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Série Café virtuel de l'EFPC : Faire face aux crises mondiales urgentes, une conversation avec Blair Sheppard et Jessica Shannon (TRN5-V09)

Description

Cet enregistrement d'événement présente une conversation avec Blair Sheppard et Jessica Shannon, de PricewaterhouseCoopers au sujet des difficultés de taille auxquelles le monde est confronté et des stratégies possibles pour les surmonter.

(Consultez la transcription pour le contenu en français.)

Durée : 01:01:19
Publié : 5 juillet 2022
Type : Vidéo

Événement : Série Café virtuel de l'EFPC : Faire face aux crises mondiales urgentes, une conversation avec Blair Sheppard et Jessica Shannon


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Série Café virtuel de l'EFPC : Faire face aux crises mondiales urgentes, une conversation avec Blair Sheppard et Jessica Shannon

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Transcription : Série Café virtuel de l'EFPC : Faire face aux crises mondiales urgentes, une conversation avec Blair Sheppard et Jessica Shannon

[Le logo de l'EFPC apparaît à l'écran.]

[Taki Sarantakis apparaît dans l'appel vidéo.]

Taki Sarantakis, président de l'École de la fonction publique du Canada (EFPC) : Bienvenue au Café virtuel de l'EFPC, où nous réunissions des gens intéressants avec des sujets passionnants et un dialogue captivant devant la fonction publique du Canada dans le but de nous aider à réfléchir à des choses auxquelles nous n'avons pas nécessairement l'occasion de penser dans le cadre de notre emploi. Mais aussi, surtout, dans le but de nous aider à réfléchir à ce qui aidera la fonction publique demain, car nous savons que nous vivons dans un monde animé par le changement. Si nous répétons constamment les mêmes choses aujourd'hui, et ce, même si nous les faisons très bien, nous pourrions nous retrouver dans une situation difficile d'ici peu.

Aujourd'hui, nous aurons une conversation vraiment intéressante et nous consacrerons notre attention à travers le prisme de quatre crises, et je ne vous dirai pas tout de suite quelles sont les quatre crises en question. Nous allons les présenter, nous allons les passer en revue tour à tour. Selon moi, certaines pourraient vous surprendre, car de prime abord, elles sont surprenantes si vous mettez le mot «  crise » devant certains de ces concepts.

Blair Sheppard, dirigeant mondial, Stratégie et leadership, à PricewaterhouseCoopers (PwC) et Jessica Shannon, dirigeante mondiale, Pratiques en matière de services gouvernementaux et publics, également à PwC sont avec nous.

[Les panélistes Blair et Jessica rejoignent la discussion vidéo.]

Notre discussion s'imprégnera d'un livre que Blair a écrit, intitulé Ten Years to Midnight (« Dix ans avant minuit »). Maintenant, Blair, 10 minutes avant... 10 ans avant minuit, j'allais dire que parfois en 2021, on a l'impression d'être beaucoup plus près que 10 années avant minuit. Mais on voit le monde traverser, comme je l'ai mentionné au début, quatre crises. La première crise est plutôt intéressante. Vous avez dit que nous traversons une crise de prospérité. Eh bien, quand j'étais jeune, la prospérité n'était pas un problème. La prospérité est quelque chose à laquelle nous aspirions tous comme société et comme personne. Parlez-nous un peu d'une crise de prospérité.

Blair Sheppard, dirigeant mondial, Stratégie et leadership, à PwC : Pour vous dire, je veux dire, c'est exactement ça. En fait, le monde fonctionne quand les gens s'attendent à un avenir meilleur et essaient de le bâtir. Lorsqu'un grand pourcentage de personnes croit que la situation empirera à l'avenir, la situation commence alors à partir en vrille. Elles se disputent les ressources, cessent d'innover, arrêtent de créer, et nous mettons un terme à un avenir meilleur. Le problème, en partie, est que la façon la plus simple d'y penser est sur toute la durée de la vie. Si vous songez aux personnes sur le point de partir à la retraite, laissez-moi vous présenter des données recueillies aux États‑Unis. Dans le secteur privé, 92 % des Américains se financent par leurs propres moyens ou bénéficient d'un régime à cotisations déterminées, c'est-à-dire qu'ils ont intérêt à avoir économisé beaucoup d'argent d'ici l'âge de 55 ans, car ils en auront besoin pour vivre.

Si vous regardez les personnes dans une telle situation, 42 % d'entre elles ont moins de 10 000 dollars d'épargne entre 55 et 64 ans, alors qu'elles sont sur le point de prendre leur retraite ou qu'elles sont proches de l'âge de la retraite, et elles n'ont pratiquement rien pour vivre. Au total, 60 % possèdent moins de 50 000 $. À l'autre extrémité, parmi les personnes qui sortent de l'école et cherchent un emploi, bon nombre sont endettées. Elles se trouvent dans une situation où le gouvernement leur a imposé un énorme fardeau fiscal parce qu'il n'avait pas vraiment le choix. Il est très difficile d'accumuler de la richesse étant donné le prix prohibitif du logement. Avant, quand on pensait à se constituer un patrimoine, on disait qu'il fallait acheter son domicile. C'est difficile quand on ne fait pas confiance aux marchés financiers.

Les emplois décrochés sont beaucoup moins attrayants que ceux que nous avions auparavant. Et donc les gens se disent que ça n'en vaut simplement pas la peine. Je veux dire, pourquoi avoir... Et puis ceux qui se trouvent au milieu et qui s'en sortent bien, qui ont probablement du travail, ils ont peut-être des enfants qui vont à l'école, le défi est qu'à cause de l'une des autres crises, ils vivront sans doute une transition professionnelle au cours des 10 prochaines années à un moment où ils ont beaucoup de dettes, et cette transition sera vraiment très radicale. Et donc, si vous allez à l'autre bout du monde, et je peux prendre un pays plus jeune et raconter la même chose, prenez le Nigeria, c'est exactement la même histoire. Les circonstances sont différentes, mais à l'échelle d'une vie, ce n'est pas très attrayant. Lorsque cela se produit pour la majeure partie de la population dans le monde, nous avons des problèmes. Voilà pourquoi nous pensons qu'il s'agit d'une crise.

Taki Sarantakis : Jessica, faites-nous donc part de votre point de vue initial sur la crise de prospérité, puis nous engagerons le dialogue.

Jessica Shannon, dirigeante mondiale, Pratiques en matière de services gouvernementaux et publics, PwC : Certainement. Merci, Taki. Je crois que Blair était en plein dans le mille. J'ajouterais quelques détails. Dans cette crise de prospérité, la classe moyenne est en constante diminution. Lorsque vous parlez des emplois en sortant de l'école et qui semblent moins attrayants, je crois que l'invention de l'endettement à bon marché et facilement accessible a masqué certaines des difficultés. Et donc, vous voyez des citoyens prospères en apparence, mais qui peinent véritablement à rembourser leurs dettes, etc. Vous avez cette dette qui a dissimulé le problème qui existe depuis longtemps et qui atteint maintenant le point de rupture.

L'autre chose que je dirais, nous l'avons assurément constaté au cours des 24 derniers mois de la pandémie actuelle de COVID-19, c'est que les gouvernements ont joué un rôle énorme avec des mesures de stimulation, qui ont permis à certaines personnes ou aux citoyens en général d'avoir plus d'argent dans leurs poches, mais qui ont entraîné un problème, car des gens ne veulent pas retourner sur le marché du travail. Nous vivons vraiment un problème de main-d'œuvre ou de manque de main‑d'œuvre dans de nombreux marchés. Cela je pense s'explique par une certaine distorsion des marchés.

Taki Sarantakis : Sommes-nous en train de dire que nous avons trop de prospérité ou pas assez de prospérité, ou une troisième chose?

Blair Sheppard : Si je me fonde sur l'argument de Jess, nous avons créé une situation artificielle pour des gens qui en fait ne jouissent pas d'une prospérité et qui leur donne l'impression de bien s'en sortir, mais elle est financée par un mécanisme qui ne peut pas se maintenir. Je veux dire, le gouvernement ne peut pas simplement continuer à injecter de l'argent pour maintenir les gens à flot. Ce que l'on constate toutefois, c'est une situation intéressante. Lorsqu'ils retournent sur le marché du travail, les gens y retournent avec le même type de travail qui était disponible avant, ce qui est intéressant, ils ne veulent plus le faire. Nous avons fait un petit effort pour changer le pouvoir de la main-d'œuvre d'une certaine manière dans le cadre du processus, mais ce n'est pas comme si un travail formidable allait les payer vraiment bien. Et donc, c'est un problème intéressant : pour vivre, les gens doivent travailler, mais en fait ils ne le veulent pas, parce qu'ils ont vécu plutôt décemment pendant la dernière année grâce à l'argent provenant des ressources du gouvernement. Le sentiment de prospérité rend en fait les choses encore plus sombres lorsqu'elles vous retombent dessus.

Taki Sarantakis : Eh bien, laissons de côté la dernière année, car nous ne connaissons pas encore les conséquences durables de la pandémie de COVID-19. Vous avez écrit le livre avant la COVID-19. Parlez-nous un peu de la crise de prospérité qui existait avant que le gouvernement ne stimule l'économie, parce que j'ignore toujours si nous avons trop de prospérité, pas assez de prospérité ou si nous vivons dans une sorte de prospérité artificielle.

Blair Sheppard : Ce que je décrivais au sujet de l'année dernière était une prospérité artificielle. Si vous revenez avant la pandémie de COVID-19 et allez un moment à un stade ne vous permettant simplement pas de maintenir les mesures de stimulation, vous prenez ces deux périodes, nous avons une trop grande concentration de richesse et trop peu de mains. Les possibilités sont trop peu nombreuses à l'échelle d'une vie, et nous avons des personnes non préparées aux circonstances auxquelles nous sommes sur le point d'être exposés. Si je suis un retraité, je n'ai pas assez d'argent pour prendre ma retraite dans le monde entier. Nous avons des régimes de pension sous-capitalisés à très grande échelle. Si je suis quelqu'un sur le point de perdre mon emploi en raison de la technologie qui transformera celui-ci, j'ai probablement d'énormes dettes et j'aurai de la difficulté à gérer la transition. Si j'arrive sur le marché du travail, celui-ci n'est pas très attrayant, et je suis sans doute endetté, et j'aurai un énorme fardeau fiscal que je devrai supporter tout au long de ma vie.

Voilà trois situations plutôt peu séduisantes pour travailler. Il s'agit d'un réel manque de prospérité et donc d'un manque d'ambition, un manque d'effort. Et donc, je pense qu'une partie de ce que vous dites dans la réponse aux mesures de stimulation est un résultat prévisible, à savoir à quoi bon, puisque cela n'en vaut pas la peine. Mais à un moment donné, quand l'argent disparaît, c'est vraiment... Dix ans ressembleront plus à six, sept ou huit, j'en ai bien peur.

Taki Sarantakis : Jessica?

Jessica Shannon : Eh bien, Blair, si je peux ajouter quelque chose, je pense que l'endettement à bon marché d'hier correspond aux mesures de stimulation d'aujourd'hui. Avant la COVID-19, on avait toujours une apparence de prospérité, que dissimulaient d'autres facteurs, pas nécessairement des mesures de stimulation, car comme Taki le fait remarquer avec raison, on ignore où cela nous mènera, mais même avant la pandémie de COVID-19, on le vivait, la situation s'est simplement accélérée. Quant à la question de pas assez ou de trop de prospérité, je crois que si vous regardez au niveau macroéconomique, au niveau le plus élevé, vous verrez un pays qui connaît une grande prospérité, mais si vous examinez à l'intérieur des frontières et analysez l'information, vous constaterez un gouffre énorme entre les riches et les pauvres. Je crois que c'est aussi ce que nous voyons. Les notions de « trop » ou « pas assez » varient selon le côté du spectre où l'on se trouve, mais il s'agit vraiment d'un éloignement du centre et d'un approfondissement des deux dimensions, ce qui est, sera le problème.

Blair Sheppard : Taki, deux choses à ce sujet. Tout d'abord j'aimerais souligner que Jess est maintenant au Ghana. Si vous quittez l'Amérique du Nord et que vous allez en Afrique, le Nigeria a un taux de chômage de 23 % et, pour les jeunes, il s'élève à 40 %, 50 %. Donc, où vous vous trouvez change les choses, mais c'est vraiment peu attrayant partout.

Taki Sarantakis : Si je caractérise, et dites-moi si c'est une caractérisation exacte ou non, la crise de prospérité compte deux éléments. Le premier est sur le plan du pays, vous pouvez avoir une prospérité insuffisante et il s'agit d'un type de crise évident. Le second, également sur le plan du pays, lorsque vous avez une prospérité plutôt suffisante, la répartition de cette prospérité entre les groupes d'âge, les cohortes de population, les professions, les détenteurs d'actifs, les ouvriers, les employés salariés, est-ce qu'il s'agit de la crise de prospérité?

Blair Sheppard : Oui. Examinons l'aspect national une minute. Dans les pays où la croissance du PIB est énorme, vraiment bonne, il y a une très grande concentration de cette croissance entre les mains de quelques personnes, et cela se retrouve dans la richesse, pas dans les revenus. L'écart dans les revenus est alors immense. Voilà le premier point.

Le deuxième point est que c'est aussi régional. Les actions d'Apple se négociaient plus de 500 milliards de dollars sur l'indice FTSE 100 il y a quelque temps. Voilà une immense concentration de richesse dans une société et à un endroit dans le monde. Vous traversez les États-Unis, vous avez des régions qui sont complètement à l'opposé de cette histoire, où la situation est simplement terrible. Même chose au Canada, où quelques villes s'en sortent très bien, et un tas de plus petites villes qui vont moins bien. C'est donc interrégional ainsi qu'individuel et c'est intergénérationnel. Cela dépend, on peut séparer cela de plusieurs façons, mais il y a quelqu'un au bas de l'échelle, et il y en a beaucoup plus qu'avant.

Taki Sarantakis : Laissez-moi cependant me faire l'avocat du diable, Jessica, et revenir en arrière, ou remonter le temps. N'en a-t-il pas toujours été ainsi? Nous grandissons en pensant aux requins de l'industrie, à Wall Street, aux grandes sociétés minières, à la classe privilégiée et à la classe ouvrière d'autrefois. N'en a-t-il pas toujours été ainsi? Qu'est-ce qui est différent de nos jours?

Jessica Shannon : Eh bien, je dirais entre autres que je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites. Un spectre de répartition des richesses a toujours existé. Je pense que dans certains pays, on peut facilement faire valoir qu'un certain degré de disparité est nécessaire et qu'un certain degré de différenciation est nécessaire pour avoir une société productive, pour avoir de la motivation, pour avoir des aspirations.

Je crois que ce qui est différent aujourd'hui, ce sont deux choses. Compte tenu de la mondialisation, l'ampleur peut être bien plus grande. Lorsque vous regardiez uniquement à l'intérieur des pays plutôt qu'entre les pays, ce spectre semblait très, très différent. C'est une chose, mais il y a aussi un point de bascule. Il y a, tout le monde est au milieu et les perspectives sont nulles, ce qui est un problème. Puis, vous arrivez à un point d'asymétrie où la concentration des richesses et la souffrance atteignent un point trop élevé et cela crée à la fois, comme Blair l'a mentionné, un manque de motivation, mais c'est cette logique d'instabilité géopolitique extrême. Je crois que nous sommes arrivés au point où...

Taki Sarantakis : J'aime cette idée. Je vais conclure cette partie avec Blair, mais avant, j'aime l'idée du point de bascule, parce que ce que je décris, il y a eu différents points de bascule, la Grande Récession, des guerres, la Seconde Guerre mondiale, les révolutions, etc. Ce n'est pas tant que le passé se reproduit comme il l'a toujours fait. C'est qu'il y a beaucoup de choses dans le passé qui, lorsqu'elles atteignent un certain niveau comme vous l'avez formulé, Jessica, certaines choses se produisent sur le plan social, pour ainsi dire.

Blair, concluez cette partie, en quelque sorte du point de vue d'une personne assise dans le public qui réfléchit à la politique dans un ministère à vocation économique au Canada, ou un ministère à vocation sociale au Canada, ou un ministère chargé de la sécurité au Canada, ou un organisme de réglementation des aliments, ou peu importe, que devrait-elle retenir en une phrase ou deux sur la crise de prospérité?

Blair Sheppard : Le premier point est ce que Jessica et vous venez de souligner, c'est-à-dire que tout au long de l'histoire quand vous observez une telle disparité les choses tournent mal, et on veut éviter cela. Je veux dire, il appert qu'il faut beaucoup de temps pour se remettre d'une révolution. Il faut beaucoup de temps pour se remettre d'une guerre et rejeter un système qui fonctionne dans une certaine mesure, mais créer des disparités injustifiables n'est pas acceptable. Cela crée également quelque chose dont nous parlerons plus tard, à savoir la méfiance à l'égard des institutions, qui est vraiment néfaste.

Taki Sarantakis : Vous avez révélé l'un des secrets!

Blair Sheppard : Mais je crois que l'autre élément est qu'il ne s'agit pas d'un problème de redistribution en soi, car l'une des choses que les gens diront d'un point de vue politique et que le gouvernement dira est « notre travail est de taxer et de redistribuer ». La distribution doit d'abord être adéquate. Nous devons réparer le système de distribution même, car il est brisé d'une manière qui pourra être dénouée. La pièce maîtresse de ce système est un modèle économique massif « un seul gagnant » qui doit être remis en place d'une manière ou d'une autre. Et donc, vous ne pouvez y arriver simplement par la taxation. Vous devez changer le processus fondamental.

Taki Sarantakis : Formidable. C'est la crise numéro un, la crise de prospérité. La crise numéro deux est la crise de la technologie. Celle-ci est intéressante parce que, pour la première crise, nous parlions un peu de la question de savoir s'il y en a trop, s'il y en a trop peu, si c'est... Nous ne savons pas vraiment si nous avons trop ou pas assez de technologie. Nous savons que la technologie est énormément plus présente qu'hier et nous savons que la technologie nous entourera beaucoup plus demain par rapport à aujourd'hui. Jessica, commencez à nous parler de la crise de la technologie.

Jessica Shannon : Bien, je crois que la technologie est une crise intéressante, car c'est l'un des plus grands risques auxquels nous faisons face aujourd'hui, mais la technologie est aussi la plus grande possibilité qui s'offre à nous. Ainsi, la technologie est une grande égalisatrice si elle est utilisée et déployée correctement, et les gouvernements peuvent contribuer à des sociétés qui ont un plus grand accès à l'éducation, un plus grand accès aux soins de santé, mais en même temps, nous sommes un peu en mode de crise avec les fausses nouvelles qui prolifèrent utilisant la technologie. Nous avons l'intelligence artificielle et la crainte qu'elle fasse disparaître des emplois. Et donc, les citoyens et les humains se trouvent à un point d'inflexion : mon emploi existera-t-il demain? Puis ils se demandent également, si leur poste existe, s'ils posséderont les compétences nécessaires pour l'occuper. Parce que le monde de la technologie exige un ensemble de compétences bien différent de celui de la main-d'œuvre d'hier.

Ensuite, il faut se demander comment une entreprise ou un gouvernement peut investir dans les bonnes technologies et former ses équipes tout en gérant les risques de cybersécurité qui se présentent. On voit tous les jours dans les journaux une autre institution souveraine ou une autre entreprise être victime d'une atteinte à la cybersécurité à grande échelle. Alors, vous examinez toutes ces facettes et c'est, selon moi, assez accablant. Nous nous heurtons donc véritablement à un point d'inflexion en matière de technologie.

Maintenant, je crois que les dernières années ont, au moins, accéléré le besoin de technologie. Le monde est passé au numérique très, très rapidement, et je crois que la plupart des gouvernements et des entreprises tentent de perfectionner leurs employés pour pouvoir subvenir aux besoins, mais nous devons vraiment trouver comment le faire de manière réfléchie, en développant les emplois, les compétences, l'éducation et les soins de santé.

Taki Sarantakis : Blair, encore une fois, je vais en quelque sorte me faire l'avocat du diable d'un point de vue historique. Ne parlons-nous pas de luddisme ici, ne parlons-nous pas de, oh, sommes-nous encore en train d'apprendre à utiliser Internet? Nous n'en sommes qu'à la 30e année. Cela nous a pris 70 ans pour apprendre à utiliser le téléphone et il nous a fallu 50 ans pour apprendre à utiliser la télévision. Nous n'en sommes qu'à la 10e année des médias sociaux. Chaque génération n'a-t-elle pas vécu une telle angoisse existentielle à propos de la technologie? C'est comme, oh mon Dieu, mes enfants veulent des voitures. Oh mon Dieu, qu'est-ce qui ne va pas avec la radio? Pourquoi les gens sont-ils si obsédés par la télévision? La radio vous donne ce dont vous avez besoin. Y a-t-il quelque chose de différent à propos de cette époque?

Blair Sheppard : Deux choses, si je peux me permettre. Nous devons nous inquiéter de deux systèmes de TI en fait lorsque nous réfléchissons à la technologie. L'un d'eux est le système technologique industriel et son impact sur le climat, que nous pouvons aborder. Le second est celui dont nous parlons en ce moment, c'est-à-dire la TI comme la plupart des gens la conçoivent. Ce qui différencie la TI des technologies précédentes est qu'elle fait ce qui nous rend humains. Elle recueille des données, analyse des données, prend des décisions, porte un jugement et crée. Eh bien, si vous demandez à quelqu'un ce qui fait de nous des êtres humains et que vous y ajoutez un mouvement, c'est ce qui manque en quelque sorte. C'est un peu ce qui différencie les humains des autres espèces dans le monde.

C'est différent dans la mesure où c'est en réalité plus risqué pour notre existence que jamais. C'est aussi plus ancré dans ce qui nous rend spéciaux. C'est ancré dans nos processus de communication. C'est ancré dans nos processus décisionnels. C'est ancré dans nos processus d'analyse. C'est ancré dans les jugements que nous portons. Donc, quand vous avez ça, les risques deviennent plus grands. Et c'est vrai, nous pouvons y remédier. Et donc, une crise n'est pas une fatalité. C'est une chose sur laquelle les humains peuvent agir. Je ne veux donc pas dire que c'est inévitable. Ce que je veux dire, c'est que si nous ne faisons rien, elle prend une sale tournure.

Songez aux circonstances où elle a une incidence négative. La première est économique. C'est l'une des principales raisons de la disparité des richesses, car les économies sur Internet sont des économies « un seul gagnant ». La deuxième chose est qu'elle va entraîner une immense transition professionnelle. Celle-ci sera très difficile pour les gens, car elle nécessitera de toutes nouvelles compétences en aval. Il y aura donc beaucoup de travail laissé en plan.

Cela s'est déjà produit, mais en réalité nous n'avons pas à laisser les choses aller si nous planifions et gérons bien. Autrement, cela va créer une crise. Si vous prenez le deuxième élément, qui est en fait sociétal, il mine vraiment la démocratie. Et il crée réellement une polarisation à un niveau très, très effrayant. Nous avons des problèmes. Et enfin, à l'échelle individuelle, la dépression et l'anxiété chez les adolescents atteignent un niveau jamais vu par le passé. Malheureusement, le suicide et l'automutilation en sont les conséquences. C'est assez grave. Avons-nous déjà vécu une telle situation? Oui. Les travailleurs et la main-d'œuvre ont été blessés par des machines dans le passé, mais la situation actuelle est vraiment grave et elle empire plus rapidement qu'avant.

Taki Sarantakis : Laissez-moi revenir en arrière. Encore une fois, et Jessica s'est peut-être inspirée de cela ou d'autre chose, mais nous sommes en 1995 et l'Internet commercial démarre. Nous démocratisons le monde. Nous démocratisons l'information. Nous brisons les chaînes de l'éditeur, de l'autorité, du médecin, de l'avocat. Nous donnons maintenant les moyens à tout le monde, en quelque sorte. C'est incroyable. Puis, même si nous avions cette conversation il y a 10 ans et que les gens disaient que « la technologie est mauvaise », il n'y a pas si longtemps, la technologie ne pouvait rien faire de mal. Il n'y a pas si longtemps, tout le monde disait : « Faites comme Google, comme Facebook, comme Twitter ». Et maintenant, nous semblons être passés complètement à l'opposé du spectre. Les gens disent : « Oh mon Dieu, la technologie est mauvaise ». Que s'est-il passé, Jessica?

Jessica Shannon : C'est une question intéressante. Je pense que Blair a mis le doigt sur l'un des grands changements dans sa dernière observation, à savoir la vitesse. La vitesse du changement a augmenté de façon spectaculaire. Si l'on compare le rythme des inventions et des changements en 1995 à celui d'aujourd'hui, on constate qu'il est très différent, et les gens ont du mal à le suivre. Et c'est l'une des premières fois dans le monde que nous sommes presque, je dirais, la technologie devance la philosophie. Nous examinons ce que nous pouvons faire, pas nécessairement ce que nous devrions faire. Ou nous examinons d'abord ce que nous pouvons faire. Voilà un gros changement de paradigme.

Taki Sarantakis : J'adore l'idée, car encore une fois, nous avons toujours eu des perturbations dans le passé. La voiture a remplacé la calèche et la voiture autonome remplacera un jour la voiture avec conducteur, puis la voiture volante remplacera la voiture autonome, et ainsi de suite. Je crois que ce qui frappe les gens est exactement la question que vous avez soulevée, Jessica, c'est-à-dire l'accélération, le degré avec lequel les perturbations, qui peuvent parfois constituer une destruction, nous touchent avec une fréquence et une vitesse que nous n'avons jamais vraiment connues dans l'histoire de l'humanité.

L'une des phrases que j'aime répéter sans cesse aux gens est la suivante : aujourd'hui est la journée la plus lente du reste de votre vie. L'avenir ne sera jamais plus lent. La bande passante ne sera jamais plus lente. Les systèmes sans fil ne seront jamais plus lents. L'intelligence artificielle ne deviendra jamais moins intelligente. Son intelligence ne fera que grandir. Si vous vous préparez à la 5G, bien, même si vous êtes entièrement prêt pour la 5G, Samsung travaille déjà sur la 6G et quelqu'un travaille probablement déjà sur la 7G. Le degré de rapidité et de changement qui s'opère me semble être la différence fondamentale entre la technologie d'aujourd'hui et la technologie d'hier.

Blair, nous avions un intellectuel canadien ici qui s'appelait Marshall McLuhan et qui est devenu célèbre pour avoir inventé l'expression « village planétaire », entre autres phrases. L'une des choses que j'admire vraiment à propos de Marshall McLuhan est la phrase suivante où il a dit : « Nous façonnons nos outils et par la suite nos outils nous façonnent ».

Blair Sheppard : Oui.

Taki Sarantakis : Je crois que c'est là où vous vouliez en venir tout à l'heure à propos de la santé mentale, des taux de suicide, des gens qui font une dépression, etc. Donnez-nous une sorte de, encore une fois, concluez cette partie du point de vue d'un responsable des politiques, d'un responsable des programmes. Quelle est votre relation avec la technologie? Comment pouvez-vous, en tant que fonctionnaire, vous assurer que vous utilisez la technologie pour le bien et non pour le mal?

Blair Sheppard : Je recommande à tous de relire Marshall McLuhan, car je pense qu'il avait tout à fait raison de dire qu'essentiellement, nous créons la chose qui nous amène à être ce que nous serons ensuite. Je pense qu'il l'a fait brillamment. Si vous comprenez sa façon de parler et comment nous devrions réfléchir, nous devons faire la même chose avec la technologie existante. La différence est que les enchères ont monté parce que la technologie est plus omniprésente et régit une plus grande partie de notre vie. L'impact est encore plus grand.

Il est individuel, sociétal et économique en général. Deux choses pour tout être humain dans l'élaboration des politiques, la première est que nous devons de plus en plus devenir des technologues basés sur l'humain ou des humanistes experts en technologie. En tant que personne qui comprend les gens, en tant que responsable des politiques, vous avez intérêt à comprendre la technologie ou vous aurez des problèmes, mais en tant que personne qui comprend la technologie, vous avez intérêt à comprendre les humains et les systèmes humains ou vous causerez des dégâts. Vous allez vraiment faire de sérieux dégâts. Et on ne procède pas comme ça. Nos écoles d'ingénieurs forment des ingénieurs. Nos départements de sciences sociales forment des spécialistes des sciences sociales. Nous devons enseigner les deux ensemble et devons penser aux politiques avec les deux ensemble.

La deuxième chose est que nous devons élaborer des politiques du XXIe siècle, et non du XXe siècle. L'idée que l'antitrust est le problème des plateformes ne tient pas compte des répercussions qu'elles ont. En fin de compte, pourquoi avoir besoin d'un gouvernement pour effectuer un recensement quand Google peut le faire instantanément? Je veux dire, de nombreuses fonctions du gouvernement pourraient tout simplement disparaître. Nous devons comprendre que la menace qui pèse sur notre structure sociale est très différente de la menace de l'ère industrielle, et nous avons besoin de politiques à la mesure de cette menace.

Taki Sarantakis : Deux dernières choses sur cette partie. La première est que vous avez fait un clin d'œil à Marshall McLuhan, dont je partage pleinement l'opinion, mais il y a aussi que Marshall McLuhan était un peu l'apogée de ce que nous appelons ici l'école de Toronto, avec des gens comme Harold Innis et Eric Havelock, et même Northrop Frye, qui se rassemblaient véritablement et réfléchissaient sérieusement à de telles questions. Si vous avancez dans certains cas, près de 100 ans maintenant, ils ont vraiment eu l'ultime conviction d'une manière remarquable, dans certains cas, avant la télévision, sans parler d'Internet, de l'intelligence artificielle et des médias sociaux.

Le deuxième aspect à cet égard qui est vraiment très intéressant du point de vue de la crise de la technologie est quelque chose que vous venez de mentionner à propos de ces secteurs, ces entreprises, ces industries ou ces technologies qui sont en quelque sorte en concurrence avec le gouvernement. C'est, encore une fois, quelque chose que je dis aux gens depuis les dernières années, que si vous y réfléchissez un peu au-delà de ce que vous faites au quotidien, nous commençons à voir la République de Facebook, la République de Google et la République de Twitter se former. Cela devient en quelque sorte... et la République d'Apple et à quel type de république, en tant que citoyen, prêtez-vous allégeance à travers les personnes avec lesquelles vous interagissez?

Cela devient, avec le temps, un défi pour la notion même d'État, parce que l'État repose sur la présence physique, mais le numérique est tout le contraire de la présence physique. Le numérique se moque de l'endroit où vous vous trouvez physiquement. Et donc, à cet égard, il entre en conflit avec l'État. Je pense que c'est quelque chose à quoi j'aurais aimé que nous ayons réfléchi un peu plus tôt dans un sens philosophique plus large, parce qu'il y a un peu une lutte sous-jacente par exemple aux ventes ou à la part de marché ou autre, il y a quelque chose d'autre en jeu au-delà de l'habituel souci de rentabilité commerciale que nous avons vu. Maintenant, notre troisième crise est celle que vous avez déjà évoquée, Blair. Vous nous parlez de la troisième crise.

Blair Sheppard : Dans un sens, vous pourriez prendre les deux que nous venons de décrire, et nous n'avons pas abordé la technologie industrielle, qui est selon moi la crise la plus urgente, du point de vue des perturbations et de l'impact sur le climat, mais si vous prenez tous les éléments et les rassemblez, les gens ne font pas confiance aux institutions pour une raison, et reprenez là où vous venez de commencer. Nos institutions gouvernementales sont posées sur un ensemble d'hypothèses à propos de la nature du lien entre les êtres humains, qui est lié à la proximité. Il est lié aux géographies implicites. Ce que font les plateformes détruit toute cette logique en quelque sorte.

D'autres formes d'identité et de connectivité sont créées. Le problème est que cela met en danger toutes les institutions qui reposent sur les hypothèses précédentes, soit la totalité d'entre elles en fait. Qu'il s'agisse de notre système d'éducation, de nos processus politiques, de notre système juridique, nommons-les, ils entrent tous en jeu. Cela change même le sens de la guerre, car la guerre consiste à acquérir des actifs incorporels. Il ne s'agit pas d'acquérir des biens, ce qui est, nous avons construit notre armée en partant du principe que nous devons défendre le territoire. Eh bien, en fait, ce n'est plus ce que vous devez défendre.

Tout est redéfini. Le casse-tête est que l'on fait confiance aux institutions parce qu'elles changent lentement. Le système d'éducation ne peut être différent chaque jour, car je dois savoir ce que mon enfant va faire, étudier et comprendre. Le système juridique ne peut pas changer. Je dois être capable de prédire la loi. Le système énergétique ne peut pas changer, car je dois construire ma maison en fonction du principe de ce qu'est le système énergétique.

Toutes les institutions qui existent dans la société sont régies de manière à ce qu'elles évoluent lentement. Or, cela n'est plus possible, car une énorme menace pèse sur elles. Et donc, le vrai défi est que le tissu institutionnel qui nous permet de vivre notre vie peine de plus en plus à s'adapter aux menaces qui pèsent sur lui. Ainsi, nous ne pouvons simplement pas vivre notre vie. Que dois-je faire étudier à mes enfants? Comment mes problèmes peuvent-ils être gérés par le système politique? Puis-je faire confiance à la loi? Puis-je investir mon argent? Je veux dire, et toutes ces choses, simplement les décisions quotidiennes, il est tout simplement impossible de les prendre. Je pense que le problème est que si vous pensez à l'importance des problèmes que nous avons décrits plus tôt, nous avons besoin que ces institutions réussissent à les résoudre.

Taki Sarantakis : Jessica, nous sommes en 2021, le monde évolue de façon spectaculaire, il change rapidement, rien ne nous laisse croire qu'il évoluera moins rapidement à l'avenir. Que ferons-nous de ces institutions? Nous avons vu ces institutions ne pas suivre le rythme de la société au fil du temps, qu'il s'agisse d'institutions de l'Église, d'institutions communautaires ou d'éléments qui assurent la cohésion d'une communauté. Beaucoup de ces choses, voire toutes, étaient d'une certaine manière fondées sur le lieu ou l'espace.

Maintenant, pour les institutions, deux choses sont en train de se produire. La première est que le monde évolue plus rapidement autour d'elles que leur capacité à répondre à la demande de ce qu'elles étaient à l'origine. La seconde est que, d'une certaine manière, on ne sait plus très bien qui l'institution sert ou qui sert les gens. Je peux devenir un citoyen de l'Estonie à partir d'ici à Ottawa, en Ontario. Je peux cliquer et présenter une demande de citoyenneté électronique en Estonie ou je ne dois pas forcément me rendre à une université au bout de la rue. Je peux presque fréquenter n'importe quelle université, encore une fois, depuis mon salon. Comment les institutions sont-elles censées survivre à cela?

Jessica Shannon : Il s'agit d'un dilemme intéressant et assurément d'une crise existentielle. Si vous y réfléchissez, comme Blair l'a mentionné, ce qui faisait la crédibilité des institutions par le passé était leur incapacité à s'adapter du jour au lendemain. Or, un facteur de réussite essentiel pour qu'une institution soit pérenne est sa capacité à s'adapter du jour au lendemain. Une grande partie de ce que vous voyez, à mon avis, quand nous parlons de changement, l'élément le plus difficile à changer est l'élément humain. Si l'on songe à la gestion du changement et au fait de mettre les gens à l'aise avec le changement, je crois que d'un point de vue institutionnel, l'un de nos plus grands défis est de rendre les intervenants, les professionnels, les humains au sein de l'institution à l'aise avec le changement culturel qui s'opère. C'est l'une des choses qui doit se produire, changer notre tête et notre cœur, pour ainsi dire.

Lorsque nous examinons les institutions qui réussissent le mieux à évoluer et à changer, nous constatons qu'il s'agit de celles qui sont capables de changer la culture de leur personnel, mais aussi de celles qui sont en mesure de bouleverser leur fonctionnement. Nous avons des industries ou des institutions qui subissent des perturbations et d'autres qui continuent à briser leur modèle et à bouleverser leurs habitudes. Je pense que ce qui sera essentiel à l'avenir au niveau institutionnel, c'est la capacité à bouleverser ses habitudes plutôt que d'attendre que les citoyens appellent aux perturbations, les médias étant un excellent exemple, n'est-ce pas?

Dans la plupart des cas, les médias sont morts d'une mort lente et douloureuse, car ils n'ont pas été capables de passer à une plateforme en ligne, ils ont conservé le papier journal aussi longtemps que possible et ont essayé de monétiser le papier journal plutôt que de le faire en ligne. La capacité à bouleverser leur fonctionnement sera décisive pour l'avenir des institutions, selon moi.

Taki Sarantakis : Maintenant, Jessica, je vais poursuivre avec vous une minute parce que vous vous occupez un peu au jour le jour du gouvernement et des services publics. Je ne souhaite pas nécessairement parler du gouvernement canadien ni du gouvernement américain, mais je veux parler de la notion de gouvernement et de la notion de fonction publique. Vous m'avez dit deux choses qui semblent un peu incompatibles en théorie et en même temps effrayantes, à savoir que si les institutions gouvernementales ne changent pas, elles perdent de leur pertinence ou deviennent désorganisées. Puis, la deuxième chose que vous avez dite et qui fait peur est que les institutions gouvernementales ou les institutions dans leur ensemble, mais peut-être en particulier les institutions gouvernementales, elles évoluent lentement délibérément, comme par définition. Qu'est-ce qui se passe ici? Si je fais le calcul, un plus un, ça ne fonctionnera pas.

Jessica Shannon : Bien, et je pense que ces deux faits jouent un rôle, si vous examinez les nombreuses enquêtes qui ont été publiées cette année dans le monde, en observant les différents groupes d'intervenants, les gouvernements actuellement dans le monde entier, et comme vous l'avez dit, pas un pays en particulier, mais dans le monde entier, sont considérés par leurs citoyens comme les intervenants les moins dignes de confiance et les moins compétents, si vous regardez les catégories d'intervenants. Et je crois que c'est exactement à cause de tout cela.

Lorsque nous pensons à maintenir la crédibilité comme institution, à mon avis de nombreux gouvernements ont dépassé ce stade et cherchent maintenant à restaurer leur crédibilité en tant qu'institution, parce que les gens font confiance au secteur privé plutôt qu'au gouvernement pour bien des choses qu'auparavant ils auraient considéré le gouvernement comme le chef de file.

Taki Sarantakis : Si le monde bouge rapidement et que vous ne bougez pas rapidement, avec le temps, les gens commencent à remettre en question votre utilité, votre but ou votre raison d'être. Blair?

Blair Sheppard : Je crois que l'on doit prendre conscience des raisons pour lesquelles les institutions évoluent lentement. Nous devons donc réfléchir à un processus de gouvernance qui nous permet de nous occuper de ce à quoi nous tenons et de le protéger, tout en évoluant rapidement. Permettez-moi d'utiliser brièvement une analogie universitaire. Certaines des universités qui réussissent le mieux ont mis en place des processus de gouvernance accélérés qui relèvent toujours du conseil d'administration, mais qui permettent de prendre une décision et de couvrir toutes les bases. Elles les couvrent simplement très rapidement. Elles règlent la question très vite pour pouvoir avancer. Ce qu'une institution ne peut pas faire, c'est éliminer toutes les protections qui la rendent digne de confiance. Mais le problème est que si vous laissez ces protections faire ce qu'elles font naturellement, on ne peut plus se fier à l'institution parce qu'elles créent des résultats non durables. Vous devez donc accélérer la gouvernance. C'est une chose difficile à faire dans un système politique, mais vous n'avez pas le choix, à mon avis.

Jessica Shannon : Eh bien, Blair, je pense que l'une des choses, un autre exemple, c'est que vous devez mémoriser l'agilité, parce que si vous examinez les organismes gouvernementaux, une crise ou un point de décision a rarement un caractère singulier. Donc, mémoriser et codifier la capacité à travailler entre les organismes et entre les ministères fera une grande différence. Je sais que c'est très différent de la mentalité traditionnelle selon laquelle la finance s'occupe de la finance, le travail s'occupe du travail, l'agriculture s'occupe de l'agriculture. Tous les éléments doivent désormais fonctionner dans l'ensemble du spectre. Et donc, établir un modèle de gouvernance qui favorise et encourage véritablement cela, par rapport au modèle traditionnel que nous avons aujourd'hui, sera, je pense, un succès crucial.

Blair Sheppard : Pour aller plus loin, c'est même à tous les niveaux. Si vous prenez une structure fédérale, vous devez vous inquiéter, vous ne pouvez pas simplement résoudre le problème à l'échelon national, vous devez le résoudre à l'échelle nationale, provinciale ou de l'État et de la ville parce que les éléments du système nécessaires au fonctionnement se trouvent dans les trois niveaux. Vous devez établir des mécanismes de coordination d'un type que nous avons habituellement, mais qui sont beaucoup trop lents. Il ne s'agit pas seulement de fonctions croisées au sein d'un même ordre de gouvernement, mais aussi entre les différents ordres de gouvernement.

Taki Sarantakis : J'aime beaucoup cette leçon pour les personnes dans le public, parce qu'il ne s'agit pas de laisser tomber la gouvernance. Il ne s'agit pas de se débarrasser du rôle de la surveillance, de la prise de décisions ou du contrôle politique, des vérifications démocratiques et de l'équilibre démocratique. Il s'agit de les rendre plus rapides, car si vous ne les rendez pas plus rapides, vous les rejetez de fait.

Nous entendons souvent l'expression « le rythme des affaires ». Je n'aime pas vraiment cette expression, mais ce que j'aime vraiment est le rythme des besoins, c'est-à-dire que si vous travaillez quelque part dans une institution gouvernementale, vous devez travailler à mesure des besoins de cette institution. Cela varie. Si vous êtes à la frontière, si vous êtes un inspecteur des aliments, si vous fournissez, vous réfléchissez à des options de garde d'enfants ou à des options de retraite dans cinq ans, vous devez travailler au rythme des besoins.

Sinon, même si vous travaillez très rapidement, même si vous travaillez aussi vite que possible, même si vous travaillez plus vite que quiconque ne l'a fait à ce poste avant vous, si ce n'est pas au rythme des besoins, ce n'est pas ce qui va résoudre le problème et consolez-vous dans le fait que ce sera plus dur pour votre prédécesseur demain parce qu'il ou elle devra travailler encore plus rapidement que vous dans la plupart des domaines. Blair, un dernier mot sur le sujet.

Blair Sheppard : Taki, j'aimerais souligner ici qu'il ne s'agit pas seulement de vitesse, mais qu'il s'agit aussi de portée. C'est ce qui rend la chose très difficile. Nous devons apporter beaucoup de changements simultanément très, très vite. Prenons l'exemple du climat. Dans le livre, nous disions qu'il restait 10 ans avant minuit, il nous en reste probablement 6, car nous avons sous-estimé les boucles de rétroaction biologique et nous examinions les meilleures données possible, mais en fait nous les avons sous-estimées. Il s'avère que le plancton meurt plus rapidement, les forêts brûlent plus rapidement que prévu. Et donc, dans la mesure à laquelle cela se produit, nous arrivons de plus en plus vite à un point où il sera pratiquement impossible de faire marche arrière.

Comment changer un système industriel en entier en six ans? C'est ce que nous devons faire. Nous devons le faire. Donc, il s'agit d'un problème de vitesse, mais également d'un problème de portée. Il s'agit d'un énorme problème de portée. Alors, ce que je veux que tous ceux qui écoutent comprennent, c'est bougez-vous les fesses et allez-y parce que, je veux dire, la raison du mot crise, nous n'utilisons pas facilement le mot crise chez PwC. Je n'utilise pas le mot crise facilement. Je suis l'un des grands optimistes de ce monde. Je dois vous dire que je suis terrifié. Et...

Taki Sarantakis : Eh bien, vous êtes l'un des grands optimistes de ce monde. Je suis l'un des grands pessimistes de ce monde. C'est un bel équilibre. Alors que nous passons à notre dernière crise, qui est la crise du leadership, s'il me restait des cheveux, je les arracherais parce que nous sommes tous des leaders aujourd'hui. Il est impossible d'entrer dans une librairie sans voir des rayons et des rayons de « soyez un leader », « vous êtes un leader ». Qu'est-ce que la crise du leadership? Nous savons tous absolument tout sur le leadership, n'est-ce pas? Depuis notre plus tendre enfance, on nous dit que nous sommes des leaders. Jessica?

Jessica Shannon : Nous avons entamé la conversation en parlant de la prospérité et du trop et du pas assez tout en même temps. Vous avez, comme vous dites, tout le monde est un leader à un moment donné, mais personne ne l'est lorsqu'il s'agit d'assumer l'ultime responsabilité des problèmes mondiaux et de rendre des comptes. Si vous songez au climat, que Blair vient de mentionner, les changements climatiques sont un exemple parfait : qui est le dirigeant mondial qui va superviser une crise qui ne connaît pas de frontières et ne tient pas compte des frontières?

Vous songez à la pandémie de COVID-19, c'est la même chose. Où était le mécanisme de leadership mondial pour vraiment aider à mobiliser la capacité collective plutôt que pays par pays? Les gouvernements se trouvent dans une position très difficile en matière de leadership car, d'une part, vous avez ces enjeux qui ne tiennent pas compte des frontières et ces nouvelles institutions qui se mettent en place et qui ne prennent pas en considération les frontières dont vous avez parlé. Vous avez donc vraiment besoin de solutions mondiales à des défis mondiaux.

En revanche, les citoyens et les intervenants demandent des solutions axées sur le pays. Lorsque des pénuries ont touché la chaîne d'approvisionnement, tout le monde voulait s'assurer d'être protégé en premier. Vous avez les mêmes défis en ce qui concerne les vaccins et la vaccination dans le monde. À quel point axons-nous les solutions sur le pays? Les gouvernements doivent donc véritablement trouver un équilibre entre la nécessité d'adopter des solutions mondiales et de relever les défis mondiaux qui surgissent très rapidement et la nécessité de protéger les électeurs et les intervenants locaux. Je suis d'avis que nous vivons une crise du « tout » et du « rien ».

Taki Sarantakis : Blair, qu'est-ce que la crise du leadership selon vous?

Blair Sheppard : Cela nous ramène à la fin de la dernière partie, à savoir que nous vivons à une époque où les exigences des dirigeants sont différentes de ce qu'elles ont été au cours des 50, 60 ou 70 dernières années. Et donc, jetez les livres, parce que les livres ont fait fond sur une théorie du fonctionnement du monde que nous sommes en train d'abandonner, en réalité. Je ne veux pas dire que certains des attributs du leadership sont faux, mais je veux dire qu'en fait, vous devez reconnaître que la nature du problème présenté est différente de ce qu'elle était auparavant et, par conséquent, ce que nous pensions du leadership n'est pas adaptable. Voilà le premier point.

L'argument clé selon moi est qu'il faut penser au genre d'éléments paradoxaux qui nous incombent, à savoir comment préserver les traditions, mais innover en même temps? Comment être incroyablement habile sur le plan politique tout en faisant preuve d'une grande intégrité? Comment être à la pointe de la technologie, mais comprendre profondément les gens et les systèmes humains? De tels éléments ne sont pas contradictoires par définition, mais on ne les retrouve généralement pas ensemble chez beaucoup de personnes. Nous devons les intégrer davantage.

L'autre chose que j'aimerais ajouter, et qui est très importante, est qu'il est vraiment essentiel à l'échelle nationale que les fonctionnaires comprennent deux attributs du leadership. L'un est qu'ils sont eux-mêmes des leaders et doivent assumer un tel rôle. L'autre est que leur travail consiste à aider les gens à faire quelque chose de pratiquement impossible, à le reconnaître et à les soutenir dans la tâche. Nous devons changer la façon dont nous nous considérons comme les gens au service de ceux qui essaient de faire de la politique, parce que c'est un travail qui est, pour ainsi dire, impossible de nos jours.

Ensuite, la seule autre chose que je dirais, c'est que le mot « leadership » me tracasse un peu, car il est égocentrique en quelque sorte. Il se rapporte à moi-même, à mes propres attributs et à mon propre courage. En fait, ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est de personnes qui ne se soucient pas du tout d'elles-mêmes, mais qui se soucient simplement de la chose qu'elles essaient d'aider, de la chose qu'elles essaient de régler. Oubliez vos attributs, oubliez vos caractéristiques, travaillez simplement sur ce qui compte. Et donc, j'aimerais qu'on enlève un peu d'égocentrisme dans notre façon de penser au « leader ».

Taki Sarantakis : Dans un sens, le mot leadership est chargé d'égocentrisme comme vous l'avez mentionné, parce que dans un certain sens, même si nous n'en parlons jamais, si vous avez des leaders selon une ou deux définitions ou des définitions classiques, vous avez aussi des « suiveurs », et personne ne parle jamais de l'esprit de subordination. Les gens, tout le monde se concentre sur le leadership, mais dans un certain sens, c'est comme si tout le monde courait partout en étant un leader ou tout le monde suivait une personne, donc encore une fois, on en arrive à une dichotomie très complexe : qu'est-ce qu'une personne en position de leadership doit faire aujourd'hui qui est différent d'hier? Voilà où je veux vous emmener, en quelque sorte, tous les deux. Donnez-moi une ou deux caractéristiques du leadership qui nous ont été utiles par le passé, mais qui ne nous servent plus aujourd'hui ou qui ne nous serviront plus à l'avenir. Blair?

Blair Sheppard : Je vais vous donner les deux catégories de caractéristiques, les choses qui sont bonnes pour maintenir la hiérarchie. Beaucoup de pratiques qui maintiennent la hiérarchie...

Taki Sarantakis : Exactement.

Blair Sheppard : ...par les leaders. Par exemple, comment vous gérez le flux d'information, comment vous gérez la prise de décisions, qui est dans la pièce et qui ne l'est pas lorsque vous tenez la conversation, les règles de décision et les processus de décision sur lesquels nous conseillons les dirigeants, donc tout... Même la façon dont nous abordons la stratégie, parce que dans un sens, nous pensons à la stratégie comme une chose à faire, vous allez à la montagne, vous y pensez, et vous rapportez les tablettes. La stratégie, c'est Moïse. Il faut en quelque sorte mettre tout cela de côté et se dire qu'il faut créer des modèles de leadership adaptés à la nature du problème que nous avons aujourd'hui. C'est la première caractéristique.

Je pense que la deuxième est qu'il y a des éléments qui ont à voir avec le fait de se concentrer sur soi-même d'abord. Et donc, vous aimez l'école de Toronto, revenons à une école encore plus intéressante, qui est l'école grecque à l'époque de Platon. Son premier argument était que vous n'avez plus d'intérêt personnel si vous êtes un leader. Tous les attributs des leaders qui ont trait à l'intérêt personnel devraient être jetés par la fenêtre, car aujourd'hui nous ne pouvons nous permettre que des leaders ayant un souci de la société qu'ils dirigent.

Ainsi, les attributs du leadership qui se rapportent à la politique et au pouvoir, et au maintien de son autorité si l'on veut, me semblent simplement injustifiés. Je ne veux pas dire que les aptitudes politiques ne sont pas utiles, mais ce qui a à voir avec le maintien de votre plateforme de pouvoir est problématique parce que cela est axé sur vous, vos besoins et votre capacité à exercer votre autorité à l'avenir plutôt que sur le problème à résoudre. Nous avons besoin de leaders qui n'ont pas leur intérêt personnel à cœur, mais plutôt l'intérêt communautaire en fait.

Taki Sarantakis : C'est très pertinent, Blair. L'une de mes définitions favorites du leadership est qu'avant de devenir un leader, et je ne parle pas du leadership en titre, mais simplement du leader, avant de devenir un leader, tout tourne autour de vous et une fois que vous êtes devenu, disons un véritable leader, tout tourne autour de ce que vous venez de mentionner, Blair, c'est-à-dire autour des autres. Jessica, si vous deviez choisir une ou deux choses sur le plan des traits de leadership qui nous ont été utiles par le passé, mais qui ne nous servent plus aussi bien dans la société d'aujourd'hui ou peut-être dans celle de demain, quel serait votre avis?

Jessica Shannon : Eh bien, je pense qu'une chose est intéressante sur le plan historique. Si vous regardez les leaders du passé, il s'agissait des personnes les plus éduquées et les plus compétentes dans la société. Je pense qu'aujourd'hui, on est passé de « j'ai le plus de connaissances » à « je pose les bonnes questions ». Il s'agit donc davantage de savoir si je peux analyser et comprendre très rapidement la nature d'un enjeu et d'être capable d'approfondir et de poser les bonnes questions parce que les connaissances sont à portée de main. Plutôt que de me servir des données et de l'expertise pour être en mesure de traiter la question. L'ensemble de compétences a changé de manière assez spectaculaire, à mon avis.

Taki Sarantakis : C'est très différent quand vous avez la totalité des renseignements du monde dans votre poche pour ce qui est d'être un leader, alors que par le passé, l'une des grandes compétences était simplement de savoir comment découvrir ce que nous ignorons, même si ce n'est qu'un fait, puis comment le faire rapidement. Alors qu'aujourd'hui, plus de la moitié de l'humanité a accès à toute l'information ou à pratiquement toute l'information du monde au bout de ses doigts.

Blair, je vais terminer avec chacun d'entre vous par l'opposé, c'est-à-dire, et Jessica l'a abordé déjà, quelles sont les compétences en leadership de l'avenir que nous devrions sérieusement essayer de cultiver, de développer ou de perfectionner, et que nous n'avons pas forcément considérées comme telles dans le passé?

Blair Sheppard : Je vais vous donner deux catégories. La première est la capacité à gérer des choses qui semblent contradictoires. Je vous en ai donné trois exemples. Cela prend de l'ampleur en raison de la nature des problèmes que nous avons.

Taki Sarantakis : Il s'agit de la notion qui consiste à être à l'aise avec l'ambiguïté.

Blair Sheppard : Être à l'aise avec les paradoxes du problème qui se présente. Vous devez respecter les traditions, mais devez innover en même temps. Si vous rompez avec celles-ci, puis innovez, vous allez détruire l'essence, mais si vous vous concentrez trop sur l'essence, vous ne ferez pas naître le changement que vous devez créer. Être vraiment bon avec la technologie, mais comprendre qu'elle est appliquée aux systèmes humains. Être très doué pour la stratégie, mais comprendre que la stratégie est sans importance si on ne peut pas l'exécuter et que l'on doit probablement élaborer des stratégies tout en exécutant plutôt que de séparer les éléments. Avoir d'excellentes aptitudes politiques, mais faire preuve d'une grande intégrité. Il existe un ensemble de choses qui semblent contradictoires et vous devez les faire en même temps. C'est la première.

La deuxième est : amenez cela à un niveau et demandez-vous quelles sont les caractéristiques qui permettent à une personne d'accomplir de telles choses. Je crois que j'en aurais trois à dire. La première est une formidable conscience de soi dans le contexte, ce qui peut sembler égocentrique, mais ce que je veux vraiment dire, c'est le contraire, et donc, être conscient de l'effet que vous avez sur les autres et si c'est l'effet désiré ou non, parce que c'est vraiment fondamental. La deuxième est une très grande empathie et un très grand souci, mais si vous n'êtes pas intéressé, écartez-vous. Si vous ne faites pas preuve d'empathie, écartez-vous. Je ne veux plus de vous. Je pense que la troisième est vraiment ce que Jess a abordé, soit la capacité à rassembler les gens et à créer des solutions agiles très rapidement.

Taki Sarantakis : Jessica, voulez-vous ajouter quelque chose, ou voulez-vous nous dire comment y arriver?

Jessica Shannon : À mon avis, Blair vient de dresser une liste très complète. Je crois que les deux que je soulignerais parce que j'avais, quand vous l'avez mentionnée j'y pensais aussi, c'est l'empathie. L'empathie est un élément essentiel du leadership aujourd'hui. Non pas qu'elle ne l'ait jamais été, mais elle l'est plus que jamais. L'autre caractéristique est de passer du statut de bâtisseur d'empire à celui de rassembleur. Et donc, il s'agit de construire des équipes agiles, mais aussi d'utiliser son pouvoir de mobilisation.

Dans le contexte du gouvernement, l'une des choses essentielles n'est pas qu'un gouvernement puisse tout faire, mais qu'il sache quand faire appel à différents intervenants et acteurs pour bâtir une communauté plutôt qu'un empire qui est détenu et construit. Je pense que du point de vue du leadership, cette capacité à mobiliser est absolument cruciale.

Taki Sarantakis : Nous avons commencé à 10 ans avant minuit, on dirait bien qu'il reste 6 ans avant minuit, si ce n'est pas moins. Blair, vous êtes optimiste. Terminons sur une note optimiste de la part de chacun d'entre vous. Blair et Jessica, dites-nous une chose qui vous encourage à aller de l'avant, qui n'est pas alarmiste, qu'il y a beaucoup de bruit, beaucoup de dynamisme dans les mauvaises directions, beaucoup d'indicateurs dans les mauvaises directions, mais X me donne de l'espoir, ou Y me donne de l'espoir. Jessica et puis Blair, et ensuite nous allons conclure.

Jessica Shannon : Je donnerais deux exemples de choses qui me donnent de l'espoir, bien que je me sente optimiste alors que l'urgence et la complexité sont énormes. Le premier, comme Blair l'a mentionné, je vis au Ghana. Je passe beaucoup de temps en Jamaïque et dans des pays qui étaient de tout temps considérés comme des pays pauvres, vous regardez le Ghana et il y a d'extraordinaires centres commerciaux. Ils mettent en place des mesures de protection de l'environnement. Vous ne pouvez plus avoir de sacs en plastique en Jamaïque. Je pense que le monde s'est entendu pour résoudre les problèmes et que le monde s'élève dans sa totalité, sans nécessairement augmenter cette asymétrie, mais vraiment, vous voyez l'innovation émerger de n'importe où et partout dans le monde, et plus forcément d'un ou de deux pays. Cela me donne beaucoup d'espoir.

Et tout simplement, le fait que nous parlons des problèmes. À de nombreuses reprises par le passé, le monde ne s'est pas uni pour traiter un ensemble cohérent de questions. Le fait que nous ayons ce dialogue, que nous tenions ce débat et que nous tracions ensemble la voie à suivre me donne l'immense espoir que nous créerons des solutions durables aux problèmes d'aujourd'hui.

Taki Sarantakis : La première étape à une solution consiste souvent à reconnaître qu'il y a un problème et à commencer à en parler. Blair?

Blair Sheppard : J'aimerais étayer ce point et dire qu'il existe des groupes dont on ne s'attendrait pas à ce qu'ils en parlent et en fassent leur priorité absolue, à savoir que l'investissement privé est, en fait, plus axé sur la durabilité que n'importe qui dans le monde actuellement. C'est intéressant, car on penserait que les responsables de ce secteur concentreraient le moins leur attention sur la question. Nous constatons que beaucoup de personnes capables d'agir sont maintenant très préoccupées et utilisent leur capacité. Le défi est ce que Jess a dit, notamment comment les rassembler pour obtenir une réponse coordonnée plutôt que des réponses fragmentées, mais je crois être en fait encouragé par le nombre de personnes qui ont la capacité de faire quelque chose à ce sujet, qui sont maintenant inquiètes et concentrées.

Je pense qu'en deuxième, cela nous ramène à une question que vous avez toujours posée, Taki, à savoir que la prochaine génération trouve généralement un moyen de résoudre le problème de la génération précédente. Je suis plutôt encouragé par les enfants. Les conversations que j'ai avec les gens qui sortent de l'ombre et entrent dans la vie active, dans le milieu des ONG ou au gouvernement. Ils n'ont pas de patience et veulent aller de l'avant, et c'est constructif. Lorsque je suis sorti, juste après les années 1960, c'était plus destructeur que ça ne l'était... je veux démolir tout ça. Ils cherchent des réponses, en fait. Et donc, si vous pensez aux gens capables d'agir, qui admettent vraiment qu'il y a un problème, vous pensez aux enfants qui ont l'énergie pour reconnaître le problème, ceux qui sont réunis sont une sorte de force puissante.

Taki Sarantakis : Blair Sheppard, Jessica Shannon, merci pour votre temps. Merci pour vos idées. Merci pour votre énergie, mais surtout, merci d'être des amis de la fonction publique du Canada. Ce fut une merveilleuse discussion où nous ne disons pas tellement aux gens ce qu'ils doivent penser, mais leur disons de commencer à examiner les choses dans le contexte plus vaste de la façon dont ils exécutent leur travail au sein du gouvernement du Canada aujourd'hui et demain en tant que fonctionnaires. Je vous remercie encore une fois. Portez-vous bien. Prenez soin de vous.

Blair Sheppard : Merci de nous avoir invités.

Jessica Shannon : Merci.

[La discussion vidéo passe au logo de l'EFPC.]

[Le logo du gouvernement du Canada apparaît et passe au noir.]

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