Transcription
Transcription : Adapter les services du gouvernement à l'ère numérique : La gestion du risque
[00:00:00 Une carte de titre apparaît à l'écran : L'Adaptation des cadres à l'ère numérique, partie 2]
David Eaves : Bonjour, je m'appelle David Eaves.
Je suis professeur associé de gouvernement numérique à l'University College London.
[00:00:13 Une carte de titre apparaît à l'écran : Quelles sont les autres compétences auxquelles les cadres fédéraux doivent réfléchir?]
[00:00:24 Un texte apparaît à l'écran : David Eaves, Professeur associé en administration numérique à l'University College London Institute for Innovation and Public Purpose]
David Eaves : Parce que la technologie est puissante et permet toutes sortes de nouvelles capacités et compétences, ça crée un besoin de connaissances sur ces capacités et sur la façon dont elles peuvent être bien utilisées, mais aussi sur la façon dont elles peuvent nous exposer à de nouvelles menaces.
Nous devons vraiment comprendre qui sont nos utilisateurs et comment ils interagissent avec nos services. Cela signifie qu'il faut recueillir des données sur la façon dont ils utilisent un service, et même faire des recherches sur les utilisateurs eux-mêmes.
Nous devons faire des choix explicites pour comprendre comment ils utilisent la technologie. Il existe toutes sortes de nouveaux outils qui nous facilitent la tâche. En même temps, je pense que nous avons toujours été préoccupés par la sécurité et la vie privée des citoyens. Ces nouveaux outils sont formidables en ce sens qu'ils nous permettent de créer d'énormes quantités de données et de relier les données entre elles afin d'obtenir de meilleures informations et de prendre de meilleures décisions.
Mais en même temps, cette capacité crée aussi de nouvelles opportunités de menaces, et de violations de la vie privée. En tant que cadres au fédéral, vous devez donc être constamment conscient de ces menaces et vous poser des questions telles que : quelles sont les méthodes d'exploitation possibles? Comment cela pourrait-il être utilisé de façon malfaisante?
Il faut même envisager la création « d'équipes rouges » qui seraient chargées de réfléchir dans leur coin à toutes les façons dont cette nouvelle capacité que nous mettons en place pourrait être utilisée par des mauvais acteurs et nous créer des problèmes. Non pas pour ne pas le faire, mais pour que nous mettions en place des protections et des mesures de sécurité adéquates afin de prévenir ou de minimiser le risque que ça se produise.
Un autre risque qui me semble très important pour nous est le risque éthique.
Au cours des 100 dernières années, j'aimerais penser que tout fonctionnaire, dans le cadre de son serment, s'est préoccupé de l'inclusivité et de l'accès. Comment faire en sorte que tous les Canadiens puissent accéder à nos services? Comment pouvons-nous nous assurer que tous les Canadiens sont traités de manière égale et avec respect?
Les technologies numériques nous offrent toutes sortes de moyens nouveaux et passionnants d'améliorer l'accès et d'entrer en contact avec les gens. Mais il existe aussi un risque réel qu'en créant ces services, nous puissions par inadvertance exclure des gens parce qu'elles ne peuvent pas accéder au service d'une manière que nous n'aurions pas pu anticiper.
Je pense donc qu'en tant que cadres fédéraux, vous devez constamment penser à qui a accès, comment ils ont accès, et l'un des meilleurs moyens d'assurer ce genre d'accès est en fait d'intégrer la diversité dans votre équipe.
Comment constituer une équipe représentative de la composition du pays, sur le plan géographique et sur tous les autres plans possibles, afin que les gens se manifestent et disent : « Oh, en fait, les gens de ma communauté auraient vraiment du mal à utiliser un service » ou « Ils n'ont peut-être pas accès à ce service. Il se peut que nous ne sachions pas comment l'utiliser ».
C'est ce genre de questions qu'il faut se poser très tôt, à chaque fois que l'on crée un nouveau service ou que l'on en numérise un. Et encore une fois, la diversité de votre équipe est l'outil le plus utile de votre boîte à outils pour y répondre.
Je pense qu'un autre rôle important pour un cadre supérieur de la fonction publique canadienne est de commencer à reconnaître quand une nouvelle capacité est prête à être déployée et utilisée par la fonction publique. Il y a souvent des antécédents et un désir d'utiliser le dernier produit d'actualité populaire, qu'il s'agisse de la blockchain ou de l'intelligence artificielle.
Moi-même, je crois que, pour la plupart des services que nous essayons de déployer pour les Canadiens – je voudrais vraiment que mon gouvernement utilise des technologies plus communes, moins risquées, et qui ont fait leurs preuves.
Pour moi, le défi de l'ensemble du gouvernement est que nous sommes souvent limités parce que nous utilisons des technologies vieilles de plus de 30 ou 40 ans, ou des processus issus de l'époque technologique des années 80 ou 90.
On n'a pas toujours besoin d'être à la toute pointe du progrès.
J'aimerais que nous nous emparions de processus, des outils, et des technologies qui ont fait leurs preuves et qui présentent moins de risques, de sorte que les problèmes de sécurité et de respect de la vie privée, d'éthique et d'inclusion, ainsi que d'accès, aient été largement traités, en particulier par le secteur privé.
Nous pourrons alors réfléchir à l'innovation, c'est-à-dire à la manière d'introduire ces technologies dans le service public et de les déployer rapidement au lieu d'attendre longtemps qu'elles y arrivent.
En ce moment, on s'intéresse beaucoup à des choses comme l'intelligence artificielle. J'adopte un point de vue beaucoup plus conservateur, voire étonnamment conservateur, sur l'utilisation de ces technologies. Il existe déjà des exemples de gouvernements qui ont tenté d'utiliser des systèmes de type intelligence artificielle avec, je pense, des résultats problématiques.
Cela s'explique en partie par le fait qu'à chaque fois que l'on utilise l'intelligence artificielle, on forme des modèles avec des données historiques. Et je pense que l'un des grands problèmes que nous avons rencontrés est que beaucoup des données historiques que nous possédons en tant que gouvernements touchent en fait des perspectives, ou des décisions-prises, extrêmement problématiques. Il y a des communautés qui ont été sous-représentées ou maltraitées historiquement, et si nous utilisons ces données pour former notre intelligence artificielle, aux outils d'apprentissage automatique, nous codons alors ces biais et préjugés dans cet outil et nous le déployons ensuite à l'échelle de notre population.
Je suis donc beaucoup plus intéressé par une évolution prudente et lente vers l'utilisation de l'intelligence artificielle. Il faudrait que les avantages pour le public soient absolument énormes pour que je me demande pourquoi nous voudrions commencer à la déployer dans un outil existant au sein de la fonction publique canadienne, en particulier un outil qui pourrait être utilisé par les citoyens.
Une autre compétence de base à l'ère numérique à laquelle un cadre fédéral doit réfléchir est la manière de penser envers les données. Et je pense que la grande erreur ici est de supposer que chaque cadre doit être un scientifique des données, ou savoir programmer en Python ou en R. Je pense que c'est une grande erreur. Une partie de la conversation autour des données revient aux questions de vie privée et de sécurité, et de savoir poser les questions appropriées pour vous assurer que les données que vous pourriez collecter sont bien sécurisées.
Il y a aussi la question des outils disponibles : donnez-vous aux membres de votre équipe les moyens d'utiliser ces données pour en tirer des leçons et trouver de nouvelles façons de créer des biens publics et des valeurs publiques pour les Canadiens?
Un autre élément qui m'inquiète sur les données est la manière de collecter les données. Et il est très rare que, lorsque nous créons des services, nous réfléchissions à la manière de partager ou d'exporter nos données. Je pense que cela devrait être au cœur de la réflexion de tous les cadres supérieurs, car l'une des raisons pour lesquelles nous nous trouvons dans un monde où; nous sommes coincés avec des systèmes hérités – partout – et dont il nous est incroyablement difficile de nous défaire, est que ces systèmes n'ont pas souvent été construits avec des moyens faciles pour partager les données vers un autre système.
L'une des meilleures choses que vous pouvez faire en tant que cadres est de vous assurer que tout ce que vous touchez ou construisez ne se contente pas uniquement de bien ingérer des données, mais qu'il peut aussi les partager plus efficacement ou les exporter vers d'autres à l'avenir, parce que c'est la seule façon de commencer à nous préparer à l'avenir et de nous sortir de ce piège des systèmes hérités qui sont incroyablement difficiles à changer et à mettre à jour.
Une autre compétence qui, selon moi, vaut vraiment la peine d'être travaillée, c'est la manière dont vous vous donnez les moyens, à vous et aux personnes qui vous entourent, de travailler plus « de façon ouverte ». Je pense que c'est un terme qui rend souvent les fonctionnaires nerveux parce qu'ils pensent que travailler ouvertement, c'est travailler devant les 39 millions de Canadiens qui reçoivent nos services. Ce n'est pas ce que je veux dire.
La technologie nous permet aujourd'hui de collaborer à travers le temps et l'espace, de faire appel à d'autres personnes pour nous aider à modifier notre travail ou à le rendre plus efficace. Il peut s'agir de feuilles de calcul Excel partagées, de documents Word partagés, d'appels téléphoniques rapides ou même de la publication de mises à jour sur ce que vous faites pour que les autres membres de votre équipe puissent les lire.
Les équipes les plus efficaces dans lesquelles j'ai travaillé avaient des leaders qui appelaient régulièrement les gens pour leur donner des nouvelles, ou même qui documentaient ce qui se passait et écrivaient, si vous voulez, des blogues, non pas pour que le public entier puisse les voir, mais au moins pour que leur équipe et même les autres membres du ministère puissent les voir, de sorte qu'il y ait une visibilité sur le travail.
Cela peut avoir des effets extrêmement positifs. D'une part, vous pouvez permettre à votre équipe d'avoir une bien meilleure compréhension de sa mission, de la situation de son leadership, de l'évolution des gens, de ce à quoi son leadership pense ou de ce sur quoi d'autres personnes travaillent, mais cela peut aussi infecter d'autres équipes qui travaillent peut-être sur des questions parallèles ou proches des vôtres – cela leur permet de se tenir au courant de ce que vous faites – et ensuite de s'engager avec votre équipe de manière plus efficace.
Pour moi, « travailler ouvertement » s'agit peut-être de la plus grande opportunité perdue à l'heure actuelle, car nous disposons de tous ces outils qui nous permettent de collaborer et de partager plus efficacement.
Et dans de nombreuses grandes organisations, mais surtout dans les institutions publiques, nous ne les utilisons pas efficacement, pas nécessairement pour partager toujours avec le public, même si je pense que c'est aussi une opportunité, mais même simplement pour partager à l'interne, avec d'autres fonctionnaires.
[00:12:45 Le logo de l'EFPC apparaît à l'écran. Un texte apparaît à l'écran : canada.ca/ecole. Le logo du gouvernement du Canada apparaît à l'écran.]