Transcription
Transcription : Discussion avec Natan Obed au sujet de la politique sur l'Inuit Nunangat
[00:00:16 Le texte suivant apparaît à l'écran : Discussion avec Natan Obed au sujet de la politique sur l'Inuit Nunangat]
[00:00:25 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Natan Obed… Natan Obed est président d'Inuit Tapiriit Kanatami, l'organisation nationale qui travaille pour que les Inuits du Canada s'épanouissent grâce à l'unité et à l'autodétermination. Il est originaire de Nain, au Nunatsiavut, et vit actuellement à Ottawa. Négociateur et créateur de consensus talentueux, M. Obed est l'architecte derrière le Comité de partenariat entre les Inuit et la Couronne, un groupe de dirigeants qui collaborent pour s'attaquer aux enjeux de politiques les plus urgents qui touchent les Inuits et pour créer les conditions propices à leur épanouissement. »]
Natan Obed : Je m'appelle Natan Obed. Je suis le président de l'Inuit Tapiriit Kanatami, ici à Ottawa.
[00:00:57 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Qu'est-ce que l'ITK? »]
Natan Obed : Inuit Tapiriit Kanatami ou ITK est l'organisation nationale qui représente les 70 000 Inuits du Canada.
[00:01:07 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Pouvez-vous nous donner une définition des Inuits? »]
Natan Obed : C'était beaucoup plus simple avant la colonisation. Il n'y avait que des Inuits, du Groenland jusqu'à la Russie, et les liens de parenté étaient très étroits. Nous avons des groupes familiaux, mais nous avons une langue et une culture communes sur une distance d'environ 6 000 kilomètres d'est en ouest. À notre époque, le terme « Inuit » est défini par nos traités modernes. Pour bénéficier d'un traité moderne et faire partie de nos organisations inuites, il faut être admissible selon l'un de nos quatre accords de revendication territoriale. Donc, les Inuits, c'est... être un Inuk à notre époque, c'est faire partie de sa communauté, mais c'est aussi faire partie d'un processus de traité moderne.
[00:02:05 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Y a-t-il une différence entre Inuits et Premières Nations? »]
Natan Obed : Oui, la Constitution reconnaît trois peuples : Les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Chacun d'entre nous entretient des relations très différentes avec le gouvernement du Canada et avec les provinces et les territoires, et notre position est également très différente en ce qui concerne la législation, les arrêts de la Cour suprême, ainsi que les politiques et les programmes.
[00:02:39 Le texte suivant apparaît à l'écran : « La gouvernance inuite diffère-t-elle des modèles de gouvernance provinciaux? »]
Natan Obed : Les Inuits ont le droit à l'autodétermination et nous avons exercé ce droit de manière plus complète au cours des 20 à 30 dernières années. Nous avons créé des ordres de gouvernement qui s'inscrivent dans les modèles de gouvernance municipaux, provinciaux, territoriaux et fédéraux de ce pays. Nous ne sommes donc pas exactement comme une province... et moi, en tant que leader national inuit, je ne suis pas comme le premier ministre, mais nous nous imbriquons à bien des égards dans les modèles de gouvernance politique de l'ensemble du pays. Il s'agit d'un processus évolutif. Nous jouissons de l'autodétermination par l'entremise de l'autonomie au Nunatsiavut, la région d'où; je viens, par l'intermédiaire du gouvernement du Nunatsiavut. Nous aspirons à des gouvernements autonomes au Nunavik et dans la région d'Inuvialuit, dans l'Arctique de l'Ouest. Le Nunavut a parlé d'autonomie, mais il dispose également de l'article 4 de son accord sur les revendications territoriales, conclu en 1993 et mis en œuvre en 1999, qui a donné naissance au gouvernement du Canada et a modifié la carte du pays.
[00:04:03 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Pouvez-vous préciser ce qu'est la PIN? »]
Natan Obed : La PIN est la Politique sur l'Inuit Nunangat. Il s'agit d'une politique que nous avons élaborée conjointement avec le gouvernement du Canada par l'intermédiaire du Comité de partenariat entre les Inuit et la Couronne. Le premier ministre a annoncé que le gouvernement adopterait la PIN en avril 2022. Nous avons collaboré avec le gouvernement pour mettre en œuvre cette politique du mieux que nous pouvions, mais à bien des égards, cette politique est l'apanage du gouvernement et nous l'appuyons. Nous pouvons aider les gens à comprendre comment utiliser cette politique comme elle a été conçue, mais nous sommes très enthousiastes à l'idée qu'il existe aujourd'hui une PIN.
[00:04:51 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Quelles sont les obligations du gouvernement du Canada en vertu de la PIN? »]
Natan Obed : Tout d'abord, la politique reconnaît l'identité des Inuits dans ce pays. Elle reconnaît que l'histoire de nos traités et la somme totale de nos zones de règlement des traités modernes constituent l'espace ou la zone qui décrit l'Inuit Nunangat. L'obligation du gouvernement est donc d'accepter que l'Inuit Nunangat est un espace géopolitique et que le gouvernement fédéral le reconnaît et le défend, et qu'il travaillera avec les Inuits pour mettre en œuvre nos droits existants sur tout travail ayant un impact sur les Inuits dans les domaines de la politique, de la législation ou des programmes.
[00:05:44 Le texte suivant apparaît à l'écran : « La PIN est-elle une obligation pour un ou deux ministres, ou doit-elle être comprise par tous les ministres? »]
Natan Obed : Nous avons des accords avec le Canada et nous avons toujours imaginé que le travail que nous faisons en tant qu'Inuits à ce niveau de représentation à Ottawa est d'essayer de faire en sorte que le gouvernement du Canada comprenne sa fonction par rapport aux traités qu'il a conclus et aux obligations qu'il a signées, qu'il s'agisse de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, des arrêts de la Cour suprême, de la Constitution, de nos traités modernes, et toutes ces obligations et considérations sont exhaustives pour chaque ministère fédéral et chaque organisme fédéral. Ce que nous avons essayé de faire avec la PIN, c'est de définir clairement comment donner un sens à ces obligations et comment les mettre en œuvre dans le travail quotidien.
[00:06:40 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Que diriez-vous aux fonctionnaires fédéraux au sujet de leurs responsabilités dans le cadre de la PIN? »]
Natan Obed : La PIN est accessible au public dans le site Web du gouvernement du Canada et elle est rédigée de manière à être aussi simple que possible. Elle commence par la définition de ce que sont les Inuits dans le contexte de la Constitution. La politique fait également référence à nos quatre traités et à nos quatre zones de peuplement et décrit ensuite très clairement la nécessité pour les ministères et les fonctionnaires du gouvernement du Canada de veiller à l'inclusion des Inuits dans les délibérations sur les questions qui les concernent. Nous avons souvent été perdus dans le débat sur les politiques publiques dans ce pays. Nous sommes 70 000. Il y a, je crois, au dernier recensement, plus de 1,4 million d'Autochtones dans ce pays. Ainsi, d'un point de vue politique, nous sommes moins nombreux que les autres peuples autochtones. Nous ne relevons pas non plus de la Loi sur les Indiens, qui a été le principal instrument des affaires indiennes et maintenant de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, voire d'autres ministères. Nous avons donc été une considération politique très particulière qui a souvent été négligée, sans conséquence. Cette PIN permet à nos positions d'être structurellement liées aux résultats du travail des ministères et, espérons-le, nous permet d'avoir un jugement pragmatique sur la réussite ou l'échec des ministères grâce à la mise en œuvre de cette politique.
[00:08:29 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Comment évaluez-vous les progrès réalisés par la Couronne dans sa collaboration avec la PIN? »]
Natan Obed : Il y a eu des défis, mais aussi des succès. Nous ne voulions pas que cette politique ait une phase de mise en œuvre, comme c'est le cas pour de nombreuses idées novatrices mises en œuvre par le gouvernement fédéral, où; il y a une période de temps pendant laquelle vous avez des projets pilotes ou vous ne mettez en œuvre une nouvelle politique particulière que si vous avez les fonds nécessaires pour le faire. Nous considérons qu'il s'agit là d'un principe universel et assez facile à comprendre sur le plan conceptuel. Il sera parfois très difficile pour les ministères et leurs principaux responsables d'envisager les implications en matière de finances ou de temps de l'adoption et de la mise en œuvre de la politique de l'Inuit Nunangat. Nous comprenons donc la réticence de certains membres du gouvernement fédéral à faire les choses différemment, mais nous avons également entendu parler d'exemples de réussite dans l'ensemble du gouvernement, de personnes qui sont naturellement capables de travailler de manière plus complète sur les questions autochtones dans le cadre des scénarios des Premières Nations, des Inuits et des Métis et de soutenir la composante inuite du travail politique qu'ils effectuent sur la base de la mise en œuvre de la politique.
[00:09:56 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Quels sont les jalons ou les marqueurs qui définiraient le succès de la PIN? »]
Natan Obed : Nous espérons que le gouvernement du Canada intégrera la politique Inuit Nunangat en premier lieu dans les conseils politiques qu'il donnera à tout ministre ou au premier ministre sur les enjeux concernant les Inuits. Nous avons souvent dû courir après les annonces pour savoir exactement comment les Inuits s'inscrivent dans une annonce liée aux Autochtones. Nous espérons qu'à l'avenir, les décisions seront davantage fondées sur des distinctions, de sorte que dès le premier jour, un ministre, un premier ministre ou un vice-premier ministre sera en mesure d'expliquer très clairement comment les Inuits s'intègrent dans une décision particulière prise par le gouvernement du Canada.
Nous espérons également qu'au quotidien, de plus en plus de fonctionnaires, voire tous les fonctionnaires, comprendront la distinction entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis et que cela se traduira par une différence dans la manière dont la politique s'applique, l'admissibilité ou l'inadmissibilité au financement des programmes, l'élimination des barrières qui ont été mises en place par des éléments comme les allocations au nord du 60e parallèle et au sud du 60e parallèle basées sur le financement territorial par rapport au financement provincial au sein du gouvernement fédéral. Nous avons constaté, grâce à des mesures comme l'adoption par le MPO et la Garde côtière canadienne d'une région arctique englobant l'Inuit Nunangat, que le Canada est aujourd'hui en mesure de mieux se comprendre.
D'un point de vue administratif, le gouvernement peut commencer à nous croire lorsque nous disons que nous avons une meilleure façon de procéder, qui permettra d'économiser de l'argent, qui garantira de meilleurs résultats et qui, en fin de compte, fera respecter les droits des Inuits. Tous ces éléments sont importants. Le statu quo signifie parfois que les gens connaissent une certaine façon de faire et la protègent. En cette période de réconciliation, nous demandons aux fonctionnaires et à tous ceux qui travaillent sur ce dossier d'imaginer, de notre point de vue, les défis auxquels nous avons été confrontés ainsi que nos conseils pratiques, afin non seulement d'améliorer nos vies et de nous permettre de faire partie intégrante de ce pays, mais aussi de donner aux fonctionnaires le sentiment qu'ils savent exactement pourquoi ils font leur travail, qu'ils savent exactement comment faire leur travail et qu'ils disposent de l'espace nécessaire pour le faire, ce que la PIN couvre.
[00:12:54 Le texte suivant apparaît à l'écran : « Quels sont les points clés que les dirigeants politiques et les fonctionnaires devraient retenir de cette politique? »]
Natan Obed : Le gouvernement du Canada et tous ceux qui travaillent pour lui ou qui sont politiquement engagés dans la gestion du pays ont un rôle incroyablement important à jouer en ce qui concerne les Inuits et l'autodétermination des Inuits. Malheureusement, nous vivons encore à une époque où; un fonctionnaire ou un politicien peut faire preuve d'une grande discrétion personnelle lorsqu'il travaille au nom des peuples autochtones et qu'il met en œuvre les droits des peuples autochtones dans ce pays. Les Inuits le comprennent et nous essayons de travailler avec la Couronne, au nom du Canada, par des accords structurels qui permettent à nos droits d'être mis en œuvre, à la vision que nous avons pour nos communautés d'être mieux réalisée, mais aussi à la vision que nous avons en tant que Canadiens et en partenariat avec le Canada d'être également réalisée. Nous ne voulons donc pas que nos problèmes soient perçus comme des problèmes pour le pays. Nous ne voulons pas que notre politique soit complètement rejetée parce qu'elle est défectueuse ou sans intérêt. Il faut donc que la gouvernance inuite soit acceptée, que l'ITK soit acceptée en tant qu'expression nationale de la démocratie inuite, aux côtés du gouvernement fédéral, et qu'elle exige le respect des fonctionnaires et des dirigeants politiques.
Nous devons également tenir compte des Inuits en tant que Canadiens et des intérêts des Inuits en matière de politique publique, de la manière dont nous mettons en œuvre les grandes idées dans ce pays, si elles concernent tous les Canadiens, et si la politique de l'Inuit Nunangat peut lier une grande initiative à une application pratique dans nos communautés; ce serait un énorme succès et cela aiderait à mettre en œuvre toutes les visions que nous imaginons pour nous tous, pour les Inuits et pour le Canada. Je dirais également que le monde nous regarde et que nous pouvons être des leaders dans ce pays pour montrer au reste du monde à quoi ressemble un État-nation progressiste en ce qui concerne le respect des peuples autochtones et de leurs droits. En tant qu'Inuits, nous essayons de partager cette voie avec le Canada. Nous essayons de le faire de manière pratique. Nous essayons d'imaginer comment le gouvernement fédéral peut mieux travailler pour réaliser cet espoir que nous avons face à un passé très sombre. Aujourd'hui, nous pouvons accepter et reconnaître ce qui s'est passé, mais nous ne sommes pas condamnés à ce destin pour l'avenir, et des initiatives comme la PIN nous permettent d'aller au-delà l'histoire coloniale de ce pays et d'aller de l'avant d'une manière qui, je pense, peut nous rendre fiers de travailler sur les questions autochtones, d'être des peuples autochtones et d'être fiers de faire partie de notre pays.