. La plus grande angoisse à Ottawa en ce moment, ce ne sont pas les politiques, mais la mise en œuvre.
Lorsque je suis arrivé au gouvernement il y a 27 ans, c'étaient effectivement les politiques qui généraient le plus d'angoisse. C'était, comme vous l'avez mentionné, l'un des sujets de discussion. Après l'examen des programmes, c'est Madame Bourgon – qui était greffière à l'époque et sous les auspices de laquelle vous avez donné votre conférence – qui craignait vraiment que l'examen des programmes ait éliminé une grande partie de la capacité politique du gouvernement du Canada.
Nous parlons des politiques, et puisque vous êtes professeur, je voudrais juste commencer par une définition. Qu'est-ce qu'une politique? Parce qu'il y a beaucoup de gens à Ottawa qui travaillent dans le domaine des politiques. Mais si vous leur demandez de définir les politiques, je ne sais pas quelle sera leur réponse.
[00:37:09 Taki Sarantakis et Jonathan Craft sont assis et discutent. Texte à l'écran : Jonathan Craft, Associate Professor, Department of Political Science, University of Toronto / Jonathan Craft, Professeur adjoint, Départment de science politique, Université de Toronto.]
Jonathan Craft, Ph. D. : Tout d'abord, merci de m'avoir invité à donner cette conférence. Je pense que j'ai un abonnement saisonnier pour le zoo parce qu'en tant que chercheur sur l'administration publique canadienne, je suis tout le temps à Ottawa.
Et en tant que spécialiste et passionné des politiques publiques, je discute en permanence avec des fonctionnaires. J'aurais tendance à rejeter l'hypothèse selon laquelle les politiques et leur mise en œuvre seraient deux choses différentes. C'est en fait l'un des points que j'ai essayé de faire passer dans ma conférence, à la fin, sur la nécessité de combler cet écart qui est faux entre la livraison et la mise en œuvre en tant qu'activités distinctes et déconnectées de la façon dont vous élaborez des politiques.
Certaines personnes conçoivent une politique comme un exercice dans lequel vous déterminez des options que vous présentez ensuite aux décisionnaires qui décideront quoi faire. Et puis, on balance la décision aux fonctionnaires qui devront alors la mettre en œuvre sur le terrain. Je ne crois pas que cela se soit jamais vraiment passé ainsi. Je dirais que c'est là une conception un peu fausse.
Et donc, je pense que le grand défi réside vraiment dans votre capacité à envisager la politique comme un spectre qui va des activités d'établissement et de formulation des priorités consistant à déterminer les options et leur faisabilité et à faire correspondre les instruments avec les objectifs politiques jusqu'à, eh bien, comment fait-on cela concrètement? Si vous ne discutez pas de la manière de mettre en œuvre quelque chose, votre politique ne sera jamais une réussite. Je pense que les gouvernements sont vraiment aux prises avec ce défi pour y parvenir.
Pour répondre à votre question, qui était très précise, je commence toujours mes cours sur les politiques par une diapositive qui contient quatre ou cinq définitions différentes de ce qu'est une politique. Mais je crois que la définition la plus simple et la plus facile à retenir est que les politiques sont tout ce qu'un gouvernement choisit de faire ou de ne pas faire. C'est une définition célèbre formulée dans les années 1970. Mais je pense qu'aujourd'hui la nature des politiques est plus compliquée que cela, et qu'il existe un très grand nombre de parties prenantes et de réalités différentes.
Les politiques ne se réduisent pas à la seule élaboration d'options. Elles regroupent un spectre complet d'activités : essayer de décider ce que nous allons faire face aux problèmes publics, et déterminer ce qui pose problème, comment définir et structurer ces problèmes, et toutes les étapes jusqu'à garantir que les gens obtiennent leur passeport, que les chèques de la Sécurité de la vieillesse sont supprimés ou que les Canadiens et les Canadiennes accèdent à tous les programmes et services. Les équipes de recherche en politiques sont à mon sens en partie responsables pour avoir tenté de présenter quelque chose de plus simple. Une heuristique qui nous permet de déconstruire cette complexité.
Je pense toutefois que les gouvernements du monde entier reconnaissent que nous devons resserrer cela, les cycles de rétroaction et la durée entre la mise en œuvre et la formulation, car tout cela fait partie des politiques.
Taki Sarantakis : Je pense que, aux yeux d'une personne lambda, une politique et sa mise en œuvre sont une seule et même chose, car il est vraiment inutile de proposer des idées, des schémas ou des perspectives et de les présenter aux instances de décision si l'on ne parvient pas à les mettre en œuvre.
Mais ce n'est pas le cas. Je ne pense pas que ce soit le cas dans une grande partie du monde occidental. Prenons par exemple Jennifer Pahlka et son merveilleux livre, [Re]coding America ([re]coder l'Amérique, non traduit), que vous connaissez bien, j'en suis sûr. Sa thèse fondamentale est qu'une grande partie des problèmes du gouvernement aujourd'hui réside dans le fossé entre les politiques et leur mise en œuvre.
Pour en revenir à notre métaphore du zoo, il y a un groupe d'animaux dans une partie du zoo qui sont de grands penseurs. Ils lisent Platon, Aristote et des revues scientifiques, et ils forgent de grandes idées. Et puis, il y a une autre partie du zoo où;, à un moment donné, lorsque les gens ont terminé leurs activités cérébrales, ils disent, d'accord, c'est à vous les gars, maintenant vous mettez en œuvre ce qu'il y a dans nos gros cerveaux.
C'est même presque une analogie avec ce qui se passe dans une université. Il y a plusieurs disciplines, même s'il y a un seul problème. Les universités sont fractionnées entre différentes disciplines, différents problèmes, différents substrats.
C'est comme ça dans la fonction publique fédérale. Nous avons une unité des politiques et une unité de la mise en œuvre, ou une unité de programmes. Parfois, elles sont au même étage, dans le même immeuble. Elles se parlent autant qu'on pourrait le penser.
Jonathan Craft, Ph. D. : Oui. Je trouve le livre de Jennifer excellent, mais quand je le lis, je me dis que, depuis les années 1970, on écrit sur l'écart entre la mise en œuvre et la formulation, ou sur le lien entre ce qu'il faut faire face aux problèmes et comment on s'y prend dans la réalité pour mettre en œuvre et livrer, comme on dit aujourd'hui. Je pense donc que ce problème n'est pas nécessairement nouveau.
Prenons l'exemple du passage de frontière. Il y a une politique sur la façon dont le passage de frontière fonctionne. Vous préparez vos documents, mais lorsque vous arrivez à la frontière, vous savez qu'on vous posera des questions. Les agents et agentes disposent d'un grand pouvoir discrétionnaire pour décider ou non de vous prendre à part pour effectuer une recherche plus approfondie, ou sur le genre de questions à vous poser ou à quoi ressemble ce processus.
En réalité, il y a une perception erronée selon laquelle une politique est simplement : nous allons faire X. Souvent, X est très large et très général. C'est au personnel des programmes et des unités opérationnelles de lui donner vie, de comprendre ce que signifie X et comment on peut réellement fournir ces services. Comment dans la réalité fait-on passer une personne à notre poste frontière? Ici encore, je pense que nous avons affaire à des façons de penser les politiques qui doivent changer. Jennifer souligne, comme d'autres et à juste titre, le rôle du numérique, des données et des autres moyens qui peuvent nous aider à mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain.
Mais revenons à notre métaphore du zoo, que j'aime beaucoup. Il est désormais reconnu que nous devons évoluer vers des équipes multidisciplinaires et interdisciplinaires dans lesquelles soit votre personne chargée des politiques et vos opérations, votre activité, vos programmes, peu importe le terme que vous utilisez, travaillent dans la même équipe, soit il existe des processus visant à tenter de créer plus de liens et plus de tissus conjonctifs à mesure qu'on élabore une politique. Et tout ceci s'appuie sur les réalités opérationnelles.
Au sein du gouvernement, il y a, je pense, des gens très différents qui essaient de faire cela. Mais il y a d'énormes défis à relever du côté des ressources humaines pour, comme on dit à Ottawa, avoir les bonnes boîtes avec les bonnes personnes dans les bonnes équipes. D'excellentes initiatives sont en cours pour créer ce type d'équipes modernes.
Mais je pense également qu'il y a un gros de travail de réforme qui peut être fait pour garantir que votre SMA des politiques et votre SMA des opérations travaillent de manière coordonnée, et assurent ainsi que le personnel est conscient des problèmes. Parce que, bien souvent, je pense que les gens qui travaillent dans le monde de la politique avec un grand P sont critiqués par ceux et celles qui, sur le terrain, s'occupent de la mise en œuvre et de la livraison. On leur dit : vous n'y connaissez rien, ou vous ne réalisez pas que lorsque vous le faites avec les langues officielles ou l'accessibilité, cela crée telle dynamique.
Et les piques sont aussi lancées dans l'autre sens. Parfois, le personnel opérationnel qui travaille dans un centre d'emploi pour étudiants et étudiantes ou dans un bureau des passeports ne se rend pas compte que telle politique existe parce qu'elle doit assurer une coordination entre les passeports diplomatiques et les passeports des enfants, avec des exigences en matière de photos, ou cinq ans contre dix ans. Il y a toutes ces politiques qui existent. Et donc, au niveau des politiques, il y a un besoin de coordination. Ensuite, sous la surface, il y a un besoin de coordination horizontale et verticale.
Et je crois que c'est là que le gouvernement est complexe et difficile. C'est le système dont nous disposons, et il peut s'avérer frustrant pour les Canadiens et Canadiennes, pour les ministres comme pour les fonctionnaires. Dès lors, il est tout simplement crucial que nous examinions les processus existants pour essayer d'en cerner les lacunes afin d'avoir la possibilité de les combler ou de faire les choses autrement, afin que cette politique soit considérée comme un spectre, et que ce zoo soit en bonne santé et capable de faire de son mieux.
Taki Sarantakis : Cette angoisse n'est pas nécessairement propre au Canada. On la retrouve dans de nombreux pays du monde. Vous avez mentionné le système de Westminster, nos cousins du Commonwealth, mais on retrouve ces questions partout dans le monde. Il y a des situations où; des personnes démocratiques légitimement élues proposent quelque chose. Il peut s'agir d'une politique, d'une idée ou d'une plateforme, et puis elles disent : maintenant il faut la mettre en œuvre. Et il y a des faux pas sur le chemin. L'exemple le plus célèbre de cela est probablement l'analogie faite par Tony Blair, au Royaume-Uni, qui expliquait que les responsables politiques actionnaient un levier, mais ce levier n'était attaché à rien.
Vous avez touché à quelque chose de vraiment important : une politique et sa mise en œuvre, le simple fait de les considérer comme des entités distinctes est déjà une erreur. Les séparer c'est commettre une erreur conceptuelle. Est-ce qu'en disant cela je représente correctement ce que vous appelez une politique?
Jonathan Craft, Ph. D. : Oui, j'ai publié un article sur ce que j'appelle la conception de politiques basse fidélité. En substance, on ne peut plus proposer une politique avec un grand P qui soit parfaite, étudiée et pensée sous tous les angles, avec son analyse de rentabilisation et ses exigences pendant trois ans, sans avoir rien construit, rien livré, rien mis à l'essai, pour ensuite la mettre en œuvre et se rendre compte que cela ne fonctionne pas. Vous devez adopter une approche où; les cycles d'élaboration des politiques, de mise en œuvre et de mise à l'essai sont beaucoup plus courts. C'est cette approche par la mise à l'essai et l'apprentissage que, je pense, les gouvernements du monde entier privilégient, car ils sont tous aux prises avec le même problème. Je pense que vous avez raison de le souligner. Le Canada n'est pas une exception en la matière.
Ce qui est à l'œuvre ici, ce ne sont pas seulement les responsables politiques en quête de leviers, mais bien le rythme de l'élaboration des politiques, qui fait qu'il faut apporter des réponses à une COVID, à une catastrophe naturelle, à des changements climatiques ou à tel ou tel problème lié au coût de la vie. Quel que soit le problème du jour, on veut y répondre rapidement. Mais, bien souvent, ce n'est pas possible. On peut réaliser des gains d'efficacité dans le système, mais je pense qu'il est tout aussi important d'avoir une conversation très sobre sur les compromis. Nous ne voulons pas de politiques faites dans la précipitation parce que nous voulons réfléchir aux nombreux facteurs à prendre en considération. Nous voulons réfléchir aux conséquences.
Il y a alors une danse délicate à exécuter entre essayer d'être réactif pour permettre aux Canadiennes et Canadiens de voir que les gouvernements et les services publics sont là quand ils en ont besoin, d'une part, et pour apporter des réponses à nos défis politiques les plus urgents, d'autre part, et ce tout en veillant à ce que la fonction publique ait le temps, la capacité et les ressources pour mettre à profit l'analyse de ses spécialistes, aller chercher des preuves et des points de vue auprès d'autres communautés/groupes et effectuer, autant que possible, des tests de résistance des politiques qu'elle s'apprête à mettre en place, de sorte que cette mise en place fonctionne. Parce que, selon moi, si l'on veut réagir rapidement, il faut aussi que ça marche. Il ne suffit pas d'être rapide. Il faut être rapide et efficace.
Encore une fois, je pense que c'est la raison pour laquelle il est si difficile d'être dans la fonction publique, parce que le jeu est compliqué et les enjeux sont élevés. Au Canada comme ailleurs nous comptons sur la fonction publique pour y parvenir. La fonction publique effectue un excellent travail, mais le contexte dans lequel elle met actuellement en œuvre ses politiques regorge de données. Tout est compliqué et interconnecté. La fonction publique dispose de processus, d'institutions et d'une culture qui sont bien en place et qui servent bien la population canadienne. Mais cela exerce aussi une certaine pression sur la capacité du gouvernement à réagir, en trouvant le juste équilibre pour agir de façon rapide, mais efficace.
Taki Sarantakis : Nous allons maintenant adopter un point de vue extérieur à la fonction publique. C'est, je crois, dans les années 1990 que nous avons vraiment commencé à voir émerger les plateformes. Je pense que la première a dû être le « Contrat avec l'Amérique » de Newt Gingrich. Il s'agissait de dire : voici ce que nous allons faire, puis d'énumérer toute une série de mesures. Il y a aussi eu Mike Harris, avec la « Révolution du bon sens ». Le document disait : si nous remportons les élections, nous ferons ceci, ceci, ceci et cela. Et puis, toujours dans les années 1990, il y a eu le livre rouge à l'échelle fédérale.
Je pense que toutes ces choses sont des politiques. Elles sont le gouvernement avant le gouvernement. Le côté partisan ou politique dit : si vous m'élisez, voilà ce que je ferai. Je ferai ceci pour ce qui est de la taxe sur les produits et services. Je ferai ceci pour tel accord de libre-échange. Je ferai cela pour les loyers, pour le logement, etc. Il me semble que cette façon de faire a fondamentalement changé la donne.
Je m'explique. Je pense que la fonction publique est de moins en moins considérée comme la source d'inspiration pour l'élaboration des idées, mais est de plus en plus confrontée à des comportements de type : je me fiche de ce que vous pensez des idées, j'ai été élu sur ces idées. Veuillez les mettre à exécution. Quelles sont vos réflexions à ce sujet?
Jonathan Craft, Ph. D. : C'est une question très intéressante. Je voudrais souligner plusieurs points à ce sujet. Je suis convaincu qu'il est sain et utile que les partis et les personnes qui cherchent à se faire élire avancent des idées dans l'arène démocratique. Je pense que c'est important. En fait, je suis pour que les partis soient à même de le faire de manière plus sophistiquée. En proposant ces idées, les plateformes d'établissement des coûts aident le discours et le dialogue démocratiques pendant les campagnes électorales. Je ne doute pas que les fonctionnaires qui regardent les élections et voient ces idées de politiques préparent des classeurs de transition et commencent à réfléchir à ce à quoi cela ressemblera, en matière de politiques et d'administration au sein du gouvernement.
Le défi que vous évoquez est le suivant : considérons-nous encore notre fonction publique comme un lieu qui fournit des idées de politiques, ou est-ce qu'elle n'est plus qu'un outil de livraison ou une unité de mise en œuvre? J'aurais tendance à répondre que c'est un mélange des deux. Pour en revenir à notre système de gouvernance de type Westminster, certains gouvernements veulent pouvoir se tourner vers la fonction publique en quête d'idées. Personne ne parlait de cette question pendant les élections, mais maintenant, tout d'un coup, tout le monde parle d'abordabilité. Quels sont nos problèmes, ou nos options?
On peut utiliser la fonction publique pour l'un ou pour l'autre, mais je pense que c'est mieux si on l'utilise pour les deux. Mais elle doit être réactive, être capable de se tourner vers le gouvernement en place pour lui demander de quoi il a besoin pour gouverner efficacement et comment elle peut présenter ses réflexions. Même si je n'aime pas l'idée du gouvernement, quels renseignements et conseils dois-je lui donner pour m'assurer qu'il réfléchira à tous les aspects du problème et qu'il appréhendera les conséquences de ses préférences politiques et de son régime de mise en œuvre?
J'ajouterais un seul autre point : je pense que l'évolution vers plus de mise en œuvre dans la fonction publique est utile parce que les fonctionnaires savent aussi comment faire les choses. Parfois, bien sûr, les gouvernements font des annonces et prennent des engagements pendant la campagne, pour se rendre compte seulement ensuite que c'est beaucoup plus difficile à faire et à mettre en œuvre. La fonction publique doit donc jouer ce rôle.
Mais, essentiellement, mon point de vue, pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, c'est que la fonction publique a l'obligation de veiller à avoir la capacité de fournir des idées, comme vous le dites, ou des options de politiques, des conceptions de politiques lorsque le gouvernement en cherche, ou la capacité de mettre en œuvre les préférences du gouvernement, quelles qu'elles soient. Elle doit être en mesure de mener à bien cet ensemble d'activités sur les deux fronts. Elle doit donc avoir la capacité de répondre aux préférences stylistiques les plus variées des membres du gouvernement.
Taki Sarantakis : C'est le deuxième mot dont j'allais vous parler. La capacité. Parce que la capacité peut désigner le volume, le flux, ou encore la sophistication. Qu'entendez-vous par capacité?
Jonathan Craft, Ph. D. : C'est l'objet d'un débat en cours dans la littérature en matière de politiques. La définition que j'ai donnée dans mon exposé se rapportait surtout aux aptitudes et aux compétences des gouvernements : pouvoir faire avancer des idées de politiques et des conceptions politiques, les concrétiser et les mettre en œuvre.
Je pense que le débat sur la capacité dans la littérature universitaire s'est vraiment élargi, tout comme les politiques l'ont fait. Les parallèles entre notre discussion sur ce qu'est une politique et celle sur ce qu'est une capacité sont très nombreux. Cela reflète le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'avoir quelqu'un à Statistique Canada, ou d'avoir une personne compétente, qui a beaucoup de données ou qui possède une grande capacité analytique. Vous avez aussi besoin d'avoir, au sein de votre organisation, la capacité d'associer/de combiner tout cela avec le travail d'élaboration des politiques, qui s'effectue avec les points de vue des parties prenantes, etc.
Je pense donc que, en général et d'un point de vue universitaire, on envisage la notion de capacité comme la capacité d'exécution. Et puis, il y a les exigences qui existent au niveau de chaque membre du personnel dont vous disposez, de l'organisation et ensuite les préoccupations systémiques plus vastes autour du gouvernement du Canada, qui s'inscrivent dans un système plus large de relations internationales et dans le contexte actuel et dans notre système parlementaire de Westminster.
Toutes ces caractéristiques sont pertinentes dans notre façon de penser la capacité. Mais en fin de compte, cela ressemble beaucoup à la notion d'éléphant : vous le savez quand vous le voyez. C'est difficile à décrire. Mais je pense qu'au fond, c'est la capacité du gouvernement à réellement faire les choses. Il est intéressant de noter que, désormais, les conversations sur la capacité englobent souvent aussi des personnes extérieures au gouvernement : votre communauté de réflexion, vos spécialistes-conseils, les organismes internationaux. Dans quelle mesure est-ce que les différentes parties et les diverses institutions sont capables de fournir ce qui est nécessaire pour creuser les idées et les problèmes politiques et les transformer en programmes et services concrets, puis de les exécuter et de les fournir à la population cible en fin de compte?
Taki Sarantakis : Je vais essayer de résumer votre exposé avec un seul mot. Je vais vous dire ce mot, et j'aimerais que vous y réagissiez. Ce mot serait tout simplement professionnalisation. De ce que je comprends, c'est comme si la fonction politique au sein du gouvernement fédéral n'était pas aussi professionnalisée qu'elle pourrait ou devrait l'être.
Vous avez noté plusieurs choses, certaines m'avaient déjà marqué en 1997, lorsque j'ai commencé dans le monde des politiques. Dans le gouvernement, il n'y a pas de catégorie d'emploi appelée « politique ». Il y a des titres de poste, comme analyste des politiques, mais il n'y a pas de catégorie d'emploi. La plupart d'entre nous, moi compris, se retrouvent dans la catégorie des « économistes ». Et comme nous le savons, les économistes ont une seule vision du monde. D'une manière générale, c'est une vision disciplinaire. Pourtant, selon moi, un bon analyste des politiques est quelqu'un de plus multidisciplinaire. Que ce soit de l'anthropologie, de la sociologie, de la psychologie, de la psychologie comportementale, de l'économie, etc.
C'est la première chose. Deuxièmement, vous avez dit quelque chose qui, je pense, ferait horreur à nombreuses personnes à Ottawa, à savoir que nous devrions en fait faire des essais pour voir – je vous ai presque entendu dire que nous devrions auditer notre capacité politique. Vous ai-je bien compris?
Jonathan Craft, Ph. D. : Oui. Le mot que j'utiliserais moi serait intendance. Le fait est que l'élaboration des politiques est une chose compliquée. Cela a toujours été compliqué. Pour reprendre votre exemple de ces personnes qu'on met dans la catégorie des économistes, auparavant l'analyse des politiques concernait les coûts-avantages, l'économétrie, ce type de compétences. Mais aujourd'hui, les politiques englobent aussi les consultations, les négociations et tout un éventail d'activités différentes qui font partie de ce qu'on pourrait appeler la version moderne du travail d'élaboration des politiques.
C'est pour cela que je choisis ce mot d'intendance. Dans mon exposé, j'ai mis l'accent sur l'intendance, parce que notre seule possibilité de garder une prise sur cette bête en évolution rapide que sont les politiques est d'accroître notre introspection, notre réflexion. Je ne recommanderai jamais l'emploi du mot auditer, car je pense qu'il risque d'attirer les mauvais types de personnes. Je ne pense pas que ce soit un exercice de comptabilité, qu'il s'agisse de cocher des cases : vous avez ceci, vous n'avez pas cela.
Il existe bien des manières pour mieux appréhender où; se trouve la capacité de l'organisation à proposer des idées, à les concevoir et à les mettre en œuvre. Dans quels domaines est-elle plus forte? Dans quels domaines est-elle plus faible? Que devons-nous faire pour résoudre ce genre de problèmes et le faire de manière continue? Je m'explique. En relisant ce magnifique rapport des années 1990 sur la capacité politique, c'est toujours un excellent travail, et il résonne encore aujourd'hui. Mais alors, pourquoi avoir attendu 30 ans pour faire cet exercice? Il s'est passé tellement de choses depuis. C'était avant Internet. C'était avant beaucoup de choses.
Faire ce genre d'examens ou de bilans, peu importe comment vous voulez l'appeler, c'est comme aller chez le médecin. La capacité de la fonction publique est-elle saine? Où; faut-il investir? Surtout, je pense que les gouvernements ont des préférences variables dans leur façon d'utiliser la fonction publique. Pourtant tous les gouvernements élus veulent qu'elle soit efficace et qu'elle fasse tout ce qu'ils veulent.
La fonction publique a donc la responsabilité, en tant qu'intendante, de s'assurer qu'elle est prête et en capacité de répondre aux différentes demandes des différents gouvernements. Je réfléchis beaucoup à l'intendance parce que je pense qu'on peut se former, acquérir de nouvelles compétences et aptitudes et les perfectionner; or, qui sait ce qui nous attend dans cinq ans? Mais si nous avons un leadership dans la fonction publique, aux échelons supérieurs, mais aussi dans les ministères chez les gestionnaires, et une approche qui essaie vraiment de réfléchir sur comment nous pouvons nous assurer que nous sommes en bonne santé, et si nous investissons en nous-mêmes, de la bonne manière, alors tout cela sera de bon augure pour la population canadienne et pour la fonction publique.
Taki Sarantakis : Lorsque nous parlons des politiques à l'intérieur du zoo, le principal instrument dont dispose la fonction publique fédérale ce sont les mémoires au Cabinet. C'est le document dûment estampillé dans lequel on dit qu'on a approuvé cette idée de politique, qu'on l'a financée, dans certains cas, etc.
Autrefois – avant même que je commence au gouvernement du Canada, jusque dans les années 1970 je pense, je ne me souviens pas exactement, mais je devrais vraiment chercher un jour – autrefois, nous montrions notre travail effectué avec la communauté des politiques. Ce que je veux dire par là, c'est qu'un mémoire au Cabinet était divisé en deux parties très distinctes. La première partie était le contexte : voici les faits, voilà ce que fait l'Australie, voilà ce que font les États-Unis, voici le profil démographique du Canada, voici ce qui est en train de changer, voici ce qui reste pareil. Et puis, il y avait une petite partie à la fin qui était la recommandation, le conseil.
Et de ce que je comprends du système de l'époque, à un moment donné après la prise de décision – pas 30 ans après la décision, mais peut-être 30 jours après – on dégrafait, métaphoriquement, les deux parties du document. Le conseil restait caché pendant 30 ans, mais la base sur laquelle la décision avait été prise était rendue publique. Elle était rendue publique, je crois, sous la forme d'un livre blanc. Pensez-vous que cela aiderait de montrer notre travail?
Jonathan Craft, Ph. D. : Oui. J'évoquerais deux points à ce sujet. Le premier est que je vois toujours les mémoires au Cabinet comme la pointe de la lance. Il s'agit en quelque sorte de demander la permission, l'autorité politique pour faire quelque chose. Mais en réalité, comme vous l'avez souligné, un mémoire au Cabinet reflète une somme énorme de travail d'élaboration des politiques effectué antérieurement. C'est pourquoi, mon point de vue sur la modernisation de l'élaboration des politiques est de ne pas trop mettre l'accent sur le processus des mémoires au Cabinet. Il faut les regarder, bien sûr.
J'ajouterais d'ailleurs à votre deuxième point que le modèle de mémoires au Cabinet que le gouvernement utilise actuellement n'est pas accessible au public. Quand ils l'ont changé en 2015, je l'ai demandé.
Taki Sarantakis : [chuchotements] Qui vous a dit ça?
Jonathan Craft, Ph. D. : Et je ne l'ai jamais obtenu. Et il n'est toujours pas public. J'ai toujours trouvé que c'était problématique parce que si je suis à Wellington, en Nouvelle-Zélande, les décisions du Cabinet et les procès-verbaux des réunions du Cabinet sont accessibles au public. Je pense qu'il existe tout simplement une différence culturelle quant à la façon dont le Cabinet et ses processus décisionnels fonctionnent dans différents pays. Je pense que nous en sommes très loin. Je pense que cela passe par des compromis et qu'il y a des implications.
Mais je pense aussi qu'il y a des avantages. L'autre exemple serait leur initiative de briefings à long terme, où; leurs équivalents au niveau adjoint sont tenus par la loi de publier par l'intermédiaire du Parlement des briefings sur les politiques à long terme sur certaines questions. C'est ainsi que cela se passe aujourd'hui. On génère des briefings à long terme pour informer le Parlement sur des grands problèmes actuels, sur l'intelligence artificielle par exemple. Et tout est accessible au public, les points de vue, le travail sur les considérations.
Mais alors, dans le cas canadien, pourrait-on envisager d'ouvrir les choses? Le débat existe dans la communauté scientifique, sur l'efficacité de la publication des lettres de mandat. Est-ce que c'était utile, ou est-ce que cela n'a fait que compliquer la gouvernance pour le personnel à Ottawa, pour la population canadienne, pour d'autres groupes? Il faut faire preuve de prudence lorsque vous rendez l'information publique et lorsque vous décidez de ne pas le faire.
J'ai toujours estimé que la transparence et les choses faites au grand jour étaient fantastiques dans le contexte des politiques publiques. Mais je reconnais et soutiens la nécessité d'avoir des échanges de conseils sur les politiques qui soient fondés sur la confiance entre les membres de la haute direction, les ministres, le premier ministre et le Cabinet, qui tentent de résoudre des questions politiques complexes. Dans une certaine mesure, oui, mais je ne suis pas sûr que tout rendre public servirait systématiquement un objectif donné. Le premier principe à appliquer ici serait : dans quel but? Pourquoi faisons-nous cela? Quelle est l'utilité?
Taki Sarantakis : Ce n'est pas une caractéristique rouge, bleue, orange, violette ou verte, mais, au Canada, nous avons un pouvoir exécutif fort. Et il me semble que cet exécutif continue d'être beaucoup plus fort qu'il ne l'était et qu'il l'est chez nos cousins du Commonwealth ou du système de Westminster.
Est-ce que cet aspect fait partie intégrante de notre conversation d'aujourd'hui? Est-ce que le fait d'avoir une communauté des politiques, une capacité politique favorise, d'une certaine manière, l'exécutif? Si le parlement est fort, par définition, l'exécutif est relativement affaibli. Au Canada, la relation entre le Parlement, c.-à-d. le pouvoir législatif, et l'exécutif est très différente de celle de la plupart des pays démocratiques. Beaucoup de gens disent que les membres de l'exécutif sont comme des dictateurs qui n'ont pas les pouvoirs dont disposent nos dirigeantes et dirigeants démocratiquement élus.
Jonathan Craft, Ph. D. : Oui, je pense qu'au Canada on est pris dans ce concept et cette discussion autour de la concentration du pouvoir dans les bureaux du premier ministre et au cœur du gouvernement. Je trouve ces discussions justifiées. Le problème est que dès que l'on commence à en discuter, cela aspire tout l'oxygène de la question plus large du fonctionnement de notre capacité et de nos systèmes et processus d'élaboration de politiques.
Je pense que, dans le cas canadien, avoir un exécutif politique fort a des avantages. En effet, en regardant ailleurs, on observe beaucoup plus de turbulences en raison de la faiblesse du centre au Royaume-Uni, mais aussi des renversements ou des changements de leadership à répétition en Australie et au Royaume-Uni. Or, avec un centre de gouvernement turbulent, on doit souvent tout recommencer et on accomplit peu de choses.
Je pense que la concentration du pouvoir au centre du gouvernement au Canada est le résultat d'une tentative de gouverner dans un très grand système fédéré d'administration publique, non pas seulement dans un pays de type fédéral, mais aussi dans une administration publique fédérée, où; il y a tous ces ministères différents qui font toutes sortes de choses différentes. Alors, la tendance à vouloir centraliser est en réalité une tentative d'essayer d'ajouter de la cohérence et de la coordination autour de toutes ces choses qui se passent en même temps. C'est problématique à d'autres égards, et nous voulons nous assurer que les ministres, les sous-ministres et d'autres processus appropriés sont en place pour éclairer ce processus d'élaboration de politiques.
Mais je suis d'avis que le centre ne peut pas tout faire. Je pense en effet que cette conversation sur le rôle du greffier en tant que sous-ministre du premier ministre, secrétaire du Cabinet et chef de la fonction publique, est présente aujourd'hui au Royaume-Uni. Un ancien ministre du centre du gouvernement a formulé des recommandations sur la manière de renforcer le centre de gouvernement. Les groupes de réflexion sont aux prises avec la répartition des pouvoirs et de l'autorité entre les différentes parties prenantes au centre du gouvernement, en partie parce qu'il y a ce sentiment qu'on en fait trop.
Selon moi, vis-à-vis de tout un travail d'élaboration des politiques qui est accompli, ce n'est pas que le centre du gouvernement n'est pas conscient de ce travail, mais il ne s'y intéresse pas plus que cela, parce que ce travail ne porte pas sur une question liée au mandat ou sur une priorité du gouvernement, ce genre de choses. Ce travail d'élaboration des politiques reste important et peut-être que, demain, ce sera un sujet sur lequel le centre du gouvernement, une ministre ou le Cabinet voudra des renseignements et un travail d'élaboration des politiques.
Encore une fois, j'adopte une vision macro, selon laquelle vous devez soutenir notre Cabinet et notre premier ministre pour gouverner de manière collégiale et efficace. Mais en tant que chef de la fonction publique, vous devez aussi réfléchir à ce qui se passe dans les affaires mondiales, dans les transports ou dans l'agriculture. Ces questions, dossiers et capacités politiques, il faut les alimenter également.
Taki Sarantakis : Ma dernière question est la suivante : vous êtes venu visiter notre zoo, pour ainsi dire, et vous avez observé la fonction publique.
Quel est le rôle de votre zoo dans tout cela? Votre zoo, ce sont des écoles d'administration publique, des écoles de sciences politiques. Vous avez été affilié à Munk, je crois?
Jonathan Craft, Ph. D. : Je le suis toujours. Oui.
Taki Sarantakis : C'est une sorte de groupe de réflexion. Quel est le rôle de ces organismes extérieurs au gouvernement du Canada et à la fonction publique du Canada? Comment apportent-ils des éclairages? Est-ce qu'ils génèrent des idées? Est-ce qu'il s'agit de former des gens? De faire de la provocation? Quel est le rôle de votre zoo?
Jonathan Craft, Ph. D. : Toutes ces réponses sont bonnes. Je pense que c'est peut-être un mélange de tout cela. Mon exposé était vraiment centré sur ce que la fonction publique pourrait faire et sur certaines options auxquelles elle pourrait réfléchir pour ce qui a trait au renouvellement et à la modernisation. Mais je suis parfaitement conscient que la communauté des chercheurs et des chercheuses en administration publique qui réfléchissent et travaillent sur ces questions est plutôt restreinte au Canada. C'est également le cas à l'échelle internationale.
Cela étant, des collègues viennent de publier d'excellentes recommandations dans le magazine Options politiques concernant les options de réforme et autres. Il y a aussi un débat sur les commissions royales par rapport aux groupes de travail qui, je pense, est utile. Mais je considère notre point de vue comme un peu de tout cela. Fondamentalement, il s'agit de mener des recherches empiriques pour aider à édifier et éclairer la vision de ce qui se passe, en apportant une certaine objectivité et en offrant une vision différente de ce qui se passe.
Je vois aussi les avantages des comparaisons. En tant que chercheur qui passe beaucoup de temps au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Australie, je peux vous dire que ces pays sont confrontés à des problèmes comparables. Leurs cultures, les trajectoires de leurs réformes et leurs institutions sont toutes différentes. Je pense donc que cela nous donne des perspectives sur ce qui est possible, et nous donne l'occasion de réfléchir sur nous-mêmes pour cerner ce qui est propre au cas canadien. À quoi devons-nous penser maintenant?
Je préconise la participation de tout le monde, que plus de gens réfléchissent à ces grandes questions, dans le gouvernement et hors du gouvernement. Et j'ai beaucoup apprécié cette occasion d'être chercheur invité ici à l'École. J'ai, entre autres choses, fait appel à d'autres universitaires et j'ai essayé d'établir des liens avec des fonctionnaires à travers certains événements.
Je pense que je suis optimiste. Je crois qu'il y a beaucoup de possibilités, et qu'il s'agit simplement d'essayer de réfléchir, de façon globale, et puis de faire le premier pas vers plus d'intendance.
Taki Sarantakis : Je ne le dirai jamais assez, les politiques publiques sont importantes. Les politiques publiques sont ce que nous faisons en tant que collectif, que ce soit à l'échelle municipale, provinciale, nationale ou supranationale. Les politiques, en fin de compte, sont ce qui fait que nous vivons bien, ou mal, dans des communautés collectives civilisées. Le professeur Jonathan Craft est l'une des personnalités les plus brillantes du monde des politiques publiques et de l'administration publique au Canada.
Merci beaucoup pour votre temps en tant que chercheur invité dans le cadre de l'Initiative de chercheurs invités Jocelyne Bourgon 2024 à l'École de la fonction publique du Canada et merci pour votre discours provocateur par lequel se termine votre mandat dans ce rôle.
Jonathan Craft, Ph. D. : Merci beaucoup.
Taki Sarantakis : Merci beaucoup.
[01:11:35 Taki Sarantakis et Jonathan Craft se serrent la main amicalement.]
[01:11:44 Le logo animé de l'EFPC s'affiche à l'écran.]
[01:11:50 Le mot-symbole du gouvernement du Canada s'affiche, puis l'écran devient noir.]